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Photojournalisme. En Amérique latine, les "jours sans fin" des femmes en prison.




"Días Eternos", que l'on pourrait traduire par "Des jours sans fin" : cette première grande série documentaire de la jeune photojournaliste vénézuélienne Ana María Arévalo Gosen, exposée au festival Visa pour l'Image, jette un regard saisissant sur la condition des femmes emprisonnées au Venezuela, au Salvador et au Guatemala.


Née à Caracas en 1988, Ana María Arévalo Gosen a quitté le Venezuela en 2009 pour Toulouse, où elle a étudié les sciences politiques et la photographie. Aujourd'hui installée à Bilbao, en Espagne, elle garde un lien fort avec l'Amérique latine, notamment au sein du collectif Ayün Fotógrafas, qui réunit des femmes photographes qui développent des projets sur les droits humains, l'identité et le territoire, "par le biais d'une narration basée sur des solutions favorisant le changement". Photographe-activiste, alliant la discipline de la recherche à l’intimité du détail, Ana María Arévalo Gosen se bat pour les droits des femmes, et son arme c’est le récit visuel.


«Rappelons que lorsqu’une femme est emprisonnée, ce n’est pas un individu qui souffre mais tout un réseau social. Au XXIe siècle, la chasse aux sorcières continue: les femmes exclues restent piégées.» (Lisset Coba, 2015)

« La situation angoissante des femmes dans les prisons d’Amérique latine est peu évoquée, cela a pourtant des répercussions sur toute la région. Le système carcéral est en crise dans presque toute l’Amérique latine, et l’emprisonnement d’une femme peut affecter toute une génération. Ce travail se concentre sur la condition des femmes emprisonnées au Venezuela, au Salvador et au Guatemala, qui se trouvent dans une situation de vulnérabilité et de stigmatisation à vie. La plupart des centres de détention ne disposent pas des infrastructures nécessaires pour séparer les détenus par sexe. Au Venezuela par exemple, il n’existe aucun centre de détention provisoire réservé aux femmes. Quant aux prisons pour femmes, comme celle d’Ilopango au Salvador, elles ont été construites sur le modèle des prisons pour hommes. Les délais de procédure ne permettent pas non plus la séparation par crime ou par âge. Pour les détenus transgenres, c’est une expérience impitoyable car leur identité de genre n’est pas respectée et ils doivent attendre leur procès avec des détenus masculins.

Loin d’être des lieux où les détenues sont aidées à préparer leur réinsertion dans la société, ce sont avant tout des lieux de souffrance. Les femmes y vivent un enfer : cellules surpeuplées, privations, détentions provisoires qui s’éternisent, droits fondamentaux bafoués. De plus, les femmes reçoivent moins de visiteurs alors qu’elles dépendent de l’aide extérieure pour survivre à cette expérience. Le soutien psychologique des proches est essentiel, mais surtout leur aide matérielle compense l’incapacité de l’État à fournir nourriture, vêtements et médicaments aux détenues. Cependant, l’aspect le plus difficile de la vie des femmes en prison est lié à la maternité. Dans ces trois pays, il n’existe souvent qu’un seul secteur réservé aux femmes avec leurs enfants pour l’ensemble de la population carcérale. Si les mères trouvent un grand réconfort à avoir leurs enfants avec elles, elles se sentent coupables en même temps de leur faire vivre ça. Et elles savent de toute façon que la séparation arrivera inéluctablement, ne pouvant les garder que jusqu’à l’âge de 3 ans au Venezuela, 4 ans au Guatemala, et 6 ans au Salvador. Malgré tout, les femmes tissent entre elles des liens extraordinaires d’amitié et de solidarité et font preuve de résilience. Elles partagent tout : nourriture, lits, vêtements et histoires personnelles. Leur corps devient un symbole de résistance, de rébellion contre le système. Elles se tatouent, se maquillent et se coiffent parce que c’est la seule chose qu’on ne peut pas leur enlever. Les détenues quittent la prison traumatisées et stigmatisées. Privées d’espoir, d’emploi et d’un réseau de soutien à l’extérieur, les femmes sont susceptibles de réintégrer la vie de gang ou de commettre des crimes à leur sortie de prison. »

Ana María Arévalo Gosen (texte issu du dossier de presse de Visa pour l'Image)


Photo en tête d'article : Des femmes condamnées pour des crimes liés au gang Barrio 18. Prison pour femmes d’Ilopango, à l’est de San Salvador, Salvador, mars 2021. Photo Ana María Arévalo Gosen Lauréate du Prix Camille Lepage 2021.


Ana María Arévalo Gosen est née en 1988 à Caracas, au Venezuela. En 2009, elle s’installe en France à Toulouse et découvre sa passion pour la photographie. En 2014, elle s’installe à Hambourg en Allemagne et commence à travailler en tant qu’artiste visuelle indépendante. Elle utilise la narration visuelle pour défendre les droits des femmes et les questions sociales et environnementales.

En mêlant des recherches rigoureuses à des histoires intimes, elle vise à créer un impact positif par une narration émotionnelle, directe et honnête.

Sa série sur les conditions de vie des femmes en prison et en détention provisoire en Amérique latine, «Días Eternos», a remporté la bourse LHSA, le prix Lumix Photo et le prix Lucas Dolega en 2020, ainsi que le prix Camille Lepage et le prix Leica Oskar Barnack en 2021.

En 2019, elle a remporté le prix POY Latam, obtenant la première place dans la catégorie «La force des femmes». En 2021 et 2018, elle a reçu une subvention du Pulitzer Center on Crisis Reporting, et en 2018 de Women Photograph pour poursuivre ce travail.

Ana María Arévalo Gosen travaille pour des médias internationaux tels que le New York Times, National Geographic et El País Semanal. Son travail a été exposé à Fotografiska New York, au Ernst Leitz Museum, à Photoville New York, au Festival photo d’Helsinki, au Festival Manifesto de Toulouse, au Festival Lumix de Berlin et à la Galerie Leica de Madrid et de Londres.

Elle vit actuellement à Bilbao en Espagne et développe fréquemment des projets en Amérique latine.




Au centre de détention de La Yaguara, les femmes passent leurs journées dans l’inactivité la plus totale.

Caracas, Venezuela, mars 2018. Photo Ana María Arévalo Gosen

Le centre de détention préventive de Huehuetenango abrite sept femmes, dont quatre sont issues de communautés autochtones.

Estela (24 ans), a été condamnée à 25 ans pour meurtre. Guatemala, mars 2022. Photo Ana María Arévalo Gosen



VIDEO

Interview avec Ana María Arévalo Gosen (en anglais) pour le prix LOBA (Leica Oskar Barnack Awards) en 2021

Le collectif Ayün Fotógrafas : https://www.ayunfotografas.com/


Visa pour l'Image, à Perpignan, jusqu'au 11 septembre. www.visapourlimage.com

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