Six heures durant, sans aucun témoin, Emmanuel Macron et Vladimir Poutine ont devisé à Moscou. Que se sont-ils si secrètement dit ? Et qu'a t-il été ensuite dit de ce qui fut dit ? Sans parler des non-dits... Une brève séquence filmée, et les mots qui l'accompagnent, trahissent toutefois la dépantalonnade à laquelle s'est soumis Emmanuel Macron. En vue de quelles faveurs tsaristes ?
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Le 3 juillet 1932 au Théâtre des Champs-Élysées à Paris, le chorégraphe allemand Kurt Jooss présentait la création d’un ballet qui allait entrer dans l’Histoire. Sous-titrée « danse macabre en 8 tableaux et 16 danseurs », cette œuvre est une satire de la Société des Nations et de la guerre. Il s’agit bien évidemment de La Table verte (Der Grüne Tisch), perçue après-coup comme prémonitoire de la montée du nazisme et de l'établissement du Troisième Reich. Questionné après-guerre sur ce point, Kurt Jooss répondit qu’il n’en avait pas conscience : « sinon, dit-il en substance, je n’aurais pas fait un ballet, j’aurait écrit une tribune dans les journaux ».
La table autour de laquelle se sont réunis hier au Kremlin, le président français Emmanuel Macron et son homologue russe Vladimir Poutine, n’était pas verte, mais d’un blanc crème. Mais au-delà de sa couleur, c’est sa taille qui a marqué les esprits. A tout le moins imposante pour ce qui avait été annoncé comme un « tête-à-tête ».
Première remarque : mais où étaient donc les traducteurs, présents lors d'un précédent "tête-à-tête" du président Poutine ? A l’extérieur de la pièce, communiquant par mégaphones ?
Sur la photo ci-dessous, on note que Vladimir Poutine est équipé d’une oreillette reliée à un petit boîtier (concernant Emmanuel Macron, on n’aperçoit que le fil). Il s’agit véritablement d’un traducteur vocal instantané, de marque POCKETALK « S ». C’est dire que cette rencontre « au sommet » s’est déroulée dans la plus extrême confidentialité, sans même la présence de traducteurs.
Entre les deux dirigeants, une telle distance n’a pas toujours été de mise : ainsi le 15 juillet 2018 au Kremlin :
Ou encore au club de vacances de Brégançon, en août 2019 :
Vladimir Poutine avait entretenu semblable proximité avec Marine Le Pen, autour d’un petit café, en 2017, avant l’élection présidentielle française :
Mais c’était avant. Avant le Covid. Désormais, Vladimir Poutine se méfie des postillons de ses interlocuteurs, qu’il s’agisse d’Emmanuel Macron, hier, ou du Premier ministre hongrois Viktor Orbán, la semaine dernière, à l’occasion d’un toast (photo ci-dessous). Distance de rigueur : 7 mètres, la distance pour un tir au but, au hand-ball, lorsqu’une faute a été commise, par exemple lorsqu’un joueur est en position de tir et que cette occasion est déjouée de façon irrégulière par un des adversaires.
Covid ou pas, la longueur de la table a particulièrement inspiré les internautes. Petit florilège ci-dessous :
Oui, au fait, ont-ils réussi à s’entendre ? Et à s’entendre sur quoi ?
Apparemment, peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse. Comme l’éditorialise Arnault Cohen ce mardi 8 février dans L’Union sous le titre « Bons baisers de Russie » : « La rencontre Macron-Poutine taille un joli costume diplomatique au président-candidat, à 62 jours du premier tour ».
« Même si la rencontre au Kremlin ne signe pas la fin de la crise ukrainienne, Emmanuel Macron a réussi son coup, écrit l’éditorialiste. (…) Quelques semaines avant le premier tour de la présidentielle, les planètes se sont parfaitement bien alignées pour le président-candidat qui a réalisé un coup de maître en quatre actes. Acte I : le 1 er janvier, Macron prend la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne. Acte II : le 19 janvier, dans son discours au Parlement européen, il présente ses priorités, parmi lesquelles celle de rétablir un « nouvel ordre de sécurité et de stabilité » en Europe face à la Russie, soulignant que le dialogue avec Moscou « n’est pas une option ». Acte III : dans les deux semaines qui suivent, le président français engage le dialogue avec Poutine, qu’il n’avait pas revu depuis deux ans et demi et sa réception au fort de Brégançon, et multiplie les consultations avec ses alliés européens et outre-Atlantique. L’enjeu : porter la voix de l’Occident à Moscou. L’Acte IV s’est joué ce lundi en fin de journée au Kremlin, où le président français a rencontré son homologue russe pour tenter de le convaincre de calmer le jeu en Ukraine. Cette rencontre ne va pas résoudre la crise d’un coup de baguette magique. Vladimir Poutine ne va pas retirer ses troupes de la frontière ni inviter à dîner le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Sur le plan international, elle ouvre toutefois la porte au dialogue, ce qui est déjà considérable. En France, elle offre un joli costume diplomatique à Macron qui restera le premier chef d’État occidental à avoir mis les pieds au Kremlin depuis la montée des tensions entre la Russie et l’Ukraine. Ce n’est pas un luxe, à 62 jours du premier tour de l’élection présidentielle. »
Acte I, Acte II, Acte III, Acte IV : c’est donc du théâtre. Hier, sur les humanités, le mystérieux « Tzotzil Trema » a dévoilé les coulisses de ce qu’il considère être « une farce » (Lire ICI)
Que se sont donc dit, pendant plus de six heures, Emmanuel Macron et Vladimir Poutine ? Lors de la conférence de presse qui a suivi, on n'a guère appris que l'on ne sache déjà. Le président russe a estimé que certaines des idées de son homologue français Emmanuel Macron « sont possibles pour jeter les bases d’avancées communes », tout en jugeant prématuré de les exposer publiquement. Quant à Emmanuel Macron, il a évoqué des « termes de convergence » entre la Russie et la France, sans les détailler. On est bien avancés !
Alors, si, quand même. Passons sur les deux lapsus qui ont joliment émaillé cette conférence de presse (vidéo ICI) : au début (à 28"), lorsque l'interprète qui traduit les propos de Vladimir Poutine parle d'un document « fondamenteur », pour qualifier l’accord de coopération entre la Russie et la France ; et bien plus tard (à 58’52), lorsque Emmanuel Macron parle des conditions pour « battre (au lieu de bâtir) nos garanties et nos sécurités collectives ». Savoureux.
Il y a plus. Aux dires des deux dirigeants, il fut certes question d'Ukraine, mais aussi, oh combien, de l'OTAN, et plus largement encore, « des sujets épineux relatifs à la sécurité européenne et globale ». Emmanuel Macron cite ainsi, pêle-mêle, l'Irak, la Syrie, l'Iran... D'Afrique, il ne fut apparemment point question. Il faut attendre (à 28" 23) la première question, pertinente et percutante, d'un journaliste français pour faire sortir le Mali du dessous-de-table. Ce journaliste évoque sans fard « la présence au Mali de mercenaires russes qui attisent un sentiment anti-français au point de remettre en cause notre présence là-bas». Avec un art de mentir que connaissent bien les arracheurs de dents, Vladimir Poutine botte en touche : « L’État Russe n’a rien à voir avec les entreprises militaires privées qui opèrent au Mali », tout en ajoutant quelques secondes plus tard : « il y a des intérêts commerciaux de nos entreprises qui se mettent d’accord avec le gouvernement malien… » Là ce n’est plus Poutine, mais Raspoutine. Les liens entre Poutine et le désormais fameux Groupe Wagner sont avérés. Voir ainsi l’enquête vidéo du Monde :
Sur le moment, Emmanuel Macron ne répond pas à la question du journaliste français. Curieusement, il y revient plus tard. A 50’51, il dit : « Sur Wagner, la réponse du Président est claire : la France ne reconnaît que les États, et la lutte contre le terrorisme », avant de bafouiller quelques secondes plus tard. Or, à l’instant précis où il prononce cette phrase, le visage d’Emmanuel Macron se liquéfie, se décompose. Nul besoin d’être grand sémiologue pour voir qu’en cet instant précis, il baisse son froc.
Emmanuel Macron, conférence de presse à Moscou, le 7 février 2022. Capture d'écran à 50'58"
Métaphoriquement bien sûr. Ce n’est plus une désescalade, c’est une dépantalonnade. Certes, il se reprend ensuite, et cela ne dure qu’une poignée de secondes dans une conférence de presse d’une heure. Mais c’est le seul moment où on le voit mentir, et l’on voit d’ailleurs que lui-même n’est pas dupe de son mensonge. Le reste du temps, s’il ment par dissimulation ou omission, il cache bien son jeu. Là, il se met lui-même à découvert. De lui-même, il remet sur la table la dessous-de-table : il revient sur la question du Mali, alors que plus personne ne lui demandait rien, et il nomme le fameux Groupe Wagner, que ni le journaliste français, ni Vladimir Poutine n’avaient expressément cité. Pourquoi donc ? C’est son côté loser. A quelle date est prévue la prochaine séance de psychanalyse ?
Jean-Marc Adolphe
A noter que notre président Jupiter a toujours été le dindon de la farce des puissants, et surtout des dominants, tels Trump par exemple. Telle est sa faiblesse, il nous écrasera d'autant...