La principale organisation de défense des Droits de l’homme en Russie est dans le viseur du Kremlin. Le tribunal de Moscou statue aujourd’hui et jeudi 25 novembre sur sa dissolution.
Que Poutine ne soit pas un grand ami des Droits de l’homme, on savait déjà. Ce mardi 23 novembre, le tribunal de Moscou instruit une plainte du Parquet général de la Fédération de Russie, qui demande l’interdiction de l'organisation de défense des droits de l'homme la plus respectée du pays, Memorial International.
Memorial International se consacre principalement à la mémoire de ceux qui ont été persécutés dans les goulags de l'ancienne Union soviétique. Aujourd'hui, les procureurs s'apprêtent à liquider les archives et le centre des droits de l'homme de l'organisation. Les audiences ont été fixées aux 23 et 25 novembre.
Le Kremlin accuse à la fois Memorial international d’ « apologie de l’extrémisme et du terrorisme » , et surtout d’avoir enfreint la loi sur les « agents étrangers ». Adoptée en 2012, cette loi oblige toutes les organisations non gouvernementales qui reçoivent des fonds internationaux à s’enregistrer en tant qu’« agents étrangers ». De nombreuses ONG ont déjà été persécutées ou interdites au nom de cette loi draconienne. Vendredi dernier, le Bureau des droits de l’homme de l’ONU a dénoncé les poursuites contre Memorial Center et a invité les autorités russes à « abolir la loi sur les « agents étrangers » ou à la modifier afin qu’elle soit conforme aux obligations internationales du pays en matière de droits humains ».
Svetlana Alexievitch appelle à défendre Memorial International. Photo Maxim Malinovsky / AFP
Les activistes et les dissidents russes considèrent la menace qui pèse sur Memorial International comme un moment décisif pour les penseurs indépendants en Russie. « Aux yeux du pouvoir, Memorial est un témoin dangereux. Défendre Memorial aujourd'hui, c'est défendre chacun d'entre nous. Afin de ne pas essayer d'entendre, la nuit, des bruits de pas dans l'escaliers, comme le font les Biélorusses depuis un an », écrit l’écrivaine et prix Nobel Sveltana Alexievitch.
« Un témoin dangereux » : les attaques du Kremlin contre Memorial International alors que cette ONG a relayé et prolongé une enquête du journaliste Denis Korotkov sur les agissements du groupe Wagner, une armée privée de mercenaires travaillant pour le compte de la Russie. « On les retrouve dans plusieurs pays où ils sont employés pour, officiellement, gérer la sécurité », écrivait Amnesty International en septembre dernier. « Certaines de leurs exactions ont atteint un tel degré de violence que les plus hautes instances internationales s’en inquiètent. En particulier depuis que des journalistes ayant cherché à enquêter sur cette armée occulte ont été assassinés. »
Cette armée privée de 2 500 à 5 000 mercenaires, selon les sources, intervient depuis 2014 sur les zones de conflit où la Russie a des intérêts stratégiques. Avec les sécessionnistes du Donbass, en Ukraine. Avec les troupes de Bachar al-Assad, en Syrie. Depuis 2017, ils aident le président centrafricain Touadéra à combattre une rébellion et participent en Libye aux guerres du maréchal Haftar contre le gouvernement de Tripoli. Plusieurs ONG (dont Memorial) les accusent de commettre des tortures, des exécutions ou des viols, contre des civils, dans des zones de conflit.
Malgré les preuves des liens entre cette armée de mercenaires et le gouvernement russe fournies par Denis Korotkov, le Kremlin répond par un laconique « Wagner n’existe pas » (article complet à retrouver sur le site d’Amnesty International). Circulez, il n’y a rien à voir.
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VIDEO (en anglais)
Conférence de presse de Memorial Center, à Moscou, le 18 novembre 2021 (1 h 45’)
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