Après Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, vantant, à propos des réfugiés ukrainiens à venir, « une immigration de grande qualité dont on pourra tirer profit », le Premier ministre bulgare renchérit : « Ce sont des "Européens", pas les réfugiés auxquels nous sommes habitués. Ils sont intelligents et éduqués. » Dans une indifférence quasi-générale, de hauts responsables européens font ainsi du droit d’asile, qui devrait être universel et inconditionnel, un droit à géométrie variable.
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Les Nations Unies se préparent à accueillir jusqu'à quatre millions de réfugiés ukrainiens dans les jours et les semaines à venir. Depuis le début du conflit, 520 000 personnes ont fui l'Ukraine et 160.000 ont été déplacées à l'intérieur du pays, indique l'ONU. Le chef de l'agence des Nations unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, a déclaré qu'en 30 ans de travail humanitaire, il avait rarement vu « un exode de personnes d'une telle rapidité, le plus important en Europe depuis la guerre des Balkans ».
Les voisins occidentaux de l'Ukraine, confrontés à un afflux de réfugiés de guerre estimé à 500 000 et plus, ont ouvert leurs frontières en leur réservant un accueil chaleureux. C'est un contraste frappant avec l'accueil beaucoup plus froid réservé aux migrants non européens qui ont récemment fui les conflits dans des pays comme la Syrie et l'Afghanistan.
Vendredi, le Premier ministre bulgare Kiril Petkov s'est joint aux dirigeants de la Moldavie, de la Pologne, de la Hongrie et de la Roumanie voisines pour offrir un refuge aux Ukrainiens fuyant l'invasion russe, déclarant aux journalistes que son gouvernement ferait tout ce qui est en son pouvoir pour atténuer la crise humanitaire qui se profile. « Ces migrants sont des "Européens", a-t-il ajouté, pas les réfugiés auxquels nous sommes habitués. Ils sont intelligents et éduqués. »
Quid des étudiants africains, arabes, libanais, etc., qui cherchent pareillement à fuir l’Ukraine ? Y aura-t-il contrôle au faciès aux frontières ? En fait, c’est déjà le cas : voir ce témoignage d’un étudiant africain posté sur Twitter : https://twitter.com/i/status/1498045892883935235
L’attitude du Premier ministre bulgare reflète un contrepoint frappant à la crise européenne des réfugiés de 2015, lorsqu'un afflux de plus d'un million de réfugiés et de migrants fuyant les guerres et les conflits au Moyen-Orient et en Afrique a attisé une réaction anti-immigrés en Europe, et a contribué à soutenir les partis d'extrême droite. À l'époque, la Hongrie a même construit une clôture à sa frontière avec la Serbie pour empêcher les migrants d'entrer, ce qui est devenu un symbole puissant de l'animosité contre la migration.
Le Premier ministre hongrois Viktor Orban s'est livré à une bataille acharnée avec l'ancienne chancelière allemande Angela Merkel sur la politique d'immigration, cherchant à empêcher les immigrants d'entrer en Hongrie tout en se positionnant comme un défenseur des valeurs européennes dans un conflit mondial entre chrétiens et non-chrétiens.
Dans le cas de la Bulgarie, au cours des dernières années, le pays a accepté relativement peu de réfugiés fuyant les conflits, tout en érigeant des barrières pour décourager l'immigration. Les remarques de M. Petkov ont suscité une réaction immédiate des critiques qui l'ont accusé d'appliquer un double standard humanitaire, en donnant la priorité à l'aide aux chrétiens blancs plutôt qu'à la responsabilité collective de l'Europe d'aider les autres personnes souffrant de privations et d'abus similaires. En avril 2020, la Cour européenne de justice a jugé que la Pologne, la Hongrie et la République tchèque n'avaient pas respecté leur part d'un accord de l'Union européenne visant à répartir entre leurs pays 160 000 demandeurs d'asile qui s'étaient rendus en Grèce et en Italie.
« Quelle honte », a ainsi écrit sur Twitter Theodora Dragostinova, professeur d'histoire associé à l'Ohio State qui étudie l'Europe de l'Est « Incroyable de la part du prodige éduqué à Harvard en quête d'élever le standing international du pays ».
Quelle honte, aussi, en France. Les récents propos de Jean-Louis Bourlanges, Président de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, vantant, à propos des réfugiés ukrainiens à venir, « une immigration de grande qualité dont on pourra tirer profit » (Lire sur mon blog Mediapart), n’ont suscité la moindre indignation au sein de la classe politique. Donc, dans la France de 2022, la déclaration parfaitement discriminatoire d’un haut responsable de l’Assemblée nationale semble passer comme une lettre à la poste.
Pourtant, partout en France, la solidarité s’organise (article à venir). Avec d’ores et déjà, des bémols. Sans surprise, Franck Briffaut, le maire (extrême droite) de Villers-Cotterêts, dans l’Aisne, indique que sa commune (11.000 habitants) « n’a pas beaucoup de structure pour accueillir des réfugiés » et qu’il n’acceptera d’accueillir des familles de réfugiés que si le Préfet s’engage à ce que « les personnes qui fuient les combats regagnent leur pays ensuite ».
Faut-il rappeler que le droit d’asile n’est pas à géométrie variable ? Apparemment, oui.
Jean-Marc Adolphe
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