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The alt-Reich : la fabrique du fascisme américain

Illustration pour l'affiche du documentaire "Nazi Town, USA" (2024) réalisé oar Tom Bergmann, qui raconte l'histoire

du German American Bund, un groupe pro-nazi qui, dans les années 1930, comptait des dizaines de sections dans tout le pays,

organisait des rassemblements avec le KKK et dirigeait des camps pour enfants centrés sur l'idéologie nazie, mêlant les valeurs patriotiques

à un antisémitisme virulent. Art composite à partir de photos d'archives de modèles.


Alors que les symboles et discours nazis s'infiltrent dans le paysage politique américain, la montée du racisme et du suprémacisme sous l'ère Trump II a de quoi inquiéter. Entre révisionnisme historique, violences fondatrices et exclusions systématiques, Michel Strulovici explore les racines idéologiques d'un courant profondément ancré dans un certain imaginaire américain.


Négationnisme à la boutonnière, voilà que Trump franchit le Rubicon. « Les Allemands (durant la guerre) traitaient les prisonniers juifs avec amour » a osé le Président américain le 8 avril dernier en recevant l'escroc et massacreur Netanyaouh, muet, dans le Bureau ovale. Citer benoîtement Josef Goebbels, chef de la propagande du IIIe Reich, au cours d'un débat au Parlement du Texas, c'est le plaisir que s'est accordé Keith Self, un élu républicain, le 2 avril dernier : « C’est le droit absolu de l’État de superviser la formation de l’opinion publique ». Il faut dire que depuis les "Sieg Heil" hitlériens d'Elon Musk et de Steve Bannon, le port d'insignes, de tatouages, de tee shirts aux slogans nazis, les livres mis à l'encan, les mots évincés du vocabulaire, la boite à conneries racistes, suprémacistes, antisémites, est largement ouverte depuis l'intronisation de Trump II.


Ici-même, en janvier dernier, Jean Marc Adolphe remarquait que Musk avait « comme maître à penser, depuis longtemps, un "intellectuel" dont nous avons déjà parlé, Curtis Yarvin, alias Mencius Moldbug, pour qui les nazis, en Allemagne, ont fait du bon boulot. Et il a offert son ralliement à Trump, dont parmi les ouvrages préférés, on trouve un livre de discours d'Adolf Hitler (comme l'avait révélé, dans une interview pour Vanity Fair, Ivanna Trump, la première épouse du magnat) » (1)

 

Cette "normalisation" nord-américaine des signes, signaux, symboles du nazisme infuse les esprits nord-américains, toutes générations confondues. Et particulièrement les moins éduqués de ce gigantesque pays, soumis à la déferlante des fake news made in Fox News, X etc. sans contre-feux. Ce négationnisme deux points zéro représente tout à la fois un crachat sur la geste des progressistes américains, sur le sacrifice des GIs qui participèrent à la libération de l'Europe, et la réhabilitation du pire de l'histoire des États-Unis.

 

Suprémacisme dans l'ADN


Car cette violence trumpiste ne s'est pas construite ex-nihilo. Si le discours suprémaciste, raciste, se libère aujourd'hui avec force, il court la psyché américaine depuis l'origine de ces États-Unis en voie de désunion. C'est en effet à coups de colts Peterson, de Winchester 73, armes préférées des idéologues de l'ethnocide, que les colons européens chassèrent et détruisirent les peuples amérindiens pour installer leurs ranchs en lieu et place des tipis.


Le général Philip Sheridan pendant la Guerre civile. Lithographie Shober & Carqueville Litho. Co.,1891.

Bibliothèque du Congrès des Etats-Unis


Nombre d'études américaines, depuis les années 1970, ont décrit ces exterminations de masse et en ont dévoilé les mécanismes. Plus de quarante guerres furent menées contre les peuples autochtones du début à la fin du 19e siècle. Ces massacres avaient pour mot d'ordre : « Le seul bon indien est un indien mort ». Et cet appel au meurtre ne fut pas lancé par n'importe quel bidasse en folie : c'est le général Sheridan, lui-même qui le proféra. Ce célèbre général s'était illustré dans les armées de Grant en battant le général sudiste Lee dont il reçut la capitulation. (2) Philip Sheridan fut nommé commandant en chef de l'armée américaine le 1er novembre 1883 en remerciement, notamment, de ses faits d'arme dans la guerre d'extermination des amérindiens. Il la pratiqua avec inventivité. C'est lui qui théorisa la politique de la terre brûlée et fit abattre des millions de bisons, épuisant les ressources de vie des tribus amérindiennes.


Une de ces chasses aux Indiens fut particulièrement "exemplaire" : ce fut celle qui accompagna la colonisation de la Californie. Peter Burnett, le premier gouverneur civil de cet État en annonçait la couleur : « Une guerre d'extermination entre les races se poursuivra jusqu'à l'extinction de la race indienne » théorisa-t-il en 1851. (3) Ce "pionner" suprémaciste, né dans une famille esclavagiste de l’Oregon, ne s'arrêta pas à la détestation des Amérindiens. Il l'étendit à la présence des Noirs et des Chinois en Oregon où il naquit, puis à la Californie où il officia. Parmi ses exploits, alors qu'il était élu du Parlement de l'Oregon, il inventa ce qui fut appelé «  la loi de Burnett ». Elle autorisait la flagellation de tous les Noirs "libres", c'est à dire non esclaves, qui refusaient de quitter l’État.


Lors de son mandat, qui inaugura la vie politique de l’État de Californie, les opérations des milices anti-indiennes y furent alors intégralement financées. En 1851, alors que les commissaires fédéraux négocièrent des traités avec les tribus amérindiennes de Californie, le gouverneur Burnett bloqua ces accords jugés trop généreux. Au lieu des 119 réserves promises, il ne leur fut attribué que cinq « réserves militaires » en 1853. Durant la guerre de Sécession, et dans les années qui suivirent, des milliers de Californiens, engagés dans l'armée, continuèrent la persécution et l'élimination de groupes d'Indiens. Cette violence fondatrice marque l'histoire, qu'elle soit revendiquée ou rejetée, de nombre de familles américaines.

 

La machine à tuer ?


Dans un ouvrage publié en 2016 par l’État de Californie (comme une sorte de repentance?) l'historien Benjamin Madley décrit un « génocide américain » qui s'exerça contre les peuples amérindiens de 1846 à 1873. Il y développe l'idée que les élus et les fonctionnaires de cet État furent  « les principaux architectes » d'une «machine à tuer ». (4)


Enfants amérindiens enlevés à leurs parents et forcés de fréquenter l'école industrielle de Carlisle, où on leur apprenait à rejeter

et à abandonner les valeurs, les traditions, les croyances et les pratiques amérindiennes. Photo US Army.


Cette déconsidération des peuples autochtones fut longtemps entretenue par les médias, les feuilletons des quotidiens, les romans et le cinéma, jusque dans les années cinquante. Tant et si bien que prit racine la légende des sauvages, tueurs de femmes et d'enfants, agressant de braves colons qui ne cherchaient qu'à faire pousser du maïs et apporter la prospérité et Jésus à ce pays "vierge". Cette légende de la conquête de l'Ouest devint un habitus consensuel pendant près de deux siècles.


Le premier film qui représenta les Indiens autrement que comme des barbares collectionneurs de scalps, fut La Flèche brisée ("Broken Arrow", 1950) du réalisateur Delmer Daves. Celui-ci était ami d'un chef Apache. Pour la première fois, le célèbre Cochise y devint le héros récurrent et les Indiens des êtres civilisés, des hommes d’honneur et de principes. La même année, Antony Mann réalisa La porte du diable ("Devils's doorway"). Dans ce western qui se déroule dans l'État du Wyoming, à la fin de la guerre de Sécession, un sergent-major indien, décoré pour sa bravoure au front, retrouve ses terres, qui sont également convoitées par les Blancs. Cet indien humaniste croit encore que Blancs et Indiens peuvent vivre côte à côte...


Ce tournant dans l'expression culturelle sur les « peuples des plaines » qui débuta au milieu du siècle dernier n'emporta pas la décision parmi tous les descendants des colons, notamment dans les États du Sud des États-Unis. L'idéologie justifiant ces massacres de masse continua son terrible travail dans nombre de consciences américaines. Comme le disait Aimé Césaire : « “Le racisme commence avec la colonisation car il a fallu légitimer cette entreprise. »


Le suprémacisme blanc et son auto-proclamée mission civilisatrice chrétienne furent donc consubstantiels de la création des États-Unis. Il s'exerça contre les Indiens, mais sévit également contre les "raflés" africains. Car l'essor violent de cette installation coloniale européenne, ce grand remplacement des peuples amérindiens, s'accompagna également de la traite d 'Africains et de leur esclavage dans ces colonies britanniques nord-américaines, dès le 17e siècle. En Virginie, puis en Caroline tout d'abord. Dans Misère de la philosophie, Marx commentait ainsi l'intrication entre esclavage et essor des États-Unis : « Faites disparaître l'esclavage et vous aurez effacé L'Amérique de la carte des peuples. (...) Sans esclavage vous n'aurez pas de coton ; sans le coton vous n'avez pas d'industrie moderne. C'est l'esclavage qui a donné leur valeur aux colonies, ce sont les colonies qui ont crée le commerce de l'univers, c'est le commerce de l'univers qui est la condition de la grande industrie. Ainsi l'esclavage est une catégorie économique de la plus haute importance. » (5)


L'idéologie de la supériorité des "WASP " ("White Anglo-Saxon Protestants") sur tous les citoyens américains et des "Blancs" chrétiens sur tous les autres peuples de l'Amérique du Nord , infuse donc depuis fort longtemps la conception du monde des Américains. Ce capital culturel, comme dirait Bourdieu, se transmet de génération en génération. Il n'est pas sans s'enrichir de contradictions au rythme de l'arrivée en masse d'immigrés de toutes les cultures, religions et couleurs de peau. Ces arrivées diversifient les imaginaires, mais trop souvent, en les crispant. Nous pouvons en voir aujourd'hui les terribles effets dans la réussite du projet trumpiste de mise à l'écart, de la déportation des « latinos » américains et de la persistance d'un racisme de masse anti-noir. cf Curtis Yarvin xxxxx


Si les premiers colons du 17eme siècle étaient principalement des Anglais, mais aussi des Espagnols, Français et Néerlandais, à partir du milieu de ce siècle, les esclaves africains achetés par les colons, arrivèrent par dizaines de milliers. En 1776, les Afro-Américains représentaient environ 20 % de la population. Puis, la troisième vague du 19eme siècle amena sur les rivages des États-Unis des millions d'Européens (Irlandais, Allemands, Scandinaves et Italiens), au rythme des crises qui sévissaient dans leur pays.

 

Ford, Lindbergh, même combat


Cette haine de l'autre et cette tension vers une supposée pureté connurent un succès certain dès le début du 20e siècle, qui n'est pas sans rappeler celles que nous vivons aujourd'hui. L'épopée de Henry Ford, créateur de l'industrie automobile de masse, en porte témoignage. Celui ci inventa une nouvelle manière de produire : la chaîne et la standardisation des pièces. Dans Les Temps modernes, Charlie Chaplin (que Ford honnissait) en décrit toute l'inhumanité, les hommes étant transformés en machines. La cible du film est bien le fordisme. Novateur, l'industriel l'est sans conteste. Il crée également le système de la franchise commerciale et installe des concessions automobiles Ford dans toutes les moyennes et grandes villes de l'Amérique du Nord et dans toutes les grandes cités sur tous les continents.


Henry Ford, magnat de l'automobile et "inventeur" des milices patronales. Photo DR


Ford, dans le domaine social, "magnifie" ce qui existe déjà en matière de répression. Ainsi ses milices patronales sont bien supérieures à tout ce que le patronat américain créa jusqu'alors. Ainsi, l'agence de détectives privés Pinkerton, fondée en 1850, ne se contenta pas de filer des criminels. Dès 1877, l'agence se mit au service du patronat pour briser le mouvement syndical naissant dans tout le pays. Ses agents étaient payés pour infiltrer les syndicats naissants. Les ouvriers les appelaient d'ailleurs « les Pinkerton sanguinaires ». « L’agence joue un rôle provocateur dans le massacre de Haymarket à Chicago en 1886, événement à l’origine de la journée internationale de grève du 1er mai », note la Revue Histoire. (6)


Un de leurs autres exploits fut leur participation à la défaite sanglante de la grève menée par l'Amalgamated Association of Iron and Steel Workers (AA). Ce syndicat, appuyé par 90% des sidérurgistes, lança une grève dans une des aciéries de la Carnégie steel, propriété du patron de combat Henry Clay Frick. En juillet 1892, 300 agents Pinkerton armés interviennent à  Homestead pour provoquer les ouvriers et briser la grève. L’État de Pennsylvanie envoie l'armée pour combattre aux cotés des Pinkerton. La grève et le syndicat sont brisés..


Ford fit mieux. Dans les années 1930, le magnat de l'automobile constitue  la plus importante troupe militaire privée au monde : 3.500 miliciens ! L'entreprise s'associe à la pègre de Détroit afin de recruter des mercenaires capables d'intimider les syndicalistes, de les espionner et de mener des actions punitives contre les ouvriers grévistes. (7) L'agression la plus violente contre des syndicalistes eut lieu le 26 mai 1937 devant l'usine de River Rouge, un quartier de l'industrielle Détroit. Des dizaines d'ouvriers syndiqués à la United Auto Workers qui distribuaient des tracts furent attaqués. D'après les témoignages réunis par la Commission nationale des relations industrielles en juillet 1937, cinq miliciens se ruèrent sur chacun des syndicalistes !


En raison de la violence de ses pratiques anti-syndicales, le New York Times décrivait Ford comme étant « un fasciste de l'industrie — le Mussolini de Detroit ». (8) Ce journal ne croyait pas si bien dire. Ford ne fit pas mystère de son amitié avec les dirigeants nazis et fascistes. Il reçut en 1938 la "Grand-Croix de l'Ordre de l'Aigle allemand", la plus haute décoration nazie pour les étrangers. Il fut même considéré comme un précurseur par Adolf Hitler qui lui vouait une admiration sans borne. Hitler appréciait tout à la fois l'invention de la production de masse et les écrits antisémites de Ford. Entre 1920 et 1922, Henry Ford publia une suite d'articles antisémites dans l'hebdomadaire The Dearborn Independent dont il était le propriétaire. Le fonds de commerce de ces brûlots était le fameux Protocole des Sages de Sion. À son apogée, au milieu des années 1920, le journal revendiquait un tirage compris entre 700.000 et 900.000 exemplaires, ce qui le plaçait au deuxième rang de toute la presse américaine, juste derrière le New York Times. 


Henry Ford rassembla ses articles dans un ensemble en quatre volumes intitulé The International Jew. The World’s Foremost Problem ("Le Juif international. Le plus grand problème du monde "). Tout un programme. Ces textes inspirèrent Hitler, selon ses "propres » propos". Les liens étaient forts. Ford soutint financièrement, dés les années 20, le parti nazi.


Comme le rappelait le site l'Arbre à palabres en mai 2015 : « durant le procès de Nuremberg l’ex-président de la Reichsbank et ministre de l’économie Hjalmar Schacht a proposé, par un juste retour des choses, de mettre sur le banc des accusés ceux qui ont nourri le 3e Reich, en mentionnant les compagnies américaines General Motors et Ford, ainsi que le gérant de la Banque d’Angleterre Montagu Norman en personne »; Résultat : les jurés occidentaux, contre l'avis des soviétiques, acquittèrent Schacht.


Dans une analyse sur "le Juif international" publiée en avril 2007 par Le Monde Diplomatique, Le chercheur Michael Löwy notait : « Une phrase dans un texte dédié à la salutaire "réaction de l’Allemagne contre le Juif" illustre cet esprit nouveau qui se veut scientifique et dont le langage est chargé de métaphores médicales : il s’agit d’une question d’« hygiène politique », parce que « la principale source de la maladie du corps national allemand (…), c’est l’influence des Juifs. (...) Dans plusieurs autres passages, les juifs sont présentés comme un "germe" qui doit faire l’objet d’un "nettoyage" (cleaning out) . Comme l’on sait, Adolf Hitler et ses collaborateurs reprendront cette terminologie pseudo-hygiéniste, au mot près. Le Juif n’est plus défini par sa religion mais par sa "race", "une race dont la persistance a vaincu tous les efforts faits en vue de son extermination". » 


Cette offensive de Ford connut un franc succès, sa pérennité le prouve (il faut remarquer ici l'étrange filiation entre Ford et Elon Musk, le propriétaire de Tesla). Elle imposa une manière de considérer les hommes qui marqua les consciences américaines. Et pour comprendre les événements d'aujourd'hui aux États-Unis, il ne faut pas gommer ce qui se passa il y a un siècle et qui perdure, sous d'autres formes.


Rappelons notamment ce meeting nazi du 20 février 1939 au Madison Square Garden. Plus de 20.000 américains proches du mouvement nazi Bund ( Fédération) assistent à l’événement. Des drapeaux à croix gammée et américains flottent côte à côte, et les discours antisémites et anti-communistes qui y sont prononcés sont salués à l'hitlérienne.


Rappelons nous encore ce "héros américain" type, Charles Lindbergh qui, lui aussi fut décoré en octobre 1938 de "l'ordre de l'Aigle allemand" ; médaille qu'il reçut, à Berlin, des mains de Goering, Maréchal du Reich. Lindbergh méritait ce satisfecit nazi, lui qui menait campagne avec le mouvement isolationniste qu'il dirigeait, America first ("MAGA" avant la lettre), refusant l'engagement des États-Unis dans tout conflit européen. Lors d'un de ses meetings, le 11 septembre 1941, dans la ville de Des Moines, Charles Lindbergh clame : «  Qui sont les agitateurs bellicistes ? Les Britanniques, les Juifs et l'administration Roosevelt. »


L'historien et cinéaste Max Wallace, qui écrit notamment pour le New York Times, a publié en 2003 un ouvrage au titre explicite, L’axe américain : Henry Ford, Charles Lindbergh et l’avènement du Troisième Reich, qui fit grand bruit aux États-Unis. Max Wallace y décrit, à partir d'archives inédites de l'université de Yale, le rôle actif pro-hitlérien des deux icônes américaines, Ford et Lindbergh, et leur collaboration en faveur du Troisième Reich.


En août 2017, des acolytes de l'« alt-right » aux États-Unis ont organisé un rassemblement à Charlottesville, scandant des slogans

tels que « Les juifs ne nous remplaceront pas ! » et portant des torches comme celles utilisées lors des rassemblements du Ku Klux Klan.

Photo Steve Helber / AP.


Aujourd'hui pire qu'hier ?


Des poussées de fièvre suprémacistes, racistes, antisémites, la société américaine en connaît depuis l'origine. Elle transforme la volonté d'exclusion en une idéologie de longue durée. Que ce soit par la violence criminelle du Klu Klux Klan jusque dans les années soixante, l'assassinat des leaders de la communauté afro-américaine, Martin Luther King et Malcom X, le racisme qui continue de pourrir, jusqu'à aujourd'hui, la vie quotidienne de dizaines de millions d'Américains. Tout particulièrement à l 'œuvre dans les États "rouges", ceux qui ont voté Trump. Que ce soit par la diffusion de bobards imbéciles par les milliers de canaux utilisés par la racaille suprémaciste, comme cette fable des « immigrés haïtiens qui mangent nos animaux domestiques » dont Trump et son équipe de campagne firent leur choux gras.


Il n'est donc pas étonnant de constater que l'ONG Human Rights Watch ouvre son rapport de 2025 par ce constat inquiétant : « La justice raciale est restée une préoccupation majeure en matière de droits humains aux États-Unis en 2024. Bien qu’ils aient ratifié la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale il y a près de 60 ans, les États-Unis n’ont pas suffisamment mis en œuvre ses dispositions. Les séquelles évidentes de l’esclavage, des massacres et de la dépossession des peuples autochtones restent largement ignorées. » 


Avec le retour de Trump au pouvoir, le rapport 2026 de l'organisation risque d'être largement plus effrayant. Car cette administration fédérale flirte désormais ouvertement avec les suprémacistes. Le remugle fordien empuantit les États-Unis.


Parmi ses premières décisions, Trump a affiché sa volonté "d'épurer" la langue, de bannir des documents officiels toutes ces "scories" genrées, LGTB, celles qui osent traiter du racisme, d'équité, d'héritage culturel, d'égalité des chances, d'injustice, d'inclusion, etc. Elle a interdit, aidé par les gouvernements des États Républicains, des centaines de livres pour la jeunesse jugés pernicieux, comprenez humanistes. (9)


Le danger que les citoyens américains vont vivre est l'approfondissement de la faille entre communautés, l'élargissement à de nouveaux secteurs de la population de cet apprentissage de la haine. Au risque de froisser Curis Yarvin, l'idéologue-gourou du trumpisme, qui le compare... aux nazis, il faut citer ici Nelson Mandela (que Curtis Yarvin compare... aux nazis !) : « Personne n’est né avec la haine pour l’autre du fait de la couleur de sa peau, ou de son origine, ou de sa religion. Les gens doivent avoir appris à haïr, et s’ils peuvent apprendre à haïr, ils peuvent apprendre à aimer car l’amour jaillit plus naturellement du cœur humain que son opposé. »


Michel Strulovici

 

NOTES

(1). Jean Marc Adolphe, "Heil, Trump", les humanités, 21 janvier 2025 (ICI). La citation exacte de Curtis Yarvin est : « La terreur nazie était légitime parce qu'elle fonctionnait » ("Nazi terror was legitimate because it worked"), cf. Corey Pein, "The Moldbug Variations", thebaffler.com, 9 octobre 2017. Pour Curtis Yarvin, l'Union soviétique était le plus grand mal de la Seconde Guerre mondiale et « l'Allemagne nazie a agi dans le cadre d'une autodéfense préventive contre les plans infâmes de Staline et de la République fédérale de Yougoslavie ». Dans l'un de ses textes de blog (sous pseudonyme de Mencius Moldbug), il écrivait par ailleurs en 2007 : «  Supposons qu'Hitler ait déclaré qu'au lieu d'être un simple habitant de Linz, il était le prophète de Thor sur terre (certaines personnes s'en seraient réjouies). Supposons que tout ce que les nazis ont fait l'a été au nom de Thor. Supposons, en d'autres termes, que le nazisme fasse partie de la catégorie "religion". (...) Si nous apportons ce seul changement insignifiant, en transformant le nazisme en thorisme et en en faisant une "religion", les actes des Alliés constituent un acte flagrant d'intolérance religieuse. Ne sommes-nous pas censés respecter les autres religions ? »


(2). Philip Henry Sheridan, né le 6 mars 1831 et mort le 5 août 1888, est un officier de carrière de l'armée américaine et général dans l'Armée de l'Union lors de la guerre de Sécession. Sa carrière est marquée par son accession rapide au grade de major-général et sa collaboration étroite avec le lieutenant-général Ulysses S. Grant, qui transfère Sheridan du commandement d'une division d'infanterie sur le théâtre occidental des opérations, au commandement du corps de cavalerie de l'Armée du Potomac, sur le front est. En 1864, il défait les forces Confédérées dans la vallée de Shenandoah, puis détruit l'infrastructure économique de la vallée, épisode que ses habitants nommèrent « The Burning », faisant ainsi usage pour la première fois dans cette guerre de la tactique militaire dite de la terre brûlée. En 1865, sa cavalerie poursuit le général Robert E. Lee et le force à se rendre à Appomattox. Après guerre, il est nommé gouverneur militaire du cinquième district militaire (Texas et Louisiane), chargé de la Reconstruction. (Source Wikipedia) 


(3). Peter H. Burnett, « Governor's Annual Message to the Legislature, January 7, 1851 », dans Journals of the Senate and Assembly of the State of California, at the Second Session of the Legislature, 1851-1852, San Francisco, G. K. Fitch & Co. et V. E. Geiger & Co., State Printers, 1852, p. 15. Source Wikipedia.


(4). Benjamin Madley, « An American Genocide: The United States and the California Indian Catastrophe, 1846-1873. », Journal of Genocide Research, no 19,‎ 2017, p. 154-163. 


(5). Marx, Misère de la Philosophie, chapitre II «  la Métaphysique de l’Économie politique » , quatrième observation. P.81 , editions de la Pléiade. 


(6). Augustin Rémond, "L'Agence Pinkerton et la bataille de Homestead", site web de la Revue Histoire, 2 Mai 2023 (ICI).


(7). Frank Browning et John Gerassi, Histoire criminelle des États-Unis, Nouveau monde, 2015, p. 511 . Source Wikipedia 


(8). Idem. 


(9). Voir ma chronique "Trump ad nauseam", 19 mars 2025. J'en dresse un florilège : « antiracisme, noir, autochtone, personne de couleur, assigné à la naissance, préjugé à l'égard de , inclusion, race, genre ; changement climatique, énergie propre, diversité, équité communautaire, héritage culturel, handicap, discrimination, égalité, égalité des chances, femme, femelle, migrant, golfe du Mexique, inclusion, injustice, LGBT, minorité, santé mentale... »

 

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