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Photo du rédacteurJean-Marc Adolphe

Suite Amagatsu / 02

Dernière mise à jour : 25 juin



Ushio Amagatsu, dans Unetsu ("Des Oeufs debout par curiosité"), 1986. Photo Masafumi Sakamoto


Ushio Amagastsu, encore, et à suivre. Parce qu'il le vaut bien... Avec, ici, un texte inédit : le premier jour de Sankai Juku à Paris (27 avril 1980)


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D'habitude, dans les journaux, à la mort de quelqu'un d'un peu connu, une petite nécro, et hop, le tour est joué. La taille de la nécro est fonction de la valeur que la rédaction en chef accorde à la personne disparue. Dans le cas d'Ushio Amagatsu, chorégraphe de Sankai Juku, à part Le Figaro, Le Monde et quelques médias en ligne, c'est peanuts. Libération, par exemple : même pas une ligne.


Il n'y a pas que la presse, il faut dire. Même sur le site internet du Théâtre de la Ville, où Ushio Amagatsu a créé et présenté la plupart de ses spectacles avec Sankai Juku : rien, des clous, des nèfles, macache, peau de zébi, que dalle. Il faut dire, comme déjà raconté, qu'Emmanuel Demarcy-Mota, l'actuel tenancier du Théâtre de la Ville rebaptisé Sarah Berrnardt, a fait disparaître du site internet toute l'histoire qui l'a précédé.


Soyons justes : le Théâtre de la Ville, dans une "newsletter" (2 avril), a mentionné la disparition d'Amagatsu. On cite in extenso :

"Nous avons appris avec une immense tristesse la disparition du chorégraphe japonais Ushio Amagatsu, survenue le 25 mars dernier, chez lui, à Yugawara. Avec sa compagnie Sankai Juku, il créa nombre de ses pièces au Théâtre de la Ville, depuis 1982, traçant un chemin rare de confiance et de complicité renouvelée. Cet artiste exceptionnel aura profondément marqué les esprits par son esthétique d'une grande beauté contemplative.

Nous nous souviendrons longtemps de ses visions, de ses saluts millimétrés, humbles et retenus, à l’image d’un artiste totalement dévoué à son art et qui aura captivé des milliers de spectateurs, à Paris et dans le monde."


Waouh, l'hommage ! On ignore qui a écrit ça. Un(e) stagiaire qu'on a temporairement désoccupé de la machine à café ?


Bon, on ne va s'énerver, quoique... il y aurait de quoi.

On n l'a déjà dit : les humanités / journal-lucioles, ce n'est pas pareil.

Après un premier hommage publié ICI , on a décidé de continuer. Mais on n'est pas payés aux pièces (on n'est pas payés du tout) et d'un seul coup, ça pourrait faire trop long. Nous allons donc distiller au fur et à mesure, comme qui dirait égrener, des pièces d'archive.


UNE PHOTO, UNE LÉGENDE


01. Unetsu ("Des oeufs debout par curiosité"), 1986



Ushio Amagatsu, dans Unetsu ("Des Oeufs debout par curiosité"), 1986. Photo Masafumi Sakamoto


Magie noire, magie blanche

Sorcellerie fantomatique


Est-ce l'homme qui dompte l’œuf,

ou l’œuf qui dompte l'homme ?


Un dialogue en tout cas,

crânement,

tête-à-tête


L'hiomme est jaloux

de la lissité de l'oeuf,

il aimerait bien redevenir oeuf

comme avant


Mais lui ont poussé des lmains,

des mains de princelfe.


... / "Je pense toujours que chaque chose à deux aspects. On pense à la naissance en regardant un œuf, mais la naissance d’une vie est aussi une destruction du point de vue de l’œuf !" (Ushio Amagatsu)


DANS L'ARCHIVE

Les premières heures de Sankai Juku à Paris (avril 1980). Inédit en français


Premier jour à Paris. Le 27 avril 1980.


"Hé, combien tu as ?", dit Takada.

"150.000 Yen", je réponds, la tête embrumée par le décalage horaire.

Je vois, donc à nous trois, nous n'avons que 300.000 Yen. Nous allons changer d'hôtel.


27 avril 1980, 8h30 du matin à Paris. Le lendemain matin de notre arrivée à Paris. C'est une situation pitoyable. Après avoir quitté l'hôtel, les deux crânes rasés et moi-même sommes sortis sur le boulevard Saint-Germain à la recherche d'un hôtel bon marché.


La rue était bondée de jeunes gens qui se rendaient à l'école avec des livres sous le bras.

Dans un café, un monsieur d'âge moyen avec un grand berger mange un croissant délicieusement croustillant trempé dans une tasse de café crème.

"Takada, j'ai faim", je dis.

"Ce n’est pas le moment. On doit d'abord trouver un hôtel".


Les deux hommes au crâne rasé, Takada et Morita, sont des danseurs de butô. Et je les accompagnais en tant qu'ingénieur du son.


C'était la première matinée de l’expansion de la compagnie du butô Sankai Juku. C’était aussi mon premier voyage à l'étranger.

 

Pourquoi Sankai Juku voulait-il partir à l'étranger ?

Il existait une compagnie de butô appelée Dairakudakan, à la fin des années 1970; les principaux danseurs de la compagnie ont pris leur indépendance et de petits groupe ont vu le jour. L'un de ces groupes, Sankai Juku, dirigé par Ushio Amagatsu, a été fondé quatre ans plus tard (1979) et s'est d'abord appelé Dairakudakan Butoh Sankai Juku. À l'époque, Sankai Juku était encore inconnu. Il se produisait à Tokyo quelques fois par an, et il effectuait des tournées dans des villes régionales et des festivals universitaires sous le nom de Dance Caravan, mais les lieux et le public de ses spectacles étaient limités.


Et puis un jour...,

Gérard Coste, conseiller culturel à l'ambassade de France à Tokyo, avec qui Amagatsu s'était lié d'amitié, le convoque à l'ambassade, où il téléphone à Paris devant lui et négocie des programmations. Sur place, le spectacle au Carré Silvia-Monfort a été décidé, puis, par l'intermédiaire d'un professeur de l'Athénée Français (École de langue française), il contact un certain Gomes qui vit à Paris, et qui arrange des représentations au Forum des Halles.


Au Japon, nous ne pouvions pas gagner notre vie en nous contentant de danser. En allant en Europe, nous trouverions peut-être un public, nous serions peut-être populaires, nous pourrions peut-être vivre en nous produisant. .... C'est avec cette ambition réaliste, et bien sûr de nombreuses raisons artistiques et philosophiques, que Sankai Juku a décidé de se rendre à Paris.


Il semble qu'à ce stade, les danseurs de Sankai Juku avaient déjà décidé de partir en tournée pendant un an. Cependant, lorsque nous sommes arrivés à Paris, nous avons découvert que la représentation au Forum des Halles était un événement de neuf jours organisé par le quartier commerçant, et que le spectacle au Silvia-Monfort était un contrat avec un partage de recette, dans un chapiteau ne pouvant accueillir que 200 personnes.


Neuf hommes peuvent-ils vraiment vivre à Paris avec un tel cachet ?

La réponse est "non".

Mais on était déjà partis.

 

Yoichiro Yoshikawa, Les jours de l’opinel et le paon – Les histoires des premières tournées mondiales de Sankai Juku, 2008, Togensha, Tokyo, 2008.

(Traduction : Margot Olliveaux, pour les humanités)


 

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