Un créateur de vêtements upcyclés pose lors du festival Obroni wawu à Accra, au Ghana, le 27 octobre 2024. Photo Misper Apawu
LE TOUR DU JOUR EN 80 MONDES Kantamanto, dans la capitale ghanéenne, Accra, est le plus grand marché de vêtements d’occasion d’Afrique. Autrement dit : un dépotoir pour les déchets de la fast fashion. Face à ce fléau, une ONG, The OR Foundation, tente de "donner la priorité à un système plus équitable pour les personnes et les écosystèmes". Par exemple, avec un festival de mode où les jeunes stylistes sont invités à composer avec les rebuts... Photoreportage.
L'Afrique, dépotoir de la fast fashion. Là que les articles bon marché de Shein et consorts terminent leur brève existence, jetés et brûlés dans d’immenses décharges à ciel ouvert, le long des rivières ou de la mer, avec de graves conséquences pour la population locale et l’environnement. Lorsqu’on donne nos vêtements usagés à une organisation caritative, qu’on les dépose dans la boîte à recyclage d’un magasin de marque ou dans un conteneur, on peut supposer qu’ils seront vendus pour une bonne cause dans une friperie caritative ou qu’ils seront recyclés en nouveaux vêtements. En réalité, seule une petite quantité est effectivement revendue dans le pays où les vêtements ont été collectés.
En France, par exemple, plus de la moitié des textiles collectés par Le Relais (1.800 tonnes par semaine) partent "à l'export" (voir ICI), principalement en Afrique de l’Est et de l’Ouest et en Europe de l’Est. « Les pays du Nord ont trouvé un moyen détourné de se débarrasser du problème des déchets textiles en exportant leurs vêtements usagés vers les pays du Sud, forçant ainsi ces derniers à faire face aux conséquences de la mode rapide, même s’ils ne disposent d’aucune infrastructure pour le faire », écrivait Greenpeace en juin 2022.
Une vache dans la plus grande décharge de déchets textiles à Old Fadama à Accra, au Ghana, le 19 octobre 2024.
Photo Misper Apawu / AP
Au Ghana, pas moins de 260.000 tonnes de vêtements de seconde main débarquent chaque année au port d’Accra. Terminus de la fast fashion, Kantamanto, au cœur de la capitale ghanéenne, est le plus grand marché de vêtements d’occasion d’Afrique.
Photo de gauche : Un porteur porte un ballot de vêtements d'occasion au marché de Kantamanto, l'un des plus grands marchés
de vêtements d'occasion au monde, à Accra, au Ghana, le 31 octobre 2024.
A droite : Des personnes déchargent des balles de vêtements d'occasion d'un camion au marché de Kantamanto. Photos Misper Apawu / AP
Sur la plage de Jamestown, à l’extrémité d'un quartier populaire d’Accra, il faut slalomer entre les embarcations des pêcheurs, les barquettes de polystyrène, les bouteilles en plastique et, plus encore, entre les amas de chaussures, les pantalons et les lambeaux de tee-shirts qui forment par endroits de véritables dunes où s’attardent les cochons.
Des déchets textiles polluent la plage de Jamestown à Accra, au Ghana, en octobre 2024. Photo Misper Apawu / AP
Photo de gauche : Des bénévoles et des employés de la Fondation OR participent au nettoyage d'une plage à Jamestown à Accra.
A droite : Des vêtements de seconde main et des déchets polluent le rivage de la plage de Jamestown. Photos Misper Apawu / AP
En moyenne, 40 % des millions de vêtements exportés vers le Ghana finissent en déchets. Pour tenter de faire face à ce fléau, une ONG, The OR Foundation, qui œuvre à l'intersection de la justice environnementale, de l'éducation et du développement de la mode, cherche à promouvoir des alternatives au modèle dominant. Pour Liz Ricketts, cofondatrice et directrice de The OR Foundation, « la mode doit cesser d’être jetable. Nous pouvons tous agir à notre échelle, en remettant en circulation des vêtements de qualité, mais nous devons aussi donner la priorité à un système plus équitable pour les personnes et les écosystèmes, qui sont souvent oubliés dans la chaîne de l’offre et de la demande vestimentaire. »
Au Ghana, l'ONG tente de rallier les jeunes et les créateurs de mode pour qu'ils trouvent un bon usage des matériaux mis au rebut. Et c'est au sein même du marché de Kantamanto que se déroule chaque année un festival de mode où les stylistes rivalisent de créativité à partir de matériaux mis au rebut. « Au lieu de laisser les déchets textiles étouffer nos caniveaux, nos plages ou nos décharges, j'ai décidé de les utiliser pour créer quelque chose que nous pourrons réutiliser », déclare ainsi l'un d'eux, Richard Asante Palmer. Le festival s'appelle "Obroni wawu" ("les vêtements de l’homme blanc mort", en langue twi)
Photo de gauche : Dans l'espace de reconditionnement de la Fondation OR à Accra.
A droite : Un styliste coud des boutons sur un tissu "upcyclé". Photos Misper Apawu / AP
Le festival Obroni wawu à Accra (Ghana)
Photoreportage Misper Apawu (Associated Press)
Misper Apawu est une photographe documentaire et photojournaliste basée à Accra, au Ghana, qui travaille en Afrique de l'Ouest. Son travail qui met en lumière des questions sociales. Elle est membre de Women Photograph, African Women in Photography et de la base de données sur le photojournalisme africain de World Press. Elle travaille pour des agences de presse, des ONG et des entreprises.
Son site internet : http://www.misperapawu.com
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