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Photo du rédacteurJean-Marc Adolphe

Les pyromanes de la maison qui brûle.

Dernière mise à jour : 5 juil. 2021



Les images ont tourné en boucle. Suite à la vague caniculaire qui s’est brusquement abattue sur la région de Vancouver, au Canada, le village de Lytton (250 habitants) a brûlé comme un fétu de paille. Sur l’ensemble de la Colombie Britannique, 177 incendies « spontanés avaient été enregistrés vendredi dernier.

Lytton après et avant


Au même moment, dans le nord de la Californie, trois feux de forêt ont ravagé plus de 15 000 hectares, y compris dans une zone touristique qui s'apprêtait à accueillir de nombreux visiteurs pour le long week-end de la fête nationale du 4 juillet. A Los Angeles, ville tentaculaire de la Californie du Sud, une hausse des températures est également attendue dans les prochains jours : « Nous examinons le potentiel d'une autre vague de chaleur à venir... [autour] du 10 juillet », a déclaré Eric Boldt, météorologue chargé de la coordination des avertissements au Service météorologique national d'Oxnard, dans les colonnes du Los Angeles Times. Les Etats américains du Washington et de l'Oregon ont également étouffé la semaine dernière sous des températures records.


A Madagascar, famille faisant cuire dans une marmite des chutes de peau de zébu

récupérées dans les poubelles d'un cordonnier.


A des milliers de kilomètres de là, la situation à Madagascar est beaucoup moins médiatisée. Au sud de l’île, 14.000 personnes n’ont pas vu la pluie depuis trois ans, et la région est victime d'une sécheresse sans précédent. Le vent érode les sols et les tempêtes de sable chassent les derniers habitants de la région. Le directeur exécutif du Programme alimentaire mondial, David Beasley, qui s'est rendu sur place, raconte avoir vu des scènes dignes d'un "film d'horreur". La sécheresse est venue à bout des récoltes, et certains habitants en viennent à manger des lanières de cuir. Diffusée dans les journaux de France24 et TV5Monde, une vidéo du journaliste malgache Gail Borgia montre une famille se nourrissant de chutes de peau de zébu récupérées dans les poubelles d'un cordonnier de la ville d'Ambovombe.

La tragédie qui frappe le Sud de Madagascar était pourtant annoncée dès le mois d'octobre 2020 par les experts de la Banque Alimentaire Mondiale: « Le taux de prévalence de la malnutrition aiguë globale sera de 27% chez les enfants de moins de cinq ans dans le district d’Ambovombe. » Et David Beasley avait ajouté : "les sécheresses consécutives à Madagascar ont poussé les communautés au bord de la famine. Les familles souffrent et des gens meurent déjà de faim sévère. Ce n’est ni à cause de la guerre, ni à cause des conflits, c’est à cause du changement climatique. C’est une région du monde qui n’a en rien contribué au changement climatique, mais maintenant, ce sont eux qui en paient le prix."

VIDEO Reportage France 24

La Russie a également connu, en juin, un record de chaleur. A Moscou, la température a atteint 34,7°C le 21 juin. Et Verkhoïansk, en Sibérie, le thermomètre a affiché 38 ° Celsius, du jamais vu. Les incendies de forêt ont d’ores et déjà détruit une superficie équivalente au territoire de la Grèce !


VIDEO Reportage France 24.



L’Inde a également connu ces derniers jours les plus fortes températures enregistrées depuis 2012. Depuis 2010, les intenses vagues de chaleur que connaît le deuxième pays le plus peuplé au monde ont fait plus de 6500 morts et les scientifiques redoutent que ce phénomène ne s'intensifie en raison du changement climatique. Vendredi, les températures en journée ont dépassé les 40 degrés, pour la quatrième journée consécutive, dans les Etats du Rajasthan, du Haryana et à New Delhi. (A lire sur Goodplanet.info)

Canicule en Inde.


Que fait, pendant ce temps, le gouvernement du Premier ministre nationaliste Narendra Modi ? Selon le site ai-cosmos.com, le 28 juin, l’Inde a effectué depuis l’ile d’Abdul Kaman le premier tir de son nouveau missile nucléaire MRBM (Medium-Range Ballistic Missile) Agni-P ou Agni-Prime qui affiche une portée supérieure à 2000 kilomètres avec la capacité d’emporter plusieurs ogives nucléaires. Ironie : on lit que l’Agni-P est un missile intégré dans un « canister », protégeant ainsi le vecteur des conditions météorologiques !

L’Inde vient en outre de tester, sur la base d’entraînement de Chandipur, située au large du Golfe du Bengale, une version améliorée du camion lance-roquettes « Pinaka ». Développé par le « Armament Research & Development Establishment » (ARDE) et le « High Energy Materials Research Laboratory » indien, le « Pinaka » est en service dans l’armée indienne depuis 2000 et est composé de véhicules pour le transport et le lancement de roquettes. La version améliorée- testée à Chandipur – peut détruire, selon le ministère indien de la défense, des cibles situées à plus de 45 km, voire jusqu’à 60.

En 202, l’Inde a augmenté de 6,8% son budget de dépenses militaires, qui atteint aujourd’hui plus de 71 milliards d’euros par an. Lutter contre le réchauffement climatique, et contre les effets dévastateurs du Covid (officiellement 400.000 morts, mais le bilan dépasserait le million), voilà qui peut attendre…

Soulignons au passage que l’ONG Sherpa vient d’obtenir de la justice française la saisine d’un juge d’instruction pour enquêter sur des soupçons de corruption liés à un contrat d’armement de 7,8 milliards d’euros (achat de 36 avions Rafale), signé en septembre 2016 entre Dassault et l’entreprise indienne Reliance, dirigée… par un proche du Premier ministre indien. Et selon Le Monde, Emmanuel Macron, à l’époque ministre de l’économie de François Hollande, aurait été impliqué dans un spectaculaire compromis fiscal qui a fait économiser 143 millions d’euros à une filiale française de Reliance.


Le total des dépenses militaires dans le monde en 2020 a été de 1 981 milliards de dollars. Pendant que la planète brûle, le commerce des armes flambe, lui aussi. L’ensemble des neufs États possédant des armes nucléaires (États-Unis, Chine, Russie, Royaume-Uni, France, Inde, Israël, Pakistan, Corée du Nord), ont dépensé à eux seuls plus de 60 milliards d’euros, selon les dernières données rassemblées par la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN), une coalition d’ONG qui a reçu en 2017 le prix Nobel de la paix. 60 milliards d’euros, simplement pour entretenir le seul armement nucléaire. La France y a consacré 4,7 milliards d’euros, de quoi commencer à financer la « transition énergétique ». En France, chaque minute, 8.969 euros d’argent public sont dépensés pour l’arsenal nucléaire : « C’est autant d’argent qui n’a pas été consacré à la santé ou à l’éducation de ses citoyens », pointe la branche française de l’ICAN. L’argent mobilisé pour l’arsenal nucléaire va en revanche aux grandes entreprises d’armement, Airbus, BAE systèmes, Safran… qui participent à la production et l’équipement des missiles nucléaires.

Un pré-rapport du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), divulgué par l’AFP le 23 juin, dresse un bilan alarmant : quel que soit le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les effets dévastateurs du réchauffement climatique sur la nature et l'humanité qui en dépend vont s'accélérer, assurent-ils. « La vie sur Terre peut se remettre d'un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes. L'humanité ne le peut pas », note le résumé technique de 137 pages. Que l’on se rassure. Face à une telle urgence, le gouvernement français est en première ligne : en prévision de probables feux de forêt cet été, il a ainsi été annoncé « un dispositif d'intervention renforcé sur l'ensemble du territoire », tandis que la population est invitée à « redoubler de vigilance ». Le gouvernement d’Emmanuel Macron, lui, redouble de nullité et de cynisme. Ainsi, l’Office national des forêts, l’organisme qui gère les forêts publiques françaises, jugé pas assez « rentable », se verra-t-il ratiboiser de 475 postes d’agents, dans le cadre du prochain « Contrat d'objectifs et de performance » 2021-2025 État-ONF. En vingt-cinq ans, les effectifs de l'ONF sont passés de 15.000 travailleurs à un peu moins de 9.000 en 2020, et la saignée continue…

Par ailleurs, il n’a échappé à personne qu’au lendemain de la publication du rapport annuel du Haut Conseil pour le climat, le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative, vient d’enjoindre le premier ministre de «prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre» afin de tenir les objectifs de la France. Concernant le respect des engagements climatiques français, l’instance a lâché un cinglant : « Le compte n’y est pas. » Deuxième coup de semonce pour Emmanuel Macron après le jugement rendu début 3 février par le tribunal administratif de Paris pour « carences fautives de l’Etat à mettre en œuvre des politiques publiques lui permettant d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu’il s’est fixés ». Pas de quoi inquiéter le locataire de l’Élysée, le tribunal n’ayant condamné l’Etat qu’à verser un euro symbolique aux quatre associations requérantes pour « préjudice moral ».


Emmanuel Macron et Jamie Damon, le PDG de JP Morgan, le 29 juin

lors de l’inauguration du siège parisien de la banque américaine.


Dans une formule passée à la postérité, en ouverture de son discours devant l’assemblée plénière du IVe Sommet de la Terre, le 2 septembre 2002 à Johannesburg, Jacques Chirac avait dit : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ».

Presque vingt ans plus tard, la maison brûle plus que jamais, et Emmanuel Macron encourage les pyromanes, comme le président colombien Ivan Duque, qui vient d’autoriser par décret les aspersions aériennes de glyphosate des terres des communautés indigènes qui luttent depuis des décennies contre la déforestation et les dévastatrices exploitations minières. Ils les encourage, voire se plie en quatre pour leur serrer la paluche. Mardi 29 juin, trouvant le temps nécessaire dans un agenda que l’on imagine chargé, Emmanuel Macron est venu en personne saluer Jamie Damon, le PDG de la banque américaine JP Morgan, qui délocalise à Paris (depuis Londres) une centaine de traders dans les nouveaux locaux de l’institution financière internationale situés place Saint-Honoré, au cœur de Paris. Le Président de la République s’est félicité du retour d'activités financières en France… Au fait, JP Morgan est le champion mondial du financement des combustibles fossiles. Depuis l’accord de Paris sur le climat, la première banque climaticide de la planète a accordé aux industries du charbon, du pétrole et du gaz 317 milliards de dollars. Un record absolu. Mais bon, entre banquiers, on ne va pas chipoter pour si peu.



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