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Pete Hegseth, avec ses cinq garçons (les filles n'étaient pas autorisées). Photo publiée sur son compte Facebook en juin 2024.
SUITE AMERICAINE Un général noir qui s'était ému de la mort de Gorge Floyd en 2020 ? Insupportable, pour Pete Hegseth, que Donald Trump vient de nommer au secrétariat d’État à la Défense. Tout aussi insupportable : la condamnation pour crime de guerre de mercenaires américains coupables d'un massacre de civils à Bagdad. Fondamentaliste catholique, mais deux fois divorcé, Pete Hegseth officiait sur Fox News, avec une cible privilégiée : le "wokisme" sous toutes ses formes, accusé de « supprimer tout ce qui a soutenu la civilisation occidentale pendant des milliers d'années ». Avec un tel pédigrée, Donald Trump fanfaronne : « Les ennemis de l'Amérique sont prévenus ».
“Peace through Strength” : la paix par la force. Telle est la devise de Donald Trump en matière militaire. « Les ennemis de l'Amérique sont prévenus : notre armée sera à nouveau formidable et l'Amérique ne reculera jamais. Pete sera un champion courageux et patriotique de notre politique », a déclaré Trump dans un communiqué. Mais c’est qui, Pete ?
Pete Hegseth, 44 ans, sera le prochain secrétaire d’État à la Défense. Stupéfaction au Pentagone : s’il a servi comme capitaine d'infanterie dans la garde nationale de l'armée, notamment en Afghanistan et en Irak, il n’a aucune expérience en matière de commandement militaire, ni davantage de relations internationales. En revanche, il anime une émission sur la chaîne conservatrice Fox News, où il a reçu Donald Trump à plusieurs reprises.
Pete Hegseth pose "en famille" avec sa dernière épouse en date, Jennifer Cunningham Rauchet, productrice à Fox News,
et ses sept enfants, issus de trois mariages successifs. Photo DR
« L'absence de Dieu met fin aux grandes nations. La seule chose que nous pouvons tous faire est de nous mettre à genoux et de prier. Nos libertés viennent de Dieu, et non du gouvernement », proclame volontiers ce catholique fondamentaliste qui a même écrit une Vie de Jésus. Rien de moins. Cet apôtre des "valeurs familiales" n'a pas été avare de sa semence, avec sept enfants, dont cinq garçons, issus de trois mariages successifs. Il était encore marié avec Samantha Deering lorsqu'en 2017, il a eu une fille avec une productrice de Fox News, Jennifer Cunningham Rauchet, avec qui il entretenait une liaison. Dans sa grande mansuétude, Dieu appréciera.
A Fox News, où il est entré en 2014, Pete Hegseth ne gagnait "que" 5 millions de dollars par an. Un peu juste pour entretenir une telle famille et, accessoirement, régler les frais de divorce (500.000 dollars de pension annuelle pour le dernier en date !). Comme secrétaire d’État à la Défense, avec un "salaire" annuel de 246.400 dollars, ça devrait aider à joindre les deux bouts. Alléluia ! En attendant, pour arrondir ses fins de mois, Pete Hegseth s'était lancé dans la production littéraire. Littéraire, c'est beaucoup dire, mais avec la bénédiction promotionnelle de Fox News, ce furent autant de best sellers. Par exemple : American Crusade : Our Fight to Stay Free (où il dénonce une Amérique "qui a capitulé devant les gauchistes qui exigent le socialisme, le mondialisme, la laïcité et l'élitisme politiquement correct") et le dernier paru, TheWar on warriors, où il s'en prend notamment au chef d’état-major interarmées, le général de l’armée de l’air Charles Quinton Brown, accusé de « poursuivre les positions radicales des hommes politiques de gauche ». Quel crime a donc commis le général pour mériter les foudres de Pete Hegseth ? Charles Quinton Brown est Noir et il avait évoqué, lors des manifestations en hommage à George Floyd, en 2020, l'impact que ce mouvement avait eu sur lui et ce que cela représentait de gravir les échelons de l'armée en tant que pilote de chasse afro-américain
Donald Trump faisant la promotion du dernier ouvrage de Pete Hegseth, en juin 2024. Photo DR
Combattant médiatique, Pete Hegseth avait une cible privilégiée : le "wokisme" sous toutes ses formes, accusé de « supprimer tout ce qui a soutenu la civilisation occidentale pendant des milliers d'années ». Il est ainsi résolument opposé à la présence de femmes dans l’armée américaine. Selon The Wall Street Journal, l’équipe de transition de Trump étudie par ailleurs, un projet de décret exécutif pour établir un "conseil de guerriers" composé de militaires de haut rang à la retraite, et doté du pouvoir d’évaluer les officiers trois et quatre étoiles. Sa mission : recommander la révocation de celles et ceux qui seront jugés inaptes à diriger, le but de la démarche étant de purger des rangs de l’armée ses éléments dit "wokistes". Une des premières cibles potentielles de cette purge pourrait être bien être le général Charles Quinton Brown.
Pete Hegseth a gagné la sympathie de Donald Trump en faisant campagne pour que soient graciés des militaires reconnus coupables de crimes de guerre. Il avait ainsi obtenu la relaxe de quatre mercenaires d’une agence privée, Blackwater Worldwide, agissant pour le compte des États-Unis, responsables d’un massacre à Bagdad en 2007 qui avait causé la mort d’une douzaine de civils. Pour Pete Hegseth, la guerre justifie tous les moyens, il n’y a aucun droit international qui tienne. Dans cet autre combat, il est abondamment soutenu (financièrement) par les milliardaires libertariens Charles et David Koch, magnats du pétrole et de la pétrochimie : leur firme , Koch Industries, a cumulé plus de 400 chefs d’inculpation pour pollution et dommages environnementaux, jusqu’à ce qu’ils obtiennent l’effacement des poursuites contre une amende ridicule de 20 millions de dollars. Crimes environnementaux ou crimes de guerre : avec Donald Trump, ce sera désormais open bar.
Pour mémoire, le ministère US de la défense dispose d'un budget de plus de 800 milliards de dollars, avec environ 1,3 million de soldats en service actif et 1,4 million d'autres dans la garde nationale, les réserves et les employés civils basés dans le monde entier. L’annonce de la nomination de la Pete Hegseth a tout de même fait tiquer (poliment) certains sénateurs républicains. Normalement, sa nomination devrait être examinée par le Sénat, avant d’être entérinée ou non. Mais avec Trump, rien n’est normal : il a prévenu qu’il entendait bien se dispenser de l’avis du Sénat pour nommer qui il veut, comme il veut.
Jean-Marc Adolphe
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