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Photo du rédacteurJean-Marc Adolphe

Partout, c'est la faute aux migrants (journal de bords, 27/05/2023)


En ce 27 mai, les communards fusillés devant le mur des Fédérés doivent se retourner dans leur fosse commune, tout comme, dans leurs tombes, les fondateurs du Conseil National de la Résistance. Les "Versaillais" macronistes d'aujourd'hui, parfois alliés (ou en passe de l'être) avec les néo-nazis (comme en Finlande) continuent leur traque. Ils ont trouvé de nouveaux boucs-émissaires : syriens (en Turquie), comoriens (à Mayotte), Samis-non aryens (en Suède et en Finlande) : autant de "barbares" qui sont responsables de tous les maux de la planète, réduits à de multiples prismes nationalistes. Ainsi prospère le populisme extrême-droitier, qui gagne chaque jour en influence avec la complicité de ceux qui prétendent le combattre.


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EPHEMERIDES


Toujours il y a des fins et des débuts


Il y a 152 ans, le 27 mai 1871, la Commune de Paris vivait ses derniers feux. Pour mater le soulèvement qui a commencé le 18 mars, les Versaillais ont envoyé 120 à 130.000 soldats, quand la Garde nationale des communards ne peut guère compter que sur 20 000 combattants actifs. Si la dernière barricade des communards tombera le dimanche 28 mai, à Belleville (cet ultime combat est commémoré par une plaque rue de la Fontaine-au-Roi dans le 11e arrondissement de Paris), le samedi 27 mai reste gravé dans les mémoires : ce jour-là, 147 communards sont fusillés au mur des Fédérés, dans l’enceinte du cimetière du Père-Lachaise. Ainsi s’achève la "semaine sanglante" qui a fait, selon les évaluations les plus récentes (l’historien Jacques Rougerie, en 2021), quelque 10.000 morts). (1)


PICHIO dit PICQ Ernest, "Le Triomphe de l’Ordre", dit aussi "Le Mur des Fédérés" (1877), musée d’Art et d’Histoire Paul-Éluard (Saint-Denis). D’obédience communarde, Pichio a peint dans Le Triomphe de l’ordre – la lithographie connue est tirée du tableau disparu – une vision lyrique des exécutions massives et sommaires des fédérés au Père-Lachaise. Sous un ciel apocalyptique, il montre les communards adossés à une muraille surplombant une fosse profonde. Les visages des condamnés expriment le même effroi que les traits tétanisés des agonisants et des morts qui jonchent le fond et le pourtour de la fosse. Fauchés par une batterie de canons représentée à droite,

les corps convulsifs des hommes, des femmes, des enfants et des vieillards disent la terreur de la répression

qu’incarnent les deux soldats versaillais surveillant froidement les exécutions.

Mourir. Sous ce mot, Bernard Noël, dans son Dictionnaire de la Commune (éditions Hazan, 1971, réédition Mémoire du Livre, 2000), a simplement déposé cette phrase de Casimir Bouis, qui écrivait dans Le Cri du peuple : « On ne meurt que quand il n’y a plus d’espoir, et quand la vie devient inutile au triomphe d’une cause. »


Mourir, et renaître. Le 27 mai 1943, 72 ans jour pour jour après la fin de la Commune de Paris, se tient à Paris dans l'appartement de René Corbin, haut fonctionnaire de l'administration des Finances et proche de Jean Moulin, au premier étage du 48 rue du Four, la première réunion clandestine du Conseil national de la Résistance (CNR). Outre Jean Moulin et ses deux collaborateurs, Pierre Meunier et Robert Chambeiron, participent à cette réunion constitutive : les représentants des huit grands mouvements de résistance : Pierre Villon du Front national de la résistance créé par le Parti communiste français, Roger Coquoin pour Ceux de la Libération, Jacques Lecompte-Boinet pour Ceux de la Résistance, Charles Laurent pour Libération-Nord, Pascal Copeau pour Libération-Sud, Jacques-Henri Simon pour Organisation civile et militaire, Ginette Cros pour le Front patriotique de la Jeunesse, Claude Bourdet pour Combat, Eugène Claudius-Petit pour Franc-Tireur ; les représentants des deux grands syndicats d'avant-guerre : Louis Saillant pour la CGT, Gaston Tessier pour la CFTC ; et les représentants des six principaux partis politiques de la Troisième République : André Mercier pour le PCF, André Le Troquer pour la SFIO, Marc Rucart pour le Parti Radical, Georges Bidault pour le Parti démocrate populaire (démocratie chrétienne), Joseph Laniel pour l’Alliance démocratique (droite modérée et laïque), Jacques Debû-Bridel pour la Fédération républicaine (droite conservatrice et catholique).

Plaque 48 rue du Four (6e arrondissement de Paris) commémorant la première réunion clandestine

du Conseil National de la Résistance, le 27 mai 1943.


Haro sur les migrants


Mayotte, on en a déjà parlé (ICI), et ce n’est pas fini, voir nos "prolongations" à la fin de cette chronique.

Renvoi des immigrés illégaux, destruction des bidonvilles et baisse de la délinquance (selon la version officielle) : l’opération "Wuambushu" s’y poursuit sans relâche, ni humanité.

Jusqu’à présent, les médias ont indiqué que "Wuambushu" signifierait "reprise" en mahorais. Les linguistes, pour leur part, insistent sur les notions d’initiations, de risques et d’aventures qui sont liées à ce mot. Des risques bien réels : depuis 1995 où est entré en vigueur le "visa Balladur" qui contraint à la clandestinité les Comoriens désirant venir à Mayotte (qui devrait faire partie de leur propre territoire s’il n’était colonialement occupé par la France), environ 20 000 passagers auraient trouvé la mort dans le bras de mer entre Anjouan et Mayotte, engloutis par les caprices de la haute mer. C’est cela qui faisait autant rire Emmanuel Macron en juin 2017 (vidéo publiée dans notre journal de bords du 25 mai).

Il n’est pas inutile de savoir que, selon certains, l’expression "Wuambushu" en swahili, la langue racine du mahorais, se traduit carrément par « Tuez-les »…


En France métropolitaine, les mots aussi ont un sens. En parlant l’autre jour de "décivilisation" (lire ICI), Emmanuel Macron n’a pas emprunté au hasard un vocable qu’affectionne l’extrême droite identitaire. Comme l’écrit Edwy Plenel sur Mediapart (lire ci-dessous, dans nos "prolongations"), « ce mot embarque dans son sillage l’ancienne vision coloniale de populations foncièrement barbares, opposées à celles dont l’origine garantirait le degré de civilisation. »


Par chance, oserait-on dire, ni le "déséquilibré" qui a poignardé l’infirmière rémoise, ni le conducteur qui a percuté et envoyé à la mort les trois jeunes policiers nordistes, n’étaient afghan ou syrien, d’origine maghrébine ou africaine. Mais même sans cela, il suffit de traîner ses oreilles dans certains cafés de la "France profonde" pour avoir idée de ce à quoi ce mot de "décivilisation" fait largement écho.


Quel que soit le drame (et l'identité de ses auteurs), sans parler du chômage et de la "crise" (pour dire vite), c’est la faute des étrangers. Diviser pour mieux régner a toujours été une stratégie visant à semer la discorde et à opposer les éléments d'un tout pour les affaiblir et à user de son pouvoir pour les influencer (Wikipedia), particulièrement dans des périodes de tension et d’inquiétude (sociale, économique, écologique), et particulièrement lorsqu’un pouvoir se sent aux abois.


Il n’est peut-être pas inutile, dans ce contexte, de réécouter un fameux sketch de Fernand Raynaud écrit en 1971-1972, à une époque, celle de la fin des trente Glorieuses, qui vit la question du racisme devenir, en France, un sujet de société important.


Sans doute manque-t-il aujourd’hui un Fernand Raynaud pour remettre quelques pendules à l’heure.

Sur certains plateaux de télévisions friands de comiques de bazar et autres histrions, il est peu probable qu’y soit invité François Héran. Professeur au Collège de France à la chaire Migrations et sociétés, il rappelait, dans une tribune publiée par Le Monde en novembre 2022, combien « le débat public sur l’immigration en France est en décalage complet par rapport aux réalités de base ».

Auteur d’un récent ouvrage, Immigration : le grand déni, co-édité par les éditions du Seuil et la République des idées (voir ICI), François Héran a été tout récemment interviewé par Jean Petaux pour la librairie Mollat à Bordeaux. Un entretien d’une cinquantaine de minutes, qu’il faut prendre le temps d’écouter, sereinement.


Il n’y a pas qu’en France qu’immigration soit désormais synonyme d’urticaire.


En Turquie, Kemal Kiliçdaroglu, arrivé en seconde position au premier tour de l’élection présidentielle contre Recep Tayyip Erdogan, surfe sur la pire xénophobie, comme l’indique par exemple le journal Le Devoir, pour tenter de "renverser la table". Lors d’une récente conférence de presse conjointe avec le politicien d’extrême droite Ümit Özdag, du parti anti-immigration dit "de la Victoire", Kemal Kiliçdaroglu a promis d’expulser les réfugiés syriens vivant en Turquie, et ce, « dans la prochaine année ». Il a encore dénoncé la présence de « plus de 10 millions de migrants » (les autorités parlent de 3,3 millions de Syriens en Turquie, sous le statut de protection temporaire, auxquels s’ajoutent 220.000 personnes d’origine syrienne, ayant été naturalisées) qu’il a qualifiés de « potentielles machines à crime ».


Riika Purra. Photo Reuters


En Finlande, la Marine Le Pen locale s’appelle Riikka Purra. Elle préside le parti des Vrais Finlandaise (version finnoise des « français de souche »). Elle aussi est convaincue que le « grand remplacement » appelle la « décivilisation » des valeurs vikings. Les Samis, peuple autochtone et premier peuple indigène d’Europe, dont l’origine remonte à plus de 4.000 ans, n’auront pas voix au chapitre : ils ont comme défaut originel de ne pas faire partie de la "race aryenne").

Avec 20,1% des voix, le parti des Vrais finlandais est arrivé en seconde position aux dernières élections législatives. Ce parti d’extrême-droite, formé sur les cendres du Parti rural de Finlande, a commencé à prospérer en surfant sur le mécontentement des ruraux à l'égard de l'élite urbaine. Ensuite dirigé par un certain Jussi Halla-aho qui décrivait l'islam comme « une religion de pédophiles », les Vrais finlandais se sont radicalisés en faisant de l'immigration leur principal et presque unique cheval de bataille. Aujourd'hui à la tête du parti, Riikka Purra était la plus proche collaboratrice de Jussi Halla-aho. Elle a récemment affiché sa proximité avec Jimmie Akesson, patron de l'extrême droite suédoise, ouvertement néo-nazie (l’un de ses dirigeants affirmait encore en 2014 que « les Samis et les juifs « ne sont pas suédois »)…

Ces deux partis anti-immigrés et fascistes sont, en Finlande comme en Suède, en train de former des coalititions avec la droite dite "libérale". Un laboratoire de ce qui pourrait arriver en France ?


Jean-Marc Adolphe

En tête d'article : Ivan K. / The Crew, Migrants (détail), fresque murale, Paris, 2018


(Prochains articles à venir : "En Amérique latine, des Afghans dans la jungle du Darien", et "Migrations, comment sortir de la nasse")


NOTES

(1). À la fin de la « Semaine sanglante », le samedi 27 mai 1871, les troupes versaillaises parviennent à investir le cimetière du Père-Lachaise où des fédérés s’étaient repliés tandis que les quartiers du Trône, de Charonne et de Belleville étaient assaillis. Durant plusieurs heures, les communards résistent au point que les combats se seraient parfois terminés au corps à corps et à l’arme blanche, entre les tombes, non loin des sépultures de Nodier, Balzac et Souvestre. Cent quarante-sept communards faits prisonniers sont fusillés contre le mur est de l’enceinte du cimetière. Dans les heures et les jours qui suivent, les corps de milliers d’autres fédérés tombés lors des combats de rue dans les quartiers environnants sont ensevelis à leurs côtés, dans une fosse commune. En leur mémoire, une section de cette muraille est appelée dès la fin des années 1870 le « mur des Fédérés ».


PROLONGATIONS


Sur l’île de Mayotte. © laviedesidees.fr


Retour sur Mayotte

Suite à notre journal de bords du 25 mai, un reportage de France Télévisions évoque « la colère des familles relogées ». Le préfet de Mayotte s’était engagé à "proposer aux Français qui habitent dans ces conditions-là et aux étrangers en situation régulière qui ont le droit de séjourner sur le territoire d'avoir un hébergement adapté". Dans les faits, alors que de nouvelles opérations de démolitions devraient débuter dans les prochaines semaines, seule la moitié des familles expulsées, soit 46, a été "relogée". Et encore, dans quelles conditions… Le reportage cite un habitant relogé dans une seule pièce sans meubles, ni équipements, qui lâche, dans un cri de détresse : "Ça c'est vide ! Et moi et madame et les enfants, on dort où ?".


Le "département des exceptions légales". De toutes façons, l’île de Mayotte, occupée par la France au mépris des résolutions de l’assemblée générale des Nations Unies, est une zone de multiples non-droits. C’est même le "département des exceptions légales", comme l’écrivent Romain Geoffroy, Pierre Breteau et Manon Romain qui dressent dans Le Monde du 22 mai 2023 une liste impressionnante de dispositions qui s’affranchissent allègrement du droit français et européen.

Des "spécificités" que la Ligue des droits de l’homme voit comme « une somme de dérogations, d’exceptions à la norme, qui entraînent des privations graves de leurs droits fondamentaux » pour les habitants de l’île.

Ainsi, « la plupart des titres de séjour délivrés sur l’île autorisent uniquement la présence à Mayotte, contrairement à ceux délivrés en métropole, valables sur tout le territoire français. Les étrangers ayant obtenu ce titre de séjour doivent ainsi obtenir un visa pour voyager dans un autre département. » Parmi d’autres petits arrangements avec la loi : la circulation des mineurs étrangers. En France, la loi prévoit qu’un document de circulation pour étranger mineur soit délivré aux enfants « dont au moins l’un des parents est titulaire d’une carte de séjour temporaire, d’une carte de séjour pluriannuelle ou d’une carte de résident ». Cette carte, valable cinq ans, permet aux mineurs n’ayant pas la nationalité française de franchir les frontières du pays. Mais la loi immigration de 2018 a introduit une condition supplémentaire pour Mayotte : le document n’y est délivré qu’aux enfants nés sur le territoire mahorais ou entrés légalement avant leurs 13 ans. Les enfants ne répondant pas à ces critères ne peuvent donc pas quitter l’île, même si leurs parents en ont l’autorisation (la France a déjà été condamnée en juin 2020 par la Cour européenne des droits de l’homme pour avoir expulsé deux enfants – de 3 et 5 ans nés à Mayotte – en les ayant rattachés arbitrairement à un adulte tiers pour les renvoyer vers les Comores.).


Aucune allocation pour les demandeurs d’asile, ni d’aide au retour… Selon Médecins du monde, « certaines franges de la population sont soumises à une forme de harcèlement policier visant à faire tourner à plein régime une machine à expulser au mépris des droits fondamentaux des personnes ». L’article du Monde (en PDF ci-dessous) cite encore François Héran, professeur au Collège de France : « On ne pourra pas justifier éternellement le paradoxe consistant à placer Mayotte en dehors de la légalité républicaine pour mieux affirmer son appartenance à la République »... Sauf à considérer qu’Emmanuel Macron et Gérald Darmanin ont, de la République, une conception qui ressemble davantage à une monarchie autoritaire.


Toujours dans Le Monde du 26 mai, un remarquable reportage de Noé Hochet-Bodin (photos Fredryk Lerneryd), réalisé à Mutsamudu, aux Comores, fait écho à la colère des rapatriés de Mayotte. « Depuis le 22 mai, environ 200 personnes ont été expulsées par la France. Des retours volontaires, selon les autorités de l’archipel, mais que des refoulés interrogés par Le Monde décrivent comme forcés. (…) Le gouvernement comorien a d’abord tenté d’engager un bras de fer avec la France, refusant d’accueillir les personnes expulsées et fermant ses ports aux navires en provenance de l’île voisine pendant trois semaines. Mais il a fini par céder sous la pression de Paris. Depuis le 17 mai, les Comores reçoivent officiellement des candidats au "départ volontaire" de Mayotte, un territoire dont elles revendiquent pourtant la souveraineté. A Mutsamudu, personne n’est dupe. Les étrangers en situation irrégulière rejetés par la France n’ont pas fait le choix de rentrer aux Comores. (…)

Depuis 1995, les Comoriens doivent obtenir un "visa Balladur" pour se rendre à Mayotte, alors qu’ils en étaient exemptés auparavant. La libre circulation permettait des échanges fréquents entre ces îles sœurs sur lesquelles se répartissent souvent les membres d’une même famille. "Aujourd’hui avec le visa Balladur, la clandestinité devient notre unique option", dit Mohamed Abdou Nassim, maire de Moya et porte-parole des maires d’Anjouan." (photo ci-contre, Fredryk Lerneryd pour Le Monde)


A lire enfin, sur laviedesidees.fr, un entretien avec Cyrille Hanappe, architecte, maître de conférence à l’ENSA Paris Belleville, qui travaille depuis de nombreuses années à Mayotte sur la résorption de l’habitat insalubre. « Invités par la mairie de Mamoudzou », indique-t-il, « nous sommes engagés à Mayotte depuis 2018 pour mettre en œuvre des politiques d’amélioration des quartiers spontanés inspirées de ce qui se fait en Amérique latine. Jusque dans les années 2000, de telles actions avaient été mises en place avec succès dans les départements d’outre-mer, y compris à Mayotte, mais tout le monde semble les avoir oubliées. (…) Les politiques dominantes à Mayotte, telles que menées par la préfecture en accord avec certaines villes, consistent à agir par la destruction et la "table rase" en vue d’une hypothétique reconstruction qui peine à prendre forme et qui ne s’adresse généralement pas aux habitants du quartier – mode d’action abandonné dans tous les pays en développement depuis des décennies.

Nous proposons au contraire de transformer les quartiers "par le bas", en les sécurisant, en y apportant les réseaux d’eau et d’électricité, en mettant en place des cheminements sécurisés qui stabilisent les pentes et permettent à de petits véhicules de secours ou d’entretien de circuler. À terme, l’objectif est de proposer une stabilisation foncière qui permette aux habitants de mieux investir leurs logements, pour améliorer la qualité architecturale et urbaine de ces quartiers…. »

(Entretien intégral à lire dans le document ci-dessous en PDF)


"Décivilisation" (suite)

Dans la continuité de notre journal de bords du 26 mai, on ne saurait que trop recommander la lecture du dernier éditorial d’Edwy Plenel sur Mediapart : « Dans le contexte politique et médiatique français, où l’extrême droite a réussi à promouvoir ses obsessions identitaires, ce concept [de « décivilisation »] n’est aucunement innocent : loin d’un simple appel au civisme ou à la civilité, le président s’alarme ainsi d’une déchéance civilisationnelle qui menacerait la France dans son être. Or c’est précisément le refrain idéologique des droites extrêmes que, d’ailleurs, mit en scène, en septembre 2022, la rentrée politique de Reconquête, le parti fondé par Éric Zemmour. « La question civilisationnelle est l’enjeu de ces prochaines années », martela l’ancien candidat à la présidentielle, relayé par le vice-président de sa formation, Nicolas Bay : « L’enjeu fondamental que nous portons est la préservation de notre civilisation. »

Cet imaginaire de déclin, de chute et de perte, alimentant une peur panique du monde et des autres, de la diversité et de la pluralité, caractérise, depuis qu’elles existent, les droites extrêmes dans leur combat contre la proclamation de l’égalité des droits et dans leur volonté de hiérarchiser les humanités, selon l’origine, l’apparence, la croyance, le sexe ou le genre. (…) Que le choix lexical ait été le résultat d’un calcul ou d’une improvisation, le résultat, désastreux, est là : cette diversion des exigences sociales, des nécessités démocratiques et des urgences écologiques, que signifie l’énième chasse au bouc-émissaire migrant, se retrouve désormais associée à une lutte contre la « décivilisation ». Et ce mot embarque dans son sillage l’ancienne vision coloniale de populations foncièrement barbares, opposées à celles dont l’origine garantirait le degré de civilisation. »

Edwy Plenel conclut en faisait référence à l’usage par Norbert Elias de ce même mot de "décivilisation" : dans son dernier ouvrage, « tardivement traduit en français en 2017, Les Allemands revient sur l’origine de la catastrophe dont l’avènement a paru démentir le long processus décrit dans l’œuvre de 1939. Or, ici, ce concept n’a rien à voir avec les insécurités du quotidien amalgamées par Emmanuel Macron, mais tout à voir avec les idéologies fascistes de l’inégalité et de la hiérarchie des humanités. Les Allemands interroge douloureusement – juif, Norbert Elias perdit notamment sa mère dans le génocide – le processus de barbarie dans une civilisation qu’enfantent des politiques de discrimination étatiques et des idéologies racistes d’exclusion.

Au plus près des défis posés aujourd’hui à notre démocratie par la banalisation des idées xénophobes, racistes et autoritaires, cette référence à Norbert Elias est donc un contresens qui se retourne contre Emmanuel Macron en soulignant, par contraste, sa faible vigilance, et c’est peu dire, face à l’extrême droite, alors qu’il a été élu, à deux reprises, pour lui faire barrage. »


(Texte intégral dans le document ci-dessous en PDF)

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L'immigration, l'objet de toutes les polémiques utilisé par les partis extrêmes qui se développent gentiment mais sûrement en Europe. A ceux mentionné dans la chronique, il faut ajouter la Présidente Italienne, les élections récentes en Espagne, le pourcentage élevé en Autriche où la première accession au pouvoir avait provoqué un tollé...du temps où l'on réfléchissait! "Le Grand Changement" ne serra pas l'arrivée des migrants mais la montée des extrêmes et leur relent nationaliste. Cette migration dont on serait envahi représente un pourcentage bien inférieur à celui des partis des extrêmes et fut un des jeux du diable du kremlin en faisant arriver des avions complets en biélorussie afin de déstabiliser la Pologne et le reste de l'Europe. Alors, oui, "Les…

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