Malgré les révélations qui s’accumulent, malgré une pétition qui réunit à ce jour près de 165.000 signataires, malgré une grande enquête d'Associated Press qui produit notamment le témoignage d'une famille de Marioupol aujourd'hui réfugiée en France, la quasi-totalité de la presse française semble avoir décidé (une fois pour toutes ?) d'observer un silence complice sur la déportation d'enfants ukrainiens en Russie. Les humanités en sont pour leur part à la sixième publication sur le sujet, et nous continuerons, tant qu'il sera nécessaire d'insister. Suite de la saga Maria Lvova-Pavlova avec un passionnant entretien avec Kateryna Rashevska, juriste ukrainienne qui travaille pour le Centre régional pour les droits de l'homme, pour qui les enfants déportés sont, pour la Russie,des "trophées" que l'on ramène à la maison.
On retrouve la même Maria Lvova-Belove en première ligne d'un projet de loi discuté à la Douma d’État russe, pour interdire la "propagande LGBT", et plus largement, tout ce qui serait contraire aux "valeurs traditionnelles", entendu que, dans la guerre qui oppose la Russie à l'Occident, « le noyau de l'influence de l'ennemi est la sodomie », comme il a été dit hier lors d'une séance d'auditions parlementaires. CQFD
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Comment, quand et pourquoi ce problème [de déportation d’enfants] est-il apparu ?
Kateryna Rashevska : "La Russie a commencé à saisir, déplacer puis adopter illégalement des enfants ukrainiens depuis l'occupation de la péninsule de Crimée en 2014. Au moins 12 enfants ont été illégalement emmenés en Russie et adoptés par le biais du programme Train de l'espoir. Étant donné la militarisation de l'éducation russe en général, le but de ces actions n'est rien de moins que de transformer les enfants en ennemis de leur propre nation et de les utiliser comme chair à canon dans de nouvelles hostilités. Les Russes ne font que voler illégalement des enfants ukrainiens et les emmener en Russie dans l'espoir d'en faire leurs propres citoyens, soumis à un régime dictatorial.
En outre, la pratique de la contrebande d'enfants s'est poursuivie dans les territoires occupés du Donbass, d'où les enfants des orphelinats et ceux qui ont perdu leurs parents ont été emmenés en Russie sous la direction d’Elizaveta Glinka, la célèbre "Docteur Liza", qui est ensuite décédée dans un accident d'avion au-dessus de la mer Noire alors qu'elle se rendait en Syrie.
Vladimir Poutine avec Elizaveta Glinka, alias "Docteur Liza",qui fut la première à déporter des enfants d'Ukraine, dès 2014,
avant de trouver la mort dans un accident d'avion militaire russe en Syrie.
Les raisons de ce phénomène sont doubles. La première est l'attitude des Russes qui considèrent les populations des territoires occupés comme des trophées qu'ils peuvent traiter à leur guise, comme des meubles, sans égard pour leur destin. D’autre part, il existe en Russie une grave disproportion entre territoire et population, qui se traduit par un déficit démographique. Selon les statistiques, la densité de population moyenne en Russie n'est que de 8,4 personnes par kilomètre carré, ce qui est très faible, et la densité de population des régions de la Russie dans sa partie asiatique, qui occupe environ 80 % de son territoire, n'est que de 2,5 personnes par kilomètre carré. Aujourd'hui, après la violente "mogilisation", c'est-à-dire l'intensification de la fuite de la population devant le régime de Poutine, la densité a encore diminué. En Russie, le taux de mortalité a longtemps dépassé le taux de natalité. Les Russes ne font donc que voler illégalement des enfants ukrainiens et les emmener en Russie dans l'espoir d'en faire leurs propres citoyens, soumis au régime dictatorial.
Quelle est l'ampleur de ce processus ?
À la fin du mois de septembre 2022, depuis le début de l'invasion à grande échelle de l’Ukraine, la Russie a officiellement déporté au moins 260.000 enfants ukrainiens de 9 régions ukrainiennes temporairement occupées vers son propre territoire. Mais en fait, le nombre d'enfants enlevés est beaucoup plus élevé. Selon des données non officielles, qui sont progressivement confirmées, plus de 600.000 enfants ont été déportés.
Sur le nombre confirmé d'enfants, 2.389 sont des mineurs qui vivaient dans des orphelinats au 24 février 2022. Il s'agissait à la fois d'orphelins et d'enfants privés de soins parentaux, ainsi que d'enfants atteints de maladies chroniques qui nécessitaient une surveillance constante par des spécialistes, bien qu'ils aient des parents et des proches. Parmi les jeunes Ukrainiens emmenés, il y a aussi ceux dont les parents ont été tués par l'armée russe ou qui ne sont pas passés par les camps de filtration.
Kateryna Rashevska
La Russie n'a pas été dissuadée par le fait que cette déportation illégale de mineurs constitue un crime de guerre ?
Toutes les actions russes dans les territoires occupés de l'Ukraine sont des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, cela n'a plus d'importance pour eux. Selon les régions, les enfants étaient transportés en bus ou en train. Dans certains cas, le transfert a eu lieu à travers ou vers la Biélorussie. Les enfants déportés vers des régions reculées de Russie pouvaient rester sur la route pendant environ une semaine. Les conditions de ce transfert restent inconnues, car ni l'Ukraine, en tant qu'État de citoyenneté des enfants, ni les organisations internationales concernées n'ont été impliquées dans le processus. Bien que la Russie insiste sur le fait qu'elle a évacué les enfants de la zone de guerre, ses actions constituent, en vertu du droit international humanitaire, un crime de guerre et un crime contre l'humanité, à savoir la déportation. Cette conclusion se fonde sur les nombreuses violations du droit international commises par la Russie : création délibérée des conditions d'"évacuation", absence de consentement à la relocalisation des enfants de la part des parents/tuteurs et de l'Ukraine, non-admission des organisations internationales dans ce processus, déplacement des enfants sur son propre territoire avec refus de sécuriser les couloirs humanitaires à l'intérieur de l'Ukraine, absence de notification à la Croix-Rouge internationale, dissimulation des données relatives aux enfants déportés.
Que sait-on des mineurs déportés ?
Le sort de la plupart de ces enfants est toujours inconnu, car les organisations gouvernementales ou non gouvernementales ukrainiennes et internationales n'y ont pas accès. Une analyse des sources ouvertes a révélé que de jeunes Ukrainiens ont été déportés vers 57 régions de Russie, notamment la région d'Omsk et l’île de Sakhaline. Étant donné les différences significatives de conditions climatiques entre les régions éloignées de Russie et les régions côtières occupées d'Ukraine où vivaient les enfants, la déportation peut avoir un impact négatif non seulement sur la santé mentale mais aussi sur la santé physique. De plus, une telle déportation limite considérablement la possibilité pour les enfants déplacés de continuer à communiquer avec leurs proches, ce qui n'est pas dans leur intérêt personnel. Toutefois, ce n'est pas seulement la distance mais aussi les actions des fonctionnaires russes qui empêchent les jeunes Ukrainiens de communiquer avec leurs proches. Nous connaissons le cas d'une fillette déportée, pour laquelle le responsable d'un orphelinat russe a refusé de l'aider à contacter sa tante natale, se référant au fait que les occupants avaient indiqué dans les documents de l'enfant qu'elle était orpheline.
Maria Lvova-Belova, commissaire présidentielle aux droits des enfants (sic) organise elle-même la déportation d'enfants ukrainiens en contact direct avec Vladimir Poutine.
Dans des déclarations officielles, les hauts dirigeants russes, y compris Vladimir Poutine en personne, ont annoncé leur intention de "s'approprier" les petits Ukrainiens, c'est-à-dire de les donner en adoption à des familles russes dès que possible. Maria Lvova-Belova, ancienne confidente de Poutine et membre du présidium du conseil d'administration du parti Russie Unie, a été élue pour présider le processus. Maria Lvova-Belova fait un excellent travail. Elle improvise ici et là, et les propagandistes russes s'en servent pour encourager d'autres Russes à commettre des crimes contre des enfants ukrainiens en suivant l'exemple de la fonctionnaire. Par exemple, en juillet 2022, Maria Lvova-Belova a elle-même adopté illégalement un garçon de Marioupol et l'a emmené en Russie.
Depuis le début de l'invasion, la Russie n'a cessé de modifier ou d'adopter de nouvelles réglementations facilitant l'imposition de la citoyenneté russe aux enfants déportés et la russification. Dans le même temps, le ministère russe de l'éducation souligne que les enfants parlent à peine le russe, alors que c'est le génocide mythique de la "population russophone" qui a été l'une des raisons inventées pour déclencher la guerre d'agression.
Comment se déroule le processus d'"appropriation" des enfants ukrainiens volés en Russie ?
Ce processus a été institutionnalisé : des groupes consultatifs et des quartiers généraux spéciaux sont ouvertement créés en partenariat avec les groupes armés des « républiques populaires de Donetsk et de Louhansk » pour accélérer l'adoption illégale de jeunes Ukrainiens. Maria Lvova-Belova et le parti Russie Unie mènent de telles actions au niveau parlementaire.
Le 23 avril 2022, 27 enfants retirés des territoires temporairement occupés d'Ukraine ont été remis à 10 familles russes. Maria Lvova-Belova elle-même, le gouverneur de la région de Moscou, Andrey Vorobyov, la conseillère du président de la « République populaire de Donetsk » pour les droits des enfants, Eleonora Fedorenko, et Ksenia Mishonova, médiatrice pour les enfants de la région de Moscou, ont pris part au processus de transfert. Selon la Russie, tous les enfants sont issus de familles nombreuses et ont des frères et sœurs. La tranche d'âge va de 3 ans (garçon) à 17 ans (fille). La plupart des enfants ont entre 9 et 11 ans. Sur ces vingt-sept enfants, quatre présentent des handicaps dus à la phénylcétonurie [trouble du métabolisme des acides aminés – NdR], des handicaps mentaux, ou encore souffrent d'autisme, d'épilepsie et d’un trouble musculo-squelettique. Parmi les familles chez lesquelles les enfants ukrainiens ont été placés, on trouve celles qui ont pour habitude d'accueillir des enfants de Donbas depuis 2014. Le 5 juillet 2022, les enfants ont obtenu la citoyenneté simplifiée en Russie. Par conséquent, leur adoption était même contraire à la loi russe.
Le 15 juillet 2022, 108 enfants ukrainiens ont été déplacés vers six régions russes et placés sous tutelle. Dans la région de Moscou et l'Oblast de Moscou, une famille a pris en charge 9 enfants et trois familles ont pris en charge 8 enfants. A Tula, trois familles ont accueilli 4 enfants et une famille a accueilli 5 enfants. Lors du transfert des enfants, Maria Lvova-Belova a informé que 50 enfants vivaient déjà dans des familles d'accueil dans la région de Moscou. Des projets de placement d'enfants en famille d'accueil dans la région autonome de Yamalo-Nenets, à Voronezh et dans l'Oblast de Kaluga ont également été annoncés.
Le 22 juillet 2022, Maria Lvova-Belova a amené 9 enfants ukrainiens dans la région de Kaluga. Dans le même temps, 25 autres enfants ukrainiens ont été placés dans 5 familles d'accueil. Le gouverneur de la région, Vladislav Shapsha, a été impliqué dans le processus de transfert. Maria Lvova-Belova a pris personnellement des enfants ukrainiens de la « République populaire de Donetsk » le 14 juillet 2022.
Le 16 septembre 2022, le plus grand groupe d'enfants - 125 - a été remis à des familles russes depuis le début de l'invasion. Ils ont été personnellement accompagnés par Maria Lvova-Belova à bord d'un avion du ministère russe de la Défense. Selon ce dernier, les enfants seront répartis en petits groupes et confiés à 13 régions russes. Le 22 septembre 2022, 24 enfants ukrainiens ont été emmenés à Nizhny Novgorod et placés dans des familles russes. La plupart des enfants étaient des adolescents. Comme les fois précédentes, les enfants ont été accompagnés personnellement par Maria Lvova-Belova.
Les faits mentionnés d'adoption illégale de 309 enfants ukrainiens par des citoyens russes présentent les caractéristiques du crime de génocide, à savoir le transfert forcé de mineurs d'un groupe à un autre. Bien qu'il existe des craintes justifiées que le nombre d'enfants ukrainiens adoptés de force soit beaucoup plus élevé, conformément à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, un seul cas de ces actions illégales suffit à qualifier le crime et à engager la responsabilité pénale individuelle de ses auteurs.
Il ne fait aucun doute qu'après la victoire, l'Ukraine se battra pour le retour des adultes déportés et des jeunes citoyens volés. Quelles sont les perspectives de ce processus ?
Le premier problème dans le cadre du retour des enfants déportés est celui de leur identification : la création d'une liste unique des déportés en collectant des informations auprès de quelque 150 registres des autorités locales. Il convient de garder à l'esprit que 20 % du territoire ukrainien est sous occupation temporaire par la Russie et que l'accès à ces informations est donc extrêmement difficile.
Il est intéressant de noter que les Russes ont également organisé une collecte de données sur tous les enfants déportés, très probablement dans le but de "légitimer" les actes illégaux. Si aucun parent n'est trouvé, une tutelle temporaire est organisée, qui se transformera éventuellement en adoption. Il est donc important que les parents et amis des enfants qui se sont trouvés dans les territoires occupés par la Russie contactent les autorités compétentes dès que possible et enregistrent la perte de contact et l'expulsion éventuelle de l'enfant.
Tout mécanisme de retour universel nécessiterait une communication entre l'Ukraine et la Russie sous la forme d'un accord juridiquement contraignant. Par conséquent, les organisations internationales spécialisées telles que l'UNICEF, la Croix-Rouge internationale et les pays tiers devraient déjà être impliqués dans ce processus. Ils doivent surveiller le respect des droits de l'enfant dans le processus de rapatriement et s'assurer que les enfants rapatriés sont placés dans des conditions appropriées et sûres sur le territoire de l'Ukraine. En particulier, l'UNICEF dispose des principes clés pertinents pour le rapatriement des enfants en relation avec le conflit armé et le CICR a exprimé sa volonté de faciliter les arrangements avec la Russie pour le retour des enfants enlevés.
Si la Russie refuse de restituer les enfants ukrainiens expulsés et poursuit sa politique d'adoption illégale, la communauté internationale doit réagir rapidement et de manière adéquate, car de tels actes s'apparentent à un génocide contre la nation ukrainienne. Cela signifie à la fois l'imposition immédiate de sanctions économiques et politiques supplémentaires et la poursuite de la mise en cause de la responsabilité internationale de la Russie en tant qu'État et de ses hauts responsables en tant que criminels internationaux. »
Un projet de loi contre la "propagande LGBT"
et ceux qui s'attaquent aux "valeurs traditionnelles"
Le chanteur Nikolay Baskov lors d'un concert de soutien à l’invasion russe en Ukraine.
Se moquant du droit international comme d'une guigne, directement et personnellement impliquée dans les déportations d’enfants, qu’elle souhaite désormais mener à un "rythme industriel", Maria Lvova-Belova est aussi en première ligne pour défendre les "valeurs traditionnelles" contre le "satanisme" occidental (sous-entendu, homosexualité et autres mœurs "décadentes").
Hier, lundi 17 octobre, elle s’exprimait à ce sujet devant une commission de la Douma. Elle a notamment demandé aux parlementaires de voter une loi qui permettrait de bloquer les réseaux sociaux qui diffuseraient « des attitudes négatives à l'égard des relations traditionnelles ». Ce combat "moral", a -t-elle ajouté, « est au moins aussi important que « l’opération spéciale » en Ukraine : « Il est important non seulement d'interdire la propagande LGBT, mais aussi d'interdire les informations qui critiqueraient, remettraient en question les valeurs traditionnelles elles-mêmes et conduiraient à la formation d'attitudes négatives à leur égard. »
Intervention de Maria Lvova-Belova lors des "auditions parlementaires" à la Douma d’État, le 17 octobre 2022 :
"il paraît important non seulement d'interdire la propagande et l'information sur les valeurs sociales non traditionnelles ,
mais aussi interdire l'information qui critiquerait ou mettrait en doute les valeurs traditionnelles ou l'attachement à ces valeurs,
ou qui mènerait à la formation d'une attitude négative envers ces valeurs."
Au début du mois de septembre, un tribunal de Moscou a d’ores et déjà infligé une amende de 3 millions de roubles au service vidéo TikTok, ainsi qu’à Telegram, pour avoir refusé de retirer des vidéos de propagande LGBT. Mais ça ne suffit pas, car il y a péril en la demeure ! La preuve : le nombre de plaintes contre la diffusion de contenus sur les « relations non traditionnelles ». En cause, principalement, un ouvrage de Zakhar Prilepin et Nikita Mikhalkov qui se vend comme des petits pains, et dont l'histoire tourne autour de la relation entre deux jeunes hommes, Yury et Volodya, qui se rencontrent dans un camp durant l'été 1986. « Ce n’est pas de la vraie littérature, ce livre n’a aucune valeur artistique », s’est insurgé devant la commission parlementaire l’écrivain ultra-nationaliste Yury Polyakov, qui a estimé « qu’un mécanisme spécial de promotion d'ouvrages aux idées russophobes est à blâmer. Il est nécessaire de mettre sur un pied d'égalité les "personnalités culturelles normales", qui se trouvent aujourd'hui dans un état d'oppression. »
Un régal, que ces « auditions parlementaires », hier à la Douma. Il s’agissait de débattre d’un projet de loi visant visant à renforcer l'interdiction de la propagande LGBT. Pour information, la première loi de ce type dans la Russie d’aujourd’hui a été adoptée en 2013 - à l'époque, elle concernait la propagande LGBT auprès des mineurs. Neuf ans plus tard, les députés ont décidé que cela ne suffisait pas et qu'il était temps de s'attaquer aux adultes : la propagande en faveur des valeurs LGBT et non traditionnelles doit être totalement interdite. La nouvelle loi pourrait techniquement interdire tout contenu mentionnant les personnes LGBT - des livres et films aux messages personnels sur les réseaux sociaux.
A gauche : Alexander Khinstein, chef du comité de la Douma sur la politique de l'information, les technologies de l'information et les communications. A droite : Anna Kuznetsova, commissaire présidentielle russe aux droits de l'enfant jusqu'en 2021.
Par ordre d’apparition, collier de perles :
Alexander Khinstein, chef du comité de la Douma sur la politique de l'information, les technologies de l'information et les communications, a immédiatement donné le ton en déclarant que la question des "valeurs traditionnelles" avait pris une nouvelle urgence et un nouveau sens avec le début de « l'opération spéciale » : « Une opération militaire spéciale se déroule non seulement sur le champ de bataille, mais aussi dans l'esprit, la tête et l'âme des gens. De toute évidence, notre confrontation avec l'Occident est en grande partie de nature civilisationnelle, car la Russie est aux avant-postes de la protection des valeurs traditionnelles contre les nouvelles pseudo-valeurs imposées par l'Occident, notamment la déviance sexuelle comme norme. » Preuve en est apportée par Margarita Pavlova, membre du Conseil de la Fédération de Russie, qui peut tranquillement affirmer que « la Disney Company s’est laissé convaincre qu'il y avait trop peu de propagande LGBT dans ses dessins animés » et serait en train d’y remédier. Cet implacable constat est corroboré par Maria Mamikonyan, présidente d’une « organisation de défense des familles » : « Il y a quelques années, en Amérique, le nombre moyen de tentatives de suicide était de 4,6 %, parmi les personnes LGBT, il était de 20 %, et parmi les personnes transgenres, de 41 %, ce qui signifie que presque une personne sur deux a tenté de se suicider", dit-elle. - Quand on essaie de nous dire que c'est parce que la société est intolérante - non, ce n'est pas parce qu'elle est intolérante, c'est parce que les programmes normaux de la nature humaine sont perturbés et que la personnalité est déformée. Et ça déclenche même toutes ces maladies mentales et ainsi de suite. » Dans la Russie de Poutine, l’homosexualité est sur le point de redevenir une maladie mentale…
La chanteuse de variétés Olga Kormukhina (elle a participé en mai dernier à un concert de soutien à l’armée russe et appelle les députés comme des "frères et sœurs") : « Venir à la Douma aujourd'hui n'est pas seulement une occasion pour moi d'exprimer mon opinion et celle du grand nombre de personnes que je représente, mais surtout, c'est une nécessité de témoigner de notre position devant Dieu. Car lui seul décide à qui et quand accorder la victoire. "Il n'y a pas de paix pour les méchants", dit le Seigneur. Et cela dépend de l'état moral de notre société. Les relations sexuelles traditionnelles et non traditionnelles ne peuvent être véritablement définies que par des critères moraux légitimes. Et qui est capable de définir ces critères ? Tout d'abord, ceux qui n'ont pas faibli face au mal mondial, que notre président a décrit comme du satanisme. Ceux qui sont prêts à se battre jusqu'à la mort pour les idéaux de nos ancêtres, basés sur les lois de Dieu, qui ne reconnaissent que l'union naturelle d'un homme et d'une femme dans le mariage, dans le but de procréer. Par "peuple", on entend "notre race", et non une foule de badauds applaudissant un clown arrogant [allusion au président ukrainien- NdR]. Toute personne qui se revendique ouvertement LGBT et ceux qui les soutiennent devraient être bannis de la vie culturelle. » Elle a proposé la création d'un organe de surveillance au sein de chaque communauté créative, un conseil chargé de faire respecter les normes morales et éthiques, lequel organe de surveillance devrait aussi s’intéresser aux familles sans enfant…
L'écrivain ultranationaliste Yury Polyakov, de son côté, s’en est pris « aux auteurs qui ont reçu des prix littéraires prestigieux » estimant « qu'un mécanisme spécial de promotion d'ouvrages aux idées russophobes est à blâmer. Il est donc nécessaire de mettre sur un pied d'égalité les "personnalités culturelles normales", qui se trouvent aujourd'hui dans un état d'oppression. »
A gauche : l'écrivain Yury Polyakov. A droite : la chanteuse Olga Kormukhina, lors d'un concert de soutien à l'armée russe.
Le géophysicien Sergei Mironov, du parti d’extrême-droite Russie Juste, membre de la Douma pour l’Oblast d'Arkhangelsk, s’est emporté contre l'article 13 de la Constitution russe qui « est censé nous protéger contre l'imposition d'une idéologie d'État. Je suis absolument convaincu que c'est une terrible erreur d'avoir un article constitutionnel qui dit qu'il ne peut y avoir d'idéologie étatique et obligatoire. Oui, il doit maintenant y avoir une idéologie d'Etat ! (…) Pour l'amour de Dieu, personne n'a le droit d'interdire la créativité. Mais la promotion des relations non conventionnelles doit être pénalement répréhensible ! »
Pour Konstantin Malofeev, chef adjoint du Conseil mondial du peuple russe, « une guerre est en cours, et le noyau de l'influence de l'ennemi est la sodomie. » En conséquence, il propose de remplacer dans le prochain projet de loi, l’expression « LGBT » par "homosexualité" ou "sodomie".
Un mot, "sodomie", repris à la volée par Zhanbulat Umarov, président de l'Académie des sciences de la République tchétchène : « si les Russes se comportent comme les Européens, il n'y aura personne avec qui comparer les Caucasiens ». Et il lance un vibrant appel « contre le satanisme - le cœur du satanisme est la sodomie -. Contre ce satanisme, nos frères et nos fils meurent aujourd'hui sur le sol ukrainien ! »
Le mot de la fin de cette sympathique séance d’audition parlementaire est revenu au président de la Douma d’État, Viatcheslav Volodine. « Les lois sur la protection contre la propagande LGBT auraient dû être adoptées bien plus tôt », a-t-il affirmé, annonçant que les propositions d'amendements au projet de loi contre la "propagande LGBT" seraient soumis au parlement dès la semaine prochaine, lorsque la loi sera examinée en première lecture.
Jean-Marc Adolphe
Photo en tête d’article : lors d'un rassemblement de soutien à l'Ukraine, à Rome, en Italie, le 27 mars 2022.
Encore et toujours bravo à Les Humanités de donner à voir l'abominable auquel nous sommes de nouveau confrontés et contre lequel TOUS devraient agir... a minima en soutenant l'Ukraine !