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Les géants de la forêt, menacés d'extinction

Dernière mise à jour : 21 juin


Un shihuahuaco, dans la forêt amazonienne du Pérou. Photo The Rainforest Journalism Fund.


En Amazonie, le shihuahuaco est menacé d’extinction. Cette espèce millénaire fait l’objet d’un abattage en règle aux fins d’exploiter son précieux bois, qui finit sur les terrasses et parquets en Europe et en Chine.

 

Clé de voûte des forêts tropicales de Bolivie, du Brésil, de Colombie, d'Équateur et du Pérou, le shihuahuaco peut atteindre jusqu’à 60 mètres de haut. Il compte aussi parmi les plus anciens : il lui faut environ mille ans pour atteindre sa taille maximale. Espèce à croissance lente, il joue un rôle crucial dans l’absorption du dioxyde de carbone. À lui seul, un spécimen mature peut capter jusqu’à 40 tonnes de carbone. Dans l’ensemble, la forêt amazonienne absorbe environ 2 milliards de tonnes de CO2 par an, soit environ 5 % des émissions annuelles mondiales.


Qualifiés d’émergents, car ils atteignent l’étage dominant de la forêt, les shihuahuacos logent d’innombrables créatures : les chauves-souris, les singes, les aras et les aigles, parmi lesquels la mythique harpie féroce. Cette espèce menacée, le rapace le plus grand et le plus menaçant de la forêt tropicale, a besoin d’arbres géants et de branches très solides pour la nidification de ses œufs.


A la cime des shihuahuacos, des grappes de fleurs couleur lilas fleurissent pendant la saison humide, et se transforment en gousses de fruits lourds ou en légumineuses à la saison sèche, dont se nourrissent les singes-araignées, agoutis, opossums, écureuils et autres rats épineux.


« Les shihuahuacos sont les piliers de l’écosystème, leur colonne vertébrale » explique Tatiana Espinosa. « Ils sont connectés à l’ensemble de la forêt à travers un réseau de racines et de communication qu’ils ont tissé durant des centaines d’années, et durant lesquelles ils ont développé des niches écologiques et des habitats naturels pour des micro-organismes et différents groupes d’animaux qui dépendent de lui pour se reproduire. » Cette ingénieure forestière de 46 ans est à la tête d’une concession de conservation de près de 1 000 hectares, au sein de la région du Madre de Dios, au sud-est du Pérou. L’ONG Arbio, qu’elle a fondée il y a plus de dix ans, est implantée dans cette région amazonienne, l’une des plus grandes du pays, reconnue comme zone critique de biodiversité.


" Les shihuahuacos sont les piliers de l’écosystème " (Tatiana Espinosa, ingénieure forestière, fondatrice de l'ONG Arbio)

Loin de la précieuse faune et flore qu’il abrite, le shihuahuaco est aujourd’hui très recherché pour un autre genre de richesse : son beau bois rouge sombre, extrêmement résistant. Il est massivement vendu à la Chine (à 70 %), mais aussi aux pays européens, la France en tête, pour être transformé en planches et venir habiller nos terrasses et parquets d’intérieur. Plus de 500.000 tonnes en ont ainsi été exportées du Pérou depuis dix ans.


Victime d’exploitations forestières illégales, le shihuahuaco, tout comme d’autres espèces convoitées de cette forêt tropicale, est aujourd’hui gravement menacé. Dans certaines régions, il est devenu quasiment introuvable. En 2017, il a été classé en état de « danger critique » ou de « vulnérabilité », selon ses sous-espèces. Sa croissance, extrêmement lente – il lui faut en moyenne sept cents ans pour que son tronc atteigne un mètre de diamètre –, ne permettrait pas sa régénération naturelle à ce rythme d’exploitation.


« Quand c'est loin de la ville, la police n'intervient pas, le gouvernement non plus. Les narcotrafiquants, les bûcherons illégaux, les mineurs, peuvent faire leurs activités illicites sans problème », déplore Paul Rosolie, co-fondateur de l'ONG Jungle Keepers.


En Amazonie, la rivière sert généralement d'autoroute pour transporter le bois. Mais dans le cas du shihuahuaco, la voie fluviale est impossible car l'arbre est trop lourd et ne flotte pas. Les bûcherons construisent des routes à travers la forêt pour transporter le géant. Et les exploitants agricoles profitent des routes tracées pour mettre le feu à des parcelles entières et installer ensuite des pâturages.


Fin 2024, le shihuahuaco entrera enfin dans la liste de la Convention sur le commerce international des espèces menacées. Le Pérou aura alors l’obligation de réguler davantage son exportation et de garantir un bois d’origine légale.


Aurélie Marty



Pérou : haro sur le shihuahuaco, un arbre millénaire en danger,

un reportage de FRANCE 24 réalisé par Amandine Chaparro et Guillaume Gosalbes


Complément d'enquête


Réglementation contre le bois illégal : dix ans après


En 2013, le règlement sur le bois de l’Union européenne interdisait l’importation de bois coupé illégalement. Il imposait notamment aux entreprises de faire preuve de diligence raisonnée, c’est-à-dire de mettre en place un ensemble de vérifications qui permettent de s’assurer de l’origine du bois et d’empêcher toute importation de bois coupé illégalement. Dès les premières années suivant son entrée en vigueur, il est apparu clairement que les États membres ne souhaitaient consacrer que des moyens très limités – voire inexistants – à sa bonne application, et la France ne fit pas exception. Résultat : dans le bilan du règlement qu’elle tirait en 2021, la Commission européenne évoque une application « inégale » du règlement au sein de l’Union et indique qu’il « n’a pas eu d’effet notable sur le volume des importations de bois provenant de sources connues pour présenter un risque élevé ». Elle précise que « le règlement sur le bois pourrait avoir entraîné une réduction des importations dans l’Union de bois issu d’une récolte illégale comprise entre 12 et 29 %. » Un constat qui affiche des résultats bien loin de l’objectif initial d’un arrêt total du commerce de bois illégal sur le sol européen. L’organisation Greenpeace a démontré à plusieurs reprises que le commerce de bois illégal perdurait dans l’Union européenne, malgré l’entrée en vigueur de ce règlement.


Source : Greenpeace.fr


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