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Un peu de Lumière revient...

Photo du rédacteur: Nicolas VillodreNicolas Villodre

L'un des premiers films publicitaires (pour une marque de savon) tourné par Louis Lumière. © Institut Lumière


Il y aura bientôt 130 ans, le 28 décembre 1895, les frères Lumière organisent la toute première projection publique payante du cinématographe. Aujourd'hui directeur de l'Institut Lumière à Lyon, Thierry Frémaux réalise un "film de films Lumière" dont la sortie en salles est prévue début mars.


Après Lumière ! L’aventure commence (2017), Thierry Frémaux a réalisé un nouveau long métrage, Lumière ! L’aventure continue (2024), un « film de films Lumière », à base de 120 "vues" en 35 mm (et une ou deux en 75 mm), sur les 1.500 ou plus répertoriées à ce jour, d’une durée moyenne de 50 secondes chaque, prises par Louis Lumière et ses opérateurs (parmi lesquels son frère Auguste) entre 1895 et 1902, sauvegardées en 4K, qui gagnent à être vues et revues sur grand écran, comme cela nous a été possible au Balzac.


La mort cessera d’être absolue


Après avoir assisté, le 28 décembre 1895 au Salon indien du Grand Café, boulevard des Capucines (le sous-sol de l’actuel Hôtel Scribe), à la première projection publique payante du cinématographe, un journaliste malheureusement anonyme du quotidien La Poste commenta comme suit le premier des dix films de cette séance désormais historique : « C’est une porte d’atelier qui s’ouvre et laisse échapper un flot d’ouvriers et d’ouvrières, avec des bicyclettes, des chiens qui courent, des voitures ; tout cela s’agite et grouille. C’est la vie même, c’est le mouvement pris sur le vif ». Ce film fit probablement la fierté des inventeurs du cinématographe, jusque-là producteurs de plaques photographiques, qui tournèrent, littéralement (= à la manivelle), la Sortie des usines Lumière à Lyon


Ce jaillissement d’une petite foule de figurants parfaitement mis (et/ou mis en scène), une main d’œuvre bénévole majoritairement féminine affrontant et, surtout, faisant mine (pour la plupart) d’ignorer l’objectif, fit l’objet de plusieurs vues à des moments différents. Ayant retrouvé trois de ces plans-séquences, Thierry Frémaux a créé un composite (pour ne pas dire split-screen), qui rend parfaitement compte de l’importance accordée par les Lumière à l’événement somme toute banal, quotidien, qu’est la délivrance ouvrière à l’heure de sa sortie (de labeur). Ce premier titre projeté à un public de curieux – parmi lesquels, Léon Gaumont et Georges Méliès – est le titre de gloire d’une bourgeoisie lyonnaise éclairée (= au nom prédestiné). Ainsi que la signature ou la carte de visite d’une petite entreprise qui deviendra grande.


Le mouvement pris sur le vif 


« Le mouvement pris sur le vif » est une expression du journaliste de La Poste qui écrivit aussi : « Lorsque ces appareils seront livrés au public, lorsque tous pourront photographier les êtres qui leur sont chers, non plus dans leur forme immobile, mais dans leur mouvement, dans leur action, dans leurs gestes familiers, avec la parole au bout des lèvres, la mort cessera d’être absolue. » Avant l’accomplissement de cette prophétie grâce aux substandards découlant de la pellicule 35 mm d’Eastman (le film 28 mm de la caméra KOK, le 9,5 safety du Pathé-Baby, le 16 mm, le 8 et le super 8 de Kodak, la vidéo ¼ pouce, le ½ pouce ou VHS, la vidéo 8, le High 8, l’iPhone…), des opérateurs Lumière parcoururent la France, l’Europe et tous les continents pour inventorier le monde, seize ans avant ceux d’Albert Kahn et montrer en retour (en feed back) in situ, les trophées capturés.


© Institut Lumière


Parmi les vues, vues ou revues, nous pointerons, de Louis Lumière himself, La Voltige (1895), Forgerons (1895), trois films de 1896 avec Félicien Trewey : Assiettes tournantes, Serpent et Pierrot et la mouche, Concert (1896), Leçon de bicyclette (1896), Menuisiers (1896), Pêcheurs raccommodant les filets (1896) ; d’Auguste Lumière : Mauvaises herbes (1896) ; d’Alexandre Promio : Place du gouvernement [à Alger] (1896), Panorama du Grand Canal pris d’un bateau (1896), Bataille d’enfants à coup d’oreillers (1897) ; de Charles Moisson : Entrée du cinématographe (1896), Sortie de la cathédrale (1895) ; de Constant Girel : Repas de famille [Kyoto] (1897), Une scène de théâtre japonais (1897) ; de Félix Mesguich : Panorama de la ligne de Cauterets, III. Le tunnel (1898) ; de Francis Doublier : Espagne : courses de taureaux, II (1897) ; de Gabriel Veyre : Moulin à homme pour l’arrosage des rivières (1898) ; d’opérateurs inconnus :  Duel au pistolet (n° 2) (1897), Levée de filets de pêche (1896), Chargement du coke (1896), Danse de jeunes filles (1897), Faneurs (1897), Sauts périlleux par deux (1899), Foottit et chocolat (1900) Chamonix : le village (1900), l’un des plus beaux plans, du matte painting avant l’heure, comme l’indique le commentaire.


Impossible de décrire en quelques lignes un film aussi riche que celui-ci, avec des remarques et des informations précises et lyriques. Si nous n’avons pas été tout à fait convaincu par le post-scriptum qu’est la reconstitution, par Francis Ford Coppola, de la sortie des usines Lumière de nos jours, nous avons apprécié en revanche que l’auteur ait humblement dédié le film à Bernard Chardère et à Bertrand Tavernier, lesquels ont été à l’origine de sa carrière sinon de sa vocation. Last but not least, les thèmes musicaux de Gabriel Fauré (ci-dessous) accompagnant la bande image sont admirables.


Nicolas Villodre


  • Lumière ! L’aventure continue, film de Thierry Frémaux, sortira en salles le 5 mars 2025 (Distribution Ad vitam).

 

Parce que vous le valez bien, les humanités ce n'est pas pareil. Dons (défiscalisables) et/ou abonnements ICI


BONUS

Gabriel Fauré, Pavane en fa dièse mineur op. 50 de Gabriel Fauré choisie par Thierry Frémaux dans l'interprétation du National Philharmonic Orchestra fondé en 1964 par Charles Gerhardt, dans le disque The French Touch © Sony Music Entertainment 1978


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