Le pétrole représente environ le tiers des exportations du pays. Pourtant, la Colombie de Gustavo Petro décide de refuser tout nouveau contrat d’exploitation de gaz et de pétrole. Au grand dam de la droite qui dénonce "un fondamentalisme idéologique".
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C’était l’une de ses promesses de campagne. Gustavo Petro, élu en juin dernier à la Présidence de la Colombie, avait affirmé sa volonté de prendre des mesures fortes pour lutter contre le changement climatique et renoncer à terme aux énergies fossiles. « Nous sommes convaincus qu'avec un fort investissement dans le tourisme, étant donné la beauté du pays, et la capacité et le potentiel du pays à générer de l'énergie propre, il pourrait parfaitement, à court terme, dans le cadre d'une transition, combler les lacunes laissées par l'économie fossile, qui est précisément ce dont nous avons dépendu », a-t-il encore récemment déclaré.
Hier au Forum de Davos, la ministre colombienne des Mines et de l’Énergie, Irène Vélez, a confirmé cet horizon : « Nous avons décidé que nous n'allons plus concéder de nouveaux contrats d'exploration pour le gaz et le pétrole ». Décision courageuse, tant l’économie colombienne dépend des hydrocarbures : selon des données de 2021, l'or noir représente environ le tiers des exportations du pays, soit quelque 13,5 milliards de dollars. Selon le ministre colombien des finances, José Antonio Ocampo, le pays compte actuellement 121 contrats en cours d'exécution (qui iront à leur terme). 73 autres contrats étaient suspendus ou en préparation.
La Colombie a obtenu des garanties internationales pour accompagner cette transition, avec un prêt d'un milliard de dollars accordé par la Banque mondiale, ainsi que 74,5 millions de dollars octroyés par la Banque interaméricaine de développement. Et selon Irène Vélez, les réserves actuelles de la Colombie sont suffisantes pour répondre à la demande nationale, sans avoir à importer.
Comme il fallait s’y attendre, la droite colombienne est résolument opposée à cette orientation. Le leader de Cambio Radical, un parti régulièrement éclaboussé par des affaires criminelles ou relatives à des faits de corruption, s’en est pris personnellement à la ministre des Mines et de l’Énergie : « Ne l'écoutez pas. Elle ne nous représente pas. Nous ne savons pas d'où elle vient. » Quant au Centre Démocratique (le parti d’ultra-droite de l’ex-président d’Ivan Duque, ardemment soutenu par Emmanuel Macron), il dénonce le « fondamentalisme idéologique » de l’actuel gouvernement et claironne à qui veut l’entendre que ce renoncement aux énergies fossiles « condamne les Colombiens à la pauvreté et au sous-développement ».
Bon… La pauvreté, les Colombiens y sont déjà, et la manne des hydrocarbures, qu’Ivan Duque voulait développer en autorisant la technique hautement contestée du fracking, n’a pas vraiment réduit les injustices sociales, dans un pays où l’éducation et la santé sont réservées aux plus fortunés.
Jean-Marc Adolphe
Photo en tête d’article : Irène Vélez, ministre colombienne des Mines et de l’Énergie.
Irène Vélez, née le 2 août 1982 à Bogotá est la fille de Hildebrando Vélez, écologiste et éducateur reconnu pour son activisme dans le processus des communautés noires, grâce auquel il est devenu très proche de Francia Márquez, l’actuelle vice-présidente de la Colombie. Irène Vélez a étudié la philosophie et les études culturelles à l'université nationale de Colombie. Elle a ensuite obtenu un doctorat en géographie politique à l'université de Copenhague, a été boursière Fulbright pour une bourse postdoctorale en ingénierie et sciences de l'environnement à l'université de Clemson aux États-Unis, et a effectué en 2021 des recherches postdoctorales pour le Centre d'études sociales de l'université de Coimbra au Portugal.
Et aussi : Les humanités n’ont pas mégoté leur intérêt pour la Colombie. Déjà 171 publications au compteur ! Chroniques de l’immense mouvement de protestation au printemps 2021, vaste enquête -en douze épisodes- sur l’application de l’Accord de Paix, attention portée aux leaders sociaux et aux communautés indigènes, etc.
A lire par exemple
- « Les mafias de l’or », une enquête sur des organisations criminelles qui se lancent dans l’exploitation minière illégale. https://www.leshumanites-media.com/post/les-mafias-de-l-or-les-veines-ouvertes-de-la-colombie---03
- « Une autre Colombie a rendez-vous avec l’espoir », à la veille de l’élection de Gustavo Petro (et de sa vice-présidente, Francia Marquez). https://www.leshumanites-media.com/post/une-autre-colombie-a-rendez-vous-avec-l-espoir
article publié le 28 mai 2022
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