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Monique Blin, Milena Salvini, deux grandes ferventes s’en vont

Dernière mise à jour : 27 janv. 2022



L’une a défendu avec ferveur la francophonie théâtrale ; l’autre a été une ambassadrice exceptionnelle des danses de l’Inde.


Monique Blin, légendaire directrice artistique du Festival des théâtres francophones à Limoges, est décédée lundi 24 janvier à Paris, à l'âge de 88 ans, à la suite d’une longue maladie. Sur le site de RFI, Siegfried Forster lui rend hommage :

« Le théâtre francophone et notamment africain lui doit beaucoup. Beaucoup d’auteurs, metteurs en scène et troupes de théâtre aujourd’hui célèbres sont « nés » grâce à elle : du Congolais Sony Labou Tansi au Libanais Wajdi Mouawad en passant par le Canadien Robert Lepage. Elle a porté très haut les couleurs de la francophonie. En 1984, Monique Blin avait décidé de transformer Limoges, cette ville provinciale enclavée dans le centre sud-ouest de la France, sans autoroute, ni TGV, en un carrefour international des nouvelles idées des arts de la scène, « que l’on soit de Montréal ou de Brazzaville, de Bruxelles ou de Tunis, de Beyrouth ou de Hanoï ». Cofondé par elle, et dirigé par elle, après le départ de Pierre Debauche en 1997, jusqu’à 2000, le Festival des Francophonies, à la fois intimiste et ouvert vers le monde, est devenu célèbre sur tous les continents.

Dans cette ville, connue dans les années 1980 surtout pour la crise profonde de ses manufactures de porcelaine, cette femme visionnaire a su créer un mélange unique d’artistes, d’auteurs et d’émotions viscéralement liés à ces rencontres loin de Paris et destinés à écrire l’histoire francophone de l’art dramatique avec un respect absolu envers toutes les francophonies. (…)

Avant son aventure dans le Limousin, Monique Blin avait mis sa curiosité et son dévouement au service des arts vivants en tant que secrétaire générale de la compagnie du metteur en scène franco-belge Pierre Debauche. À la fin des années 1960, elle avait aussi participé avec lui à la création du Festival Nanterre-Amandiers. Mais, le projet de sa vie sera le Festival des Francophonies où elle a permis à de nombreux artistes à percer sur la scène internationale. L’exemple le plus mémorable reste certainement qu’elle a fait découvrir en France l’œuvre magistrale du Congolais Sony Labou Tansi. Et l’auteur devenu légendaire en était bien conscient donnant son titre de noblesse à ce rendez-vous de Limoges rebaptisé « Le Festival des fraternités nouvelles ». « Sony Labou Tansi a fait sa réputation comme homme de théâtre à travers Limoges. C’était un homme extraordinaire qui écrivait d’une façon prémonitoire sur tout », a-t-elle expliqué.

Le Canadien Robert Lepage a présenté son premier spectacle, Vinci, ici en 1986. Et le Congolais Dieudonné Niangouna, premier artiste associé africain du Festival d’Avignon, s’est également largement construit à Limoges. Sans oublier le Chinois Gao Xing Yiang, invité en résidence d'écriture à Limoges, bien avant de devenir prix Nobel, ou le Libanais Wajdi Mouawad, actuel directeur du Théâtre de la Colline à Paris, qui a souvent déclaré être « » à Limoges. Elle l’avait rencontrée en 1991 au Québec. Il avait 23 ans. Son invitation de venir à Limoges a été accompagnée d’un seul mot d’ordre : « Écris ! »

Même après sa mort, l’héritage de cette éveilleuse de vocations continuera, comme la Maison des auteurs, créée par Monique Blin en 1988 pour soutenir les auteurs et les autrices, à une époque où « aucun autre lieu n’existait en France pour accueillir ces créateurs ». (…)

Ce 26 janvier, le Festival des Francophonies - des écritures à la scène a publié une lettre admirative, amicale et chaleureuse pour dire « Merci ! » à Monique Blin au nom de « nous, femmes, hommes, enfants, adolescents, adultes, à qui tu as offert le monde sur un plateau de théâtre se déployant à l’infini ; nous, tous et toutes, pour qui ces leçons d’humanité ont changé profondément le cours de notre vie. »

Dans un post très émouvant, Véronique Saavedra, la fille de Monique Blin, lui a rendu un dernier hommage : « Ma mère, Monique Blin, s’en est allée cette nuit vers d’autres rivages, d’autres découvertes… Merci de vous souvenir d’elle, de penser à elle…  »



Milena Salvini, l’âme du Centre Mandapa

Dans le même temps, on apprenait le décès de Milena Salvini, danseuse française d'origine italienne, interprète et professeure de danse classique de l'Inde. Connue pour sa promotion des arts indiens et en particulier ses actions de promotion du théâtre dansé indien et du kathakali, elle avait reçu en 2019 la quatrième plus haute distinction civile de l'Inde, la Padma Shri. Mais la Ville de Paris, où elle avait créé en 1975 avec son mari, l’architecte Roger Filipuzzi, le centre Mandapa (petit par la taille, grand par la qualité des spectacles présentés), ne lui a jamais offert la moindre reconnaissance, à part une symbolique médaille, en 2013 (Lire l’article de Nicolas Villodre sur Danser Canl historique).

Milena Salvini avait commencé à étudier la danse moderne auprès de Karin Waehner. Grâce au Théâtre des Nations, à Paris, elle découvre la danse classique de l’Inde. En 1962, elle obtient une bourse de deux ans pour découvrir ces danses en Inde. Elle opte finalement pour le kathakali, et se forme au centre d’apprentissage faisant référence, le Kerala Kalamandalam. Elle est la première Française admise au sein de cette école et étudie auprès de Padmanabhan Nair. À son retour en France, elle organise une tournée de la troupe Kathakali du Kalamandalam sous les auspices de l’Unesco.

En 1985, elle organise, avec son mari, au Théâtre de l’Odéon Les 24 Heures du raga, avec des artistes venus de l’Inde du Nord, dont les Frères Dâgar, interprètes de chant dhrupad, et le joueur de bansurî Hariprasad Chaurasia. En 1999, une autre tournée de Kutiyattam qu'elle organise conduit l'Unesco à encourager une candidature pour inscrire cet art à la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité, alors en cours de mise en place. Le kutiyattam est officiellement inscrit à cette liste en mai 2001. En 2000, pour le passage au nouveau millénaire, Milena Salvini réédite l’idée du Théâtre de l’Odéon, mais cette fois au Théâtre du Soleil, avec l’appui d'Ariane Mnouchkine. Puis en 2011, à nouveau avec la complicité d'Ariane Mnouchkine, elle propose une Nuit carnatique, avec vingt-huit heures de musique indienne, et 22 musiciens, au Théâtre de l'Aquarium. (source : Wikipedia)

Ses deux filles, Maria Kiran et Isabelle Anna, ont repris le flambeau de la danse indienne. « Ma merveilleuse maman, Milena Salvini, s'est éteinte ce soir... Quelle combattante, quelle vie exemplaire ! », écrit sobrement Isabelle Anna sur sa page Facebook.

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