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Sortir des engagements de la COP26: à Dubaï, la Colombie montre déjà la voie


L’Expo 2020 à Dubaï.


Chassez le naturel, il revient au galop. Deux jours après que le président colombien ait fait patte verte à Glasgow, le président de l'Agence nationale des mines annonce à Dubaï « un bond vers l'exploitation minière du futur », en espérant au passage récolter des fonds pour lutter contre le réchauffement climatique !


Les masques tombent vite. Le temps d’un petit tour à la COP26, avant de venir à Paris déjeuner avec son « cher ami » Emmanuel Macron, le président colombien Ivan Duque a tenté de se faire passer pour un ardent défenseur du climat et de la cause environnementale. Avec le soutien financier de l’Agence française de développement, la Colombie a présenté une « Stratégie 2050 pour la résilience climatique et la neutralité carbone. » « L’objectif », affirme l’Agence française de développement, « est de permettre à la Colombie de réduire ses émissions de gaz à effet de serre et d'assurer la résilience des communautés comme des écosystèmes face au changement climatique. » Comme c’est joliment dit : « assurer la résilience ».

Sans attendre la fin de la COP26, Ivan Duque a envoyé à Dubaï le président de l'Agence nationale des mines, Juan Miguel Durán. Pourquoi Dubaï ? Parce que s’y tient, jusqu’au 31 mars 2022, la fastueuse Expo 2020 (initialement prévue du 20 octobre 2020 au 10 avril 2021), première exposition universelle organisée au Moyen-Orient, qui a coûté sept milliards de dollars, et dont le thème est « Connecter les esprits, créer l'avenir » (Connecting Minds, Creating the Future). Tout un programme. La France et la plupart des États européens participent à l'événement, malgré l'appel du Parlement européen à le boycotter, "afin de montrer leur rejet des violations des droits humains aux Émirats", selon une résolution votée à la mi-septembre.


Quant à l’écologie, Dubaï a misé une grande partie de sa communication sur les innovations environnementales de l'exposition universelle et son côté "vert", alors même que l'installation de 4 km2 a été construite en plein désert. La ville associée au luxe et au gigantisme dit même vouloir devenir d’ici à 2050 la ville la moins émettrice de CO2 de la planète.

Ça ne coûte rien de le dire. En attendant, les Émirats arabes unis restent le 7ème producteur mondial de pétrole, les buildings continuent de se construire à tout-va et la consommation en eau par habitant est toujours 3 à 4 fois plus élevée qu'en France. Il faut dire que dans ce désert, mêmes les parcours de golf sont irrigués en permanence. En 2018, les Émirats arabes unis demeuraient encore le troisième pays aux émissions de carbone les plus élevées au monde…


"Une exploitation minière de classe mondiale"


C’est donc dans ce paradis du faux-semblant que s’est rendu le président colombien de l'Agence nationale des mines pour y vendre un joli projet intitulé "Circuits miniers, un bond vers l'exploitation minière du futur". La Colombie y présente son potentiel minier et affiche son intention de « faire avancer les plans de développement d'une exploitation minière de classe mondiale. »

« Lors de cet événement, qui réunit des représentants des principales sociétés minières mondiales », précise le quotidien El Espectador, « le potentiel et les zones minières stratégiques du pays ont été présentés comme une opportunité d'investissement durable et responsable pour des minéraux tels que le cuivre et les phosphates, et le lancement du cycle de l'or a été annoncé pour l'année prochaine. » Deux cycles de travail sont par ailleurs destinés aux marchés des métaux précieux et du charbon. En ce qui concerne la table ronde sur le charbon, « trois entreprises étaient présentes : Carbomax [une société suédoise], Drummond [une multinationale américaine déjà très présente en Colombie à laquelle la justice colombienne avait ordonné en 2019 de cesser sa production de gaz de schiste au moyen de la fracturation hydraulique] et le projet Sinclinal de la Loma [il s’agit là encore d’une concession minière accordée à Drummond, qui a été prolongée de 20 ans en 2019]», ajoute El Espectador. Parmi les investisseurs présents figuraient Yongtai Energy [la plus grande société d'énergie charbonnière chinoise] et Cemcoal [???, inconnu au bataillon].

Dans le Guajira, où est située Cerrejón, la plus grande mine de charbon à ciel ouvert d'Amérique latine, 65% de la population (dont 44,9 % de communautés indigènes et 14,8 % d’afro-colombiens)

est en-dessous du seuil de pauvreté. Photo Luis Ángel / Cerosetenta


A l’occasion, le président colombien de l'Agence nationale des mines a inventé un nouveau concept fort intéressant : « le charbon neutre », un singulier renversement de la « neutralité carbone ». Explication dans le texte : cette stratégie « charbon neutre » vise à « renforcer la compétitivité du charbon et maximiser les revenus du secteur pour le pays, permettant d'élargir l'horizon de la demande et d'augmenter la production de charbon colombien, afin de maximiser les revenus tirés du minerai dans le cadre d'un scénario compatible avec les objectifs du développement durable. »

Tout ça dit d’un seul souffle, sans rire. Mais ce n’est pas tout. « La stratégie consiste à générer une valeur ajoutée au charbon colombien, en ajoutant un pourcentage de compensation pour les émissions de gaz à effet de serre causées au moment de la combustion dans les pays acheteurs. »

On résume : la Colombie, contrairement à tout ce qui a été annoncé à Glasgow, augmente sa production de charbon, majoritairement à destination des États-Unis et de l’Europe. La Colombie, qui ne consomme qu’une faible part de sa production, est en effet le cinquième exportateur mondial de Charbon.


Et la « valeur ajoutée » ? En augmentant sa production de charbon, la Colombie espère empocher en plus des fonds de « compensation carbone » négociés à Glasgow. Une « compensation » qui servira, comme il se doit, à « faciliter la diversification économique, environnementale et sociale des territoires producteurs du pays à travers une nouvelle économie forestière. » Une petite fiction de plus… A titre d’exemple, le département de Guajira, où est située Cerrejón, la plus grande mine de charbon à ciel ouvert d'Amérique latine, est particulièrement affecté par la pauvreté et la faim : les besoins de base de 65 % de la population ne sont pas satisfaits, bien que le secteur minier énergétique soit le principal moteur des exportations du pays. A Dubaï, on ne va pas s’embarrasser de ce genre de misérable considération.


Jean-Marc Adolphe

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