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Voitures électriques : « mettez un enfant dans votre moteur »


Juliet Samaniya, 6 ans, "esclavagisée" dans une mine illégale de lithium, au Nigeria. Photo Sunday Alamba / AP


Dans le village de Pasali, au centre du Nigeria, Juliet Samaniya, 6 ans, passe ses journées dans les mines à tailler des roches riches en lithium, gagnant moins d’un dollar par jour, comme d'autres enfants. Le Nigeria, avec qui la France vient de signer un protocole d'accord sur des projets d'extraction et de traitement de ressources minières, ferme les yeux sur cette double exploitation illégale, celle du lithium et... celle des enfants. 


« Mettez un tigre dans votre moteur ». Dans les années 1960, ce slogan de la compagnie Exxon Mobil, pour vanter la puissance de son carburant distribué sous la marque Esso, a fait fureur. Aujourd’hui, évidemment, ça fait un peu has been. A l’heure des voitures électriques et de leurs batteries au lithium, voici un autre slogan possible : « Mettez un enfant dans votre moteur », dont le succès marketing n’est certes pas assuré ! On exagère à peine.

Emmanuel Macron avec le président nigérian Bola Tinubu, fin novembre à Paris, lors de la signature d'un protocole d'accord

sur des projets d'extraction et de traitement de ressources minières, dont le lithium.


La France, qui cherche à sécuriser son approvisionnement en matières premières critiques pour soutenir l'industrie des batteries électriques en pleine expansion (afin de soi-disant répondre aux objectifs de transition écologique) vient de signer, à l’occasion de la visite du président Bola Tinubu à Paris en novembre dernier, un protocole d’accord avec le Nigeria sur « des projets conjoints d’extraction et de traitement, soutenus par un cofinancement des secteurs public et privé ». Le ministre nigérian des Mines, Dele Alake, a souligné que ce partenariat favorisera en particulier l’exploitation du lithium, considéré comme le « nouveau pétrole ».


Formidable, non ? C’est toujours ça que les Chinois n’auront pas, se dira-t-on. Et bonne pioche : le Nigeria disposerait de 700 milliards de dollars de ressources minérales stratégiques, dont le fameux lithium. Nul doute que cet accord sera accompagné de vertueuses déclarations sur le respect de l’environnement (si l’extraction du lithium était indolore, ça se saurait) et sur les droits humains. Les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Au Nigeria, comme l’indique le syndicaliste Dele Anyoleke, président de l'Association des mineurs, le gouvernement fédéral manque singulièrement de rigueur dans l'application des règles de lutte contre l'exploitation clandestine : « A chaque fois qu'un nouveau minerai est découvert, de nombreux mineurs artisanaux s'installent à cet endroit et les pouvoirs publics n'interviennent pas immédiatement pour contrôler cet afflux. »



C’est notamment le cas au centre du Nigeria, dans l’État de Nassarawa, où beaucoup de ces "esclaves du lithium" sont des enfants, âgés pour certains de 5 ou 6 ans, comme Juliet Samaniya, dans le village de Pasali. Juliet, qui a dû arrêter l’école, travaille dans un groupe de xx enfants de son âge. Les bons jours, ils peuvent récolter jusqu’à 10 sacs de minerai riche en lithium par jour, ce qui leur rapporte un peu plus de 2 dollars par jour… à se partager.


En haut : le travail des enfants dans une mine illégale de lithium.

En bas : à gauche, Abigail Samaniya et sa fille, Juliet. A doite : Aliyu Ibrahim, l'explotant de la mine illégale.

Photos Sunday Alamba / AP


Moyennant pots-de-vin aux autorités, les exploitants illégaux peuvent tranquillement développer leur business. L’un d’eux, Aliyu Ibrahim, se voir même comme un "bienfaiteur" : en employant ainsi de jeunes enfants, ils permettent à leurs familles de vivre, affirme-t-il. « Je voudrais qu’elle aille à l’école et qu’elle ait une vie meilleure », déclare pourtant Abigail Samaniya, la mère de Juliet. Pour Juliane Kippenberg, directrice adjointe à la division Droits des enfants au sein de l’ONG Human Rights Watch, il est urgent de prendre des mesures de protection alors qu’augmente la demande mondiale de lithium. « Sécuriser son approvisionnement en matières premières », c’est bien beau, mais à quel prix ?


Jean-Marc Adolphe

 

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