Fabienne Yvert, "Souvent j'oublie d'être libre", livre d'art, 13 cm X 19 cm – 120 pages – impression numérique, novembre 2016.
Pendant le Printemps des poètes, qui vient de s'achever, l'Union Peuple et culture a initié ou soutenu un certain nombre d'ateliers et de rencontres, notamment avec des jeunes. Inacceptable pour la Macronie, quoiqu'en dise Rachida Dati, qui s'apprête à ratiboiser les budgets déjà étriqués des mouvements d'éducation populaire.
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Quid de l’éducation populaire ? Souvent dénigrés par les "professionnels de la profession" des milieux artistiques et culturels, les mouvements d’éducation populaire sont en outre dans le collimateur de Bruno Le Maire et d’Emmanuel Macron (lire sur les humanités la chronique de Tzotzil Trema, "la déglingue").
« Aujourd’hui ce sont près de 130 millions d’euros de coupes budgétaires annoncées dans le budget de l’Etat pour la jeunesse et la vie associative ! », alerte ainsi le Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (Cnajep) fédérant plus de soixante-dix organisations nationales (630.000 associations, 6.300.000 bénévoles) et dix-sept Coordinations régionales, qui œuvrent au quotidien sur tout le territoire autour de projets éducatifs, culturels, artistiques, sportifs et citoyens (A lire, « Education populaire : gare à la casse ! »).
Lorsque, dans une interview au journal Le Parisien, la nouvelle ministre de la Culture Rachida Dati déclarait sa flamme aux MJC (« Diffuser la culture dans tous les territoires, auprès de tous les publics, surtout auprès de ceux qui en sont les plus éloignés … Il faut relancer les conservatoires municipaux accessibles à tous, le théâtre pour tous les jeunes et tous les réseaux dont j’ai moi-même bénéficié comme les Maisons des Jeunes et de la Culture »), on comprend bien que c’était pour amuser la galerie, car de toute façon c’est à Bercy, cœur de la Macronie, que les choses sérieuses se passent.
Pourtant, le Président de la République n’affirmait-il pas lui-même, dans sa conférence de presse du 16 janvier dernier la volonté de l’État « de renforcer la construction de la citoyenneté et l’accès à la culture » ? Cela mange d’autant moins de pain que n’est plus hérétique, aux yeux du lider maximo de la start-up nation, que ces mouvements d’éducation populaire qui placent au cœur de leurs engagement la notion d’émancipation. Il y aurait en effet quelque danger à laisser proliférer le genre "d'actions poétiques" que soutient par exemple la Fédération Peuple et culture.
Voici quelques exemples de ces initiatives particulièrement subversives conduites à l'occasion du Printemps des poètes, qui vient de s'achever :
A Marseille, Peuple et Culture Marseille a proposé des ateliers d'écriture avec Fabienne Yvert, poétesse et artiste. Il suffit de consulter son site internet pour constater à quel point, sous couvert d'inventions poétiques, langagières et typographique est un appel à l'insurrection : de véritables Soulèvements de l'imaginaire ! Allez-voir par vous-mêmes : https://fabienneyvert.com
Dans le Finistère, le poète, conteur et musicien Abdoulaye Sané a accompagné des jeunes (et pas seulement) dans des ateliers d'improvisation poétique en musique, avec l'association Strollad La Obra. Mais qui est Abdoulaye Sané ? Originaire de Casamance au Sénégal,cet artiste touche-à-tout le confiait en aout au Télégramme : il prône le "mélange culturel". Intolérable !
Le 8 mars, avec l'association montpelliéraine i.PEICC, Soufyan Heutte s'est livré à l'arpentage de son ouvrage "Mektoub". Or, qu'est-ce que le mektoub sinon "la trajectoire tracée par Dieu pour la vie de chacun" ? Et peu importe que Soufyan Heutte, en plus de son travail d'écrivain-romancier, fasse l'éducateur avec des jeunes dont le parcours de vie a croisé la délinquance : à quoi sert-il de construire de nouvelles places de prison si c'est pour tenter d'en éloigner certains ?
Enfin, l'Union Peuple et culture a accompagné, par un atelier d'écriture animé par Damien Paisant, poète et comédien, les jeunes de l'association ENVOLS, qui se dédie au soutien et suivi d'exilé.e.s mineur.e.s non-accompagné.e.s. Ces jeunes migrants ont récemment participé à un podcast à partir des Misérables, de Victor Hugo. Franchement, la vie de Jean Valjean doit-elle un modèle pour ces jeunes sur la voie de l'intégration française ?
Peuple et Culture organise encore le 17 avril prochain à la Maison des Métallos, à Paris, un "arpentage" autour du livre Les besoins artificiels - Comment sortir du consumérisme de Razmig Keucheyan. Sortir du consumérisme ! Mais où va-t-on ?
Heureusement, le gouvernement d'Emmanuel Macron va mettre bon ordre à tout ce bazar. Toutes ces "actions poétiques" soutenues par Peuple et Culture vont être prochainement interdites. Pas directement censurée, non. Même Gabriel Attal a fait des études, il n'a pas envoie d'être pris pour Raymond Marcellin. Mais interdites de fait, par étouffement budgétaire.
Dominique Vernis
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