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Photo du rédacteurJean-Marc Adolphe

Macron et Poutine : maintenant, ça suffit !


ÉDITORIAL Pour la énième énième énième fois, Emmanuel Macron va prôner le dialogue avec Poutine. Plus encore, il va plaider pour une "négociation" entre l’Ukraine et la Russie. Ça va se passer cet après-midi ou demain, à Rome. Et il va se servir d’une petite photo avec le pape, demain pour réitérer son "message de paix" (et surtout, ne pas parler des déportations d'enfants, ça pourrait humilier le maître du Kremlin...).


Primo, il n’y a pour l’heure aucune "négociation" possible avec Poutine. Poutine est allé bien trop loin dans sa fuite en avant meurtrière pour faire marche arrière, ne serait-ce que d’un iota. Pas seulement vis de l’Europe, des États-Unis ou de la "communauté internationale", mais vis-à-vis de la Russie même. Poussé par les ultra-nationalistes ultra-guerriers ultra-impérialistes à qui il a lui-même fait la courte échelle, Poutine sait qu’il est condamné s’il accepte la moindre contrition. Sa fuite en avant le condamne aussi, et il ira jusqu’au bout (sauf sans doute l’arme nucléaire, parce que les Chinois ont faire savoir que niet).


Alors ça rime à quoi, ce Macron circus qui n’arrête pas de tourner en rond ? Macron joue le coup d’après, persuadé (vraiment ?) que la France sera en tête de ligne lorsqu’il s’agira de recoller les morceaux. En doublant sur la file de droite, d’ailleurs, l’Union européenne, comme laisse entendre aujourd’hui Nicolas Sarkozy dans les pages du Journal du Dimanche, qui qualifie la Commission européenne « d’organisme d’abord administratif » et qui ajoute : « Je crois à la politique et au leadership politique ». En clair : la France : cocorico. La France, cororico ! La France ? cocorico. (Contrairement au facteur qui ne sonne que deux fois, le coq chante trois fois, cf la Bible).

Mais mes bichounets (Sarkozy + Macron), il faudrait que vous vous commenciez à vous rendre compte que le « leadership de la France », c’est désormais, en grande partie de la roupie de sansonnet ou, au choix de la monnaie de singe.


Ce n’est pas fatal : pour que la France reconquière du soft power, il faudrait qu’elle balaie devant sa porte pour ne pas trop laisser la Russie, et aujourd’hui la Chine, bien plus maline, s’essuyer les pieds sur le paillasson de notre grandeur déchue, et prendre pied, voire plus, en Afrique, Amérique latine, etc. Quelques propositions, au hasard Balthazar :


- UKRAINE / RUSSIE. Pour qu’un jour une négociation puisse avoir lieu, la France pourrait manifester son soutien à l’Ukraine autrement qu’en livrant quelques canons Cesar, mais par exemple en décidant et annonçant de participer très significativement à la reconstruction du patrimoine éducatif, universitaire et culturel de l’Ukraine ; et parallèlement, en soutenant massivement l’opposition démocratique russe (ONG comme Memorial, médias indépendants (à moins que l’objectif ne soit de remplacer Poutine par un voyou plus « présentable », auprès de qui on pourra continuer à s’alimenter bon marché en gaz et en pétrole, et en laissant une majeure partie de la population russe, tchétchène, daghestanaise, bouriate, etc., dans la pauvreté ?)


- AFRIQUES. L’Afrique est un continent d’une richesse presque infinie. Cette richesse, soit on continue de la piller sans vergogne, soit on invente de véritables co-opérations, sans prétendre décider à la place des Africains (avec l’aide de quelques dirigeants dont on a largement encouragé la corruption), pour construire un avenir commun, planétaire. Par exemple, commencer à dire fermement au PDG de TotalEnergies : ton mega-pipeline en Ouganda, qui va déplacer et affamer des milliers de personnes, tu te le mets là où je pense. A Ouagadoudou, Macron avait cru bon se vanter de dire que la France « n’avait pas de politique africaine » (allez dire ça à Bolloré, ça le fait franchement marrer), c’est un leurre puisque ça continue peu ou prou comme avant. Mais avec de telles déclarations irresponsables, comment s’étonner que Wagner vienne, en Afrique, imposer la musique de ses treillis ?


- AMERIQUES DU SUD. Idem. Macron aurait sans doute préféré que gagne au Chili le candidat d’extrême-droite ; il a « félicité » en retard, et du bout des lèvres, l’élection de Gabriel Boric. Pourtant, il y a, entre autres, beaucoup de lithium au Chili, un pays plutôt francophile. Soutenir une extraction non-productiviste, respectueuse autant que possible de l’environnement, et imaginer une filière conjointe de construction de batteries électriques, ça pourrait être un bel enjeu industriel, non ? En Colombie, c’est encore pire. A ma connaissance, Emmanuel Macron n’a toujours pas reconnu la victoire à l’élection présidentielle de Gustavo Petro, en août dernier, alors qu’il avait reçu à deux reprises Ivan Duque, son prédécesseur de droite-extrême, dont toute la clique était liée au narcotrafic (contre lequel la France prétend lutter, la bonne blague), et qui est responsable d’une centaine de morts (essentiellement des jeunes) pendant la répression du mouvement social au printemps 2021, époque pendant laquelle Emmanuel Macron a personnellement tenu à maintenir la coopération politique et militaire de la France ! Gustavo Petro a mis en tête de ses priorités la lutte contre le réchauffement climatique, et la Colombie est le second pays au monde en termes de biodiversité. Il y aurait plein de trucs à imaginer ensemble, plutôt que de laisser le Groupe Casino et BNP Paribas contribuer à la déforestation de l’Amazonie (et corollairement, aux meurtres de militants écologistes et autochtones). Elle est où, la « grandeur » de la France ?

Entre Amériques latines et Afrique, il y a Haïti. Un pays racketté par la France dès le début du 19ème siècle, comme déjà raconté (ICI et ICI). N’y aurait-il pas quelque chose à réparer ? Eh bien non. Plutôt que de soutenir un processus démocratique issu de la société civile haïtienne, la France va continuer à soutenir un président-fantoche… en allant pleurer sa larme à l’ONU sur la violence des gangs, l’extrême pauvreté et le choléra. Des larmes de crocodile.


Jean-Marc Adolphe, 23 octobre 2022

Photo en tête d'article : Emmanuel Macron sur le parvis de l'Élysée, le 13 octobre 2022. Photo Gonzalo Fuentes / Reuters.


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