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Photo du rédacteurJean-Marc Adolphe

Ukraine. Marioupol, la prochaine cible


Photo Aleksey Filippov / AFP



Ville de naissance de l’actrice porno Nikki Benz, mais aussi du danseur et chorégraphe Alexandre Sakharoff, pionnier de la danse moderne qui fit carrière en France avec sa femme Clotilde van Doerp, amie de Rainer Maria Rilke, Marioupol, sur la mer d’Azov, est la prochaine cible de Poutine en Ukraine.


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Retenez bien ce nom : Marioupol. C’est la prochaine cible de l’invasion russe en Ukraine.

Les combats font actuellement rage dans le sud de l’Ukraine, que bordent la mer Noire et la mer d’Azov. Arrivées par la Crimée, un territoire situé presque au milieu des côtes ukrainiennes, les troupes russes se déploient progressivement vers l’ouest, notamment à Odessa, et l’est, où Marioupol a une importance stratégique. Prendre Marioupol ouvrirait la voie à une jonction des forces russes qui changerait tout, notamment pour leur logistique et leur approvisionnement, observe une source militaire française : « Ça permettrait d’avoir une continuité territoriale entre la région (russe) de Rostov-sur-le-Don (frontalière de l’Ukraine) et la Crimée », qui donnerait à Moscou la possibilité d’« absorber » ou d’ « annexer » tout l’est de l’Ukraine. Ce mardi 1er mars au matin, l’électricité y a été coupée après une première offensive russe.

A Marioupol, des personnes se sont mises à l'abri dans un centre sportif qui s'est transformé en abri anti-bombe improvisé tard dans la soirée de dimanche. Photo Evgeniy Maloletka/Associated Press


Ville portuaire et industrielle de l'oblast de Donetsk, située sur la mer d'Azov, à l'embouchure du fleuve Kalmious et à 635 km au sud-est de Kiev, Marioupol (en ukrainien : Маріуполь ; en russe : Мариуполь) est l'ancienne capitale de la région historique de Méotide. Sa population s'élevait à 455 063 habitants en 2015.

Marioupol était connue au début du XVIe siècle comme la forteresse cosaque Kalmious, mais la ville naquit véritablement après la migration de Grecs de Crimée en 1778-1780. Sous Catherine II de Russie, Marioupol connut l'immigration des Grecs provenant de Crimée, qui s'étaient installés initialement à Chersonèse, Kertch et Théodosie depuis le VIe siècle av. J.-C. et qui furent chassés par les Ottomans. La voyageuse française, Adèle Hommaire de Hell, en fait une description savoureuse lors de son voyage en 1840 (Voyage dans les steppes de la mer Caspienne et dans la Russie méridionale, Hachette, 1860)

À la fin du XIXe siècle, Marioupol fut transformée grâce au chemin de fer arrivé ici en 1889, à la création d'un grand port avec des représentations consulaires de l'Autriche-Hongrie, de la Grande-Bretagne, de l'Italie, de la Grèce, de la Sublime Porte, de la Belgique et de l'Empire allemand, et à la fondation d'usines sidérurgiques.

La ville se range du côté bolchévique le 30 décembre 1917, mais bientôt se trouve sur le front austro-hongrois et allemand, dont les armées l'occupent. Les occupants sont chassés par l'armée blanche en automne 1918. En 1919, pendant la guerre civile russe, la ville fut brièvement occupée par les Français venus y soutenir les armées blanches. L'Armée rouge les chasse le 29 mars 1919, mais doit reculer en mai suivant. Ce n'est qu'en mars 1920 que Marioupol se rend à la flottille rouge de la mer d'Azov. Les entreprises métallurgiques, comme les autres, sont nationalisées.

La Waffen SS à Marioupol, en octobre 1941.


Pendant la Seconde Guerre mondiale, Marioupol fut occupée par l'Allemagne nazie du 8 octobre 1941 au 10 septembre 1943. Les Allemands fusillent environ 10 000 habitants, envoient près de 50 000 jeunes gens et jeunes filles comme travailleurs forcés en Allemagne, déportent en camp de concentration 36.000 prisonniers dont la plupart ne survivent pas. Marioupol fut libérée par la 44e armée du front du sud de l'Armée rouge.

En 1948, Staline renomma la ville Jdanov, en l'honneur de son proche collaborateur Andreï Jdanov qui y était né. La ville retrouva son nom originel en 1989 et la statue de Jdanov fut déboulonnée en 1990 en raison de ses crimes de masse.


Ukraine indépendante

La ville est le théâtre de troubles en réaction contre la récente révolution de Maïdan à partir d'avril 2014. Des bâtiments officiels sont pris par des insurgés russophones hostiles au gouvernement central de Kiev et inquiets pour leurs droits ; ils sont repris par la garde nationale ukrainienne, formée de volontaires ukrainiens venus du reste du pays. Le 13 juin, un assaut est mené par des engins blindés et des lance-roquettes des forces gouvernementales, du bataillon Azov, du bataillon Ukraine et du bataillon Donbass.

La situation se stabilise et la ville reste entre les mains des troupes loyalistes ukrainiennes, ces dernières parvenant, à l'issue d'âpres combats, à contenir puis à repousser les assauts des rebelles pro-russes. Un cessez-le-feu, souvent clairsemé d'escarmouches, est difficilement mis en place. C'est par conséquent un calme très relatif qui règne sur Marioupol durant la fin d'année 2014.

Les hostilités reprennent le 24 janvier 2015, jour où les rebelles (que le ministre de la défense ukrainienne accuse d’être soutenus par la Russie) lancent une offensive de très grande ampleur sur la ville. Des tirs font trente victimes civiles. Les deux côtés s'accusent mutuellement.

La vieille ville de Marioupol, qui se trouve dans un périmètre compris entre la côte de la mer d'Azov au sud, le fleuve Kalmious à l'est, le boulevard Chevtchenko au nord et l'avenue des Métallurgistes à l'ouest, est construite d'immeubles bas et d'anciennes maisons particulières qui gardent tout leur cachet de l'époque d'avant 1917. Seules la rue Artiom et l'avenue Lénine ont été construites après la Grande Guerre patriotique.

La partie centrale comprise entre l'avenue des Métallurgistes et l'avenue Boudivelnikov est surtout composée d'immeubles administratifs ou commerciaux, avec le bâtiment de la municipalité, la poste centrale, le cinéma Loukov, l'université des humanités de Marioupol, l'université technique d'État de l'Azov, la bibliothèque centrale Korolenko et de grands centres commerciaux.

L'architecture des autres zones, plus résidentielles (Zakhidny, Skhidny, Kirov, Tcheremouchki, les 5e et 17e arrondissements) comportent des immeubles de la période soviétique de 5 à 9 étages. Les habitations privatisées représentaient 76,3 % des logements en 2003.


Marioupol est connue pour ses nombreux monuments commémoratifs, statues et sculptures, parmi lesquelles le buste du peintre Arkhip Kouïndji né à Marioupol, l'inévitable Taras Chevtchenko, fondateur de la langue littéraire ukrainienne dans la seconde moitié du XIXe siècle et l'inévitable Pouchkine représentant la langue russe. Les quatre statues de Lénine n'ont pas été déboulonnées, comme témoignages de l'histoire, contrairement à celle de Jdanov qui a été déboulonnée en 1990 ; on remarque en plus la statue du chanteur non-conformiste Vissotski (ancien mari de l'actrice russo-française Marina Vlady), inaugurée en 1998. Un buste du vainqueur de l'armée blanche, commandant d'un bataillon dans la région en avril 1919, Kouzma Anatov, a été inauguré en 1968 dans la rue du même nom. La Grande Guerre patriotique est le sujet d'une quinzaine de monuments, statues, chars, bustes, etc. en l'honneur de l'Armée rouge, de telle unité combattante, de tel fait glorieux ou de tel héros mort au combat pour la libération du pays de l'occupation du Troisième Reich, comme le monument des douze patriotes fusillés par les Allemands le 7 mars 1942. La grande statue commémorant la libération du Donbass domine le square de l'avenue Nakhimov. La flamme éternelle se trouve devant le monument aux victimes du nazisme. Un monument aux victimes du stalinisme a été érigé place du Théâtre, ainsi qu'une grande croix, en 2008 au cimetière principal, en souvenir des victimes de la grande famine des années 1920 consécutive à la dékoulakisation. Une grosse pierre avec une plaque commémorative rappelle, dans une allée de l'avenue Lénine, les victimes de Tchernobyl.


Marioupol est la ville de naissance d’Alexandre Sakharoff (1886-1963), danseur et pédagogue russe, pionnier de la danse moderne qui fit carrière en France avec sa femmer Clotilde van Doerp, amie de Rainer Maria Rilke ; ainsi que de l’actrice de film pornographique canado-ukrainienne Nikki Benz (née en 1981), dont le compte Txwitter était suivi par Barack Obama, et qui s’est rendue célèbre pour voir dénoncé un scandale au sein du monde de la pornographie en étant la victime de violences lors d’un tournage et en brisant l’omerta autour de ce sujet.


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