Un homme recouvre un corps après des bombardements à Tchouhouïv. Photo Aris Messinis/AFP
Un instantané. Tchouhouïv, à l’est de l’Ukraine, premier épicentre de l’offensive déclenchée par la Russie, compte déjà des dizaines de morts.
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« Pays de merde, putain ! », crie une femme, devant le corps d’un homme tué dans un bombardement sur un quartier résidentiel de Tchouhouïv. Près du mort, son fils en pleurs, la trentaine, reste prostré.
« Je lui avais dit de partir », répète-t-il indéfiniment, à côté des restes tordus d’une Lada antédiluvienne. Le cratère du missile, large de quatre ou cinq mètres, est situé entre deux immeubles de cinq étages totalement détruits.
Des pompiers tentent d’éteindre les derniers incendies. Plusieurs autres immeubles plus éloignés de l’impact sont aussi gravement touchés, les fenêtres brisées, leurs montants pendant dans le vide.
Dans cette ville située à 30 km de Kharkiv, la deuxième métropole d’Ukraine, les bombardements russes ont résonné une partie de la nuit de mercredi à jeudi. Au petit matin, les dégâts étaient considérables. Une épaisse fumée noire était visible de loin et quatre immeubles étaient complètement éventrés.
Olena Kourilo, une institutrice de 52 ans, sort de l’hôpital de Tchouhouïv, le visage barré de pansements. Elle a été blessée par des bris de vitres lorsqu’elle se trouvait dans son appartement pendant un tir de missile. « J’ai réussi seulement à penser Mon Dieu, je ne suis pas prête à mourir. J’étais sous le choc, je ne ressentais pas de douleur, peut-être l’adrénaline », raconte-t-elle en ajoutant qu’une fille de 13 ans avait été tuée par ce bombardement sur le palier d’à côté. « Je ne pensais pas qu’une telle chose puisse arriver. (…) Je ferai tout pour l’Ukraine, autant que je peux. Jamais, sous aucune condition, je ne vivrai sous Poutine. Il vaut mieux mourir » , lance-t-elle.
Serguiï, 67 ans, tente de boucher ses fenêtres avec une table dont les pieds dépassent dans le vide, au rez-de-chaussée de son appartement. L’homme s’en est sorti avec quelques contusions. « Je vais rester là, ma fille est à Kiev et c’est pareil là-bas », assure-t-il, alors que des explosions ont aussi été entendues hier matin dans les principales villes du pays. Selon lui, le missile visait l’aérodrome militaire à proximité. « Il faisait partie des cibles que Poutine avait citées, je ne suis même pas étonné », poursuit-il.
L’armée russe a affirmé, hier, avoir détruit les systèmes de défense antiaérienne et mis « hors service » les bases aériennes à travers le pays. Mais la menace n’est pas venue seulement du ciel.
Chez les Ukrainiens de la région, préparés par huit ans de conflit armé avec les rebelles séparatistes prorusses, dans ce scénario catastrophe, chacun affirme savoir ce qu’il a à faire. « S’ils continuent de nous bombarder, je vais trouver des armes et défendre ma patrie, peu importe que j’aie 62 ans », menace Vladimir Levachov, habitant de Tchouhouïv. « Et pourtant, je suis Russe. Mais, si vous regardez l’histoire, si vous lisez des livres, il y a 300, 400 ans, c’était déjà la même chose. Les Russes sont des écorcheurs ! », enrage-t-il.
Sur les principales routes de l’est, l’armée ukrainienne était partout. Entre Kramatorsk et Kharkiv, une colonne de véhicules siglés du drapeau bleu-jaune est à l’arrêt.
Tchouhouïv (en ukrainien : Чугуїв) ou Tchougouïev (en russe : Чугуев) est une ville de l'oblast de Kharkiv, en Ukraine, et le centre administratif du raïon de Tchouhouïv. Sa population s'élevait à 32 454 habitants en 2017.
Tchouhouïv est arrosée par le Donetsk et se trouve à 37 km au sud-est de Kharkiv et à 445 km à l'est-sud-est de Kiev.
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