Des éoliennes dans le paysage de Soissons. Photo Jean-Marie Champagne
A hauteur de provinces, comme on disait jadis, comment l’écologie s’invite-t-elle dans la campagne électorale ? Le réchauffement climatique, la biodiversité ? Pas tellement. Les éoliennes, les pesticides dans les champs et la pollution en ville font partie des sujets de préoccupation des habitants de la région (Aisne, Marne, Ardennes), et des enjeux de la présidentielle, écrit le quotidien L’Union. Les humanités poursuivent la série VU D’EN FRANCES, pour prendre le pouls de la France comment qu’elle va, avec bonheurs et déboires, depuis les territoires voire terroirs, avec le concours de la presse quotidienne régionale.
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Article Catherine Frey / L'Union
1- Faut-il démonter nos éoliennes ?
Des associations militent dans notre région contre la prolifération des éoliennes. Leurs membres sont particulièrement actifs dans l’Aisne où les parcs éoliens ont poussé comme des champignons. Est-il préférable de retirer ces engins où ils dérangent, ou doit-on encore en ajouter au nom de l’écologie ? « Ni l’un ni l’autre, selon moi », répond Pierre-Jean Verzelen, sénateur de l’Aisne (divers droite) qui connaît le dossier et qui ne soutient aucun candidat à la présidentielle en particulier. « Dans les lieux où l’on est arrivé à des niveaux de saturation visuelle, il faut arrêter d’en mettre. Je sais qu’il y a encore beaucoup de projets dans les tiroirs… » Le sénateur appelle à une dédramatisation du débat : « Si vous voulez vous engueuler le dimanche midi à table, c’est le sujet idéal à aborder chez nous. Certains qui sont contre ne savent plus pourquoi et d’autres qui sont pour, ont aussi oublié pourquoi. »
M. Verzelen fait remarquer que les éoliennes rapportent de l’argent à nos territoires ruraux : « Quand les communautés de communes veulent construire une maison médicale ou faire venir la fibre, elles sont bien contentes de trouver les ressources fournies par l’éolien. Je ne suis donc pas partisan d’une interdiction totale des nouvelles installations. » Quant à démonter les existantes : « Tout cela est régi par des contrats privés. Cela ne pourra pas se faire comme ça, sinon à en subir le coût financier. »
Les Axonais – et certains Marnais et Ardennais – ont parfois le sentiment que l’État colle les éoliennes chez eux par facilité alors qu’il n’aurait pas osé le faire dans des régions plus touristiques : « Il y a des raisons topographiques et climatiques aux choix d’implantation. Et les démarcheurs ont plus de chance de trouver des interlocuteurs faciles à convaincre sur des territoires en difficulté comme l’Aisne. » Conclusion : il faudrait davantage encadrer l’implantation de ces engins et « améliorer la transparence des dossiers d’extension. Bizarrement, il est beaucoup plus facile d’obtenir l’extension d’un parc que d’en créer un nouveau. Il y a là une faiblesse de la réglementation. »
2 - Nos agriculteurs vont-ils changer leurs pratiques ?
« Si on comparait une photo de mon exploitation agricole de Châtel-Chéhéry prise il y a 100 ans et une photo prise aujourd’hui, on verrait de nettes différences. On verrait que les parcelles de ce morceau d’Argonne ardennaise ont bien grossi », expose Thierry Huet, président du syndicat agricole FDSEA dans les Ardennes. « Les choses changent pour s’adapter aux réalités du moment. La photo d’aujourd’hui correspond à des besoins d’hier, la photo de demain sera différente. Tout cela pour dire qu’il faut cesser de montrer du doigt le travail des agriculteurs car ils ont fait ce qui était attendu. Nos pratiques vont-elles changer ? Oui bien sûr, elles vont changer. Elles ont déjà changé. L’agriculture se remet en cause de façon permanente. L’innovation va nous permettre d’utiliser des produits moins nocifs pour répondre aux nouveaux enjeux liés à l’environnement. On aimerait juste ne plus être jugés par des gens qui ne connaissent pas notre métier et qui raisonnent avec leurs yeux et non avec leur cerveau. Laissons un peu de temps à l’innovation et faisons de la place à la concertation. Comme tous les agriculteurs, je prépare le monde parfait dans lequel mes enfants vont vivre. »
3 - Qu’est-ce qui est fait pour améliorer la qualité de l’air à Reims ?
En octobre 2019, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a condamné la France pour ses émissions excessives de dioxyde d’azote, en citant douze agglomérations particulièrement polluantes, dont Reims. Depuis septembre, l’accès au centre-ville de la cité des sacres est interdit aux véhicules classés Crit’Air 5. « L’année prochaine, nous étendrons l’interdiction aux Crit’Air 4 puis en 2024 aux Crit’Air 3 », précise Laure Miller, adjointe au maire chargée de l’écologie urbaine. Pour l’instant, seules les très vieilles voitures sont interdites en ville. En théorie seulement car il n’y a pas encore eu de sanctions pour les contrevenants : « Les contrôles sont pédagogiques. La répression ne va pas tarder à se mettre en place. » La Ville a délimité des zones à 30 km/heure, là encore sans véritable contrôle : « Seule la police nationale peut verbaliser les excès de vitesse. Nous pouvons seulement aménager la voirie pour réduire la vitesse là où ce n’est pas respecté », souligne l’adjointe. Une aide, cumulative avec celle de l’État, est accordée par la municipalité pour aider les personnes peu fortunées à acquérir une voiture électrique : « Le total peut atteindre 15 000 euros. Pour toucher un public plus large, nous avons choisi d’aider également l’acquisition d’une voiture d’occasion moins polluante. Jusqu’à 3 000 euros. Ce qui n’est pas négligeable s’il s’agit d’une petite voiture. » Enfin, la Ville finance, avec la Région, sans condition de ressources, la pose de boîtiers permettant de rouler au bioéthanol : « On pollue moins avec ce carburant donc nous accordons à ceux qui posent le boîtier une dérogation locale pour continuer à rouler malgré une vignette interdite. »
La question en jeu est juste celle de la survie de l’espèce humaine
Les travaux de recherche de l’économiste Nicolas Befort visent à définir la formation de nouveaux espaces économiques face à la transition écologique. Cela fait de lui un interlocuteur éclairé pour savoir ce que va devenir notre économie si l’on cesse de produire et de consommer sans se soucier des conséquences climatiques.
Comment jugez-vous la place de la question écologique dans cette campagne ?
La question est seulement abordée sous l’angle des choix technologiques du type : pour ou contre le nucléaire. On oublie de dire qu’il faut sortir du pétrole et d’indiquer comment on va le faire. Aucun candidat n’est décroissant. Si nous réduisons nos activités polluantes, il y aura forcément une décroissance de certaines activités, personne n’en parle pour le moment. La question en jeu est pourtant juste celle de la survie de l’espèce humaine.
Pour réussir la transition, faut-il abandonner le capitalisme ?
Il existe quatre positions sur le sujet. Ceux qui sont le plus à droite estiment que le dérèglement climatique n’est pas vraiment un problème et qu’on trouvera bien une solution. Les deuxièmes, de droite et de centre droit voire de centre gauche, défendent une politique par l’incitation. Ils estiment que l’innovation technologique permettra de conserver notre modèle économique et qu’il suffira d’inciter les Français à se tourner vers les produits issus de l’innovation : voitures non polluantes, etc. La gauche croit au capitalisme vert. Il engloberait un rôle accru de l’État pour mener la transition à travers des investissements entièrement publics, ou mixtes quand les coûts sont trop importants. Et sans se soucier de l’endettement. Enfin, seul Jean-Luc Mélenchon estime que le problème, c’est le capitalisme et que l’activité économique doit désormais être limitée par la quantité de ressources disponibles.
Quelles peuvent être les conséquences dans la vie quotidienne des gens ?
Ils doivent déjà être conscients que leur action est infime. Même s’ils changent complètement leur façon de vivre, ils ne réduiront que de 20 % leur propre empreinte carbone. La solution ne viendra pas des seuls comportements individuels. En revanche, la transition aura des conséquences positives : on évitera les 100 000 morts par an à cause de la pollution, des problèmes de santé vont disparaître, les logements seront plus confortables et la campagne sera revitalisée.
Peut-on s’attendre à des créations d’emplois ?
Il y aura davantage d’emplois moyennement et fortement qualifiés. La question de l’augmentation des salaires se posera car il faudra payer au juste coût les gens mieux formés.
La France est loin d’être le plus gros pollueur de la planète, pourquoi s’affoler ?
Ce ne sont pas les émissions d’aujourd’hui qui comptent mais leur accumulation. Nous polluons depuis la révolution industrielle à la fin du XIX e siècle. De plus, nous importons une quantité importante de nos produits donc nous obligeons d’autres pays à polluer pour nous. La Chine est devenue l’usine du monde. Enfin, nous devons montrer l’exemple sinon comment espérer voir les autres respecter l’accord de… Paris.
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