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Photo du rédacteurNadia Mevel

Le méga haka de la révolte



Ce 19 novembre 2024 à Welklongton, plus de 40.000 personnes ont manifesté à proximité du parlements néo-zélandais

pour défendre les droits des Māoris. Photo Mark Tantrum / AP



LE TOUR DU JOUR EN 80 MONDES Spoliés de leurs terres, discriminés, les Māoris relèvent la tête. Hier à Wellington, la capitale néo-zélandaise, plus de 40.000 personnes ont manifesté en défense de leurs droits, alors qu'un projet de loi vise à revenir sur le traité de Waitangi, signé en 1840 entre entre les représentants de la Couronne britannique et des chefs māoris de la partie septentrionale de l'île du Nord.


Du haut de ses 22 ans, jeudi dernier, Hana-Rawhiti Maipi-Clarke, jeune élue māorie a déchiré le parlement néo-zélandais. Plus exactement, elle a déchiré un projet de loi, avant d'entamer un haka, sous le regard interloqué de ses collègues parlementaires. Le rondouillard et conservateur président de la Chambre des Représentants, Gerry Brownlee, a frôlé l'infarctus.



Hier, mardi 19 novembre 2024 à Wellington, capitale de la Nouvelle-Zélande, des dizaines de milliers de Māoris ont manifesté (plus de 40.000 personnes selon la police), drapeaux brandis, contre un projet de loi qui remodèlerait le traité fondateur du pays signé en 1840 entre les Māoris et la Couronne britannique. Pour beaucoup d'entre eux, il s'agissait aussi de célébrer la résurgence d' une langue et d'une identité que la colonisation avait autrefois quasiment détruites. « Nous nous battons pour les droits pour lesquels nos "tūpuna", nos ancêtres, se sont battus », déclarait ainsi Shanell Bob en attendant le début de la marche. « Nous nous battons pour nos "tamariki", pour nos "mokopuna", pour qu'ils puissent avoir ce que nous n'avons pas pu avoir », a-t-elle ajouté, en utilisant les termes Māori pour désigner les enfants et les petits-enfants.


Ce qui a probablement été la plus grande manifestation jamais organisée en Nouvelle-Zélande en faveur des droits des Māoris s'inscrit dans une longue tradition de marches pacifiques à travers le pays, qui ont marqué des tournants dans l'histoire de la nation. L'affluence de la manifestation d'hier reflète la solidarité croissante des non-Māoris à l'égard des droits des autochtones. Aux arrêts de bus, pendant les trajets habituels du matin, des personnes de tous âges et de toutes races attendaient avec des drapeaux māoris. Certaines écoles locales ont déclaré qu'elles n'enregistreraient pas les élèves absents.


Photo Mark Tantrum / AP


Le projet de loi auquel les manifestants s'opposent est impopulaire et a peu de chances de passer. Mais l'opposition à ce projet de loi est largement répandue, ce qui, selon les manifestants, indique que les Néo-Zélandais connaissent de mieux en mieux les promesses jadis faites aux Māoris dans le cadre du traité de Waitangi, et qu'il existe une réaction de la part de ceux qui sont irrités par les tentatives des tribunaux et des législateurs pour entraver ces promesses.


Un enfant Māori, Te Haukūnui Hokianga, 8 ans, souffle dans une conque avant la manifestation devant le parlement néo-zélandais.

Photo/Mark Tantrum / AP


Alors que les manifestants se déplaçaient dans les rues de Wellington en entonnant des haka (chants rythmés) et des waiata (chants), des milliers d'autres personnes brandissant des pancartes s'alignaient sur les trottoirs en signe de soutien. Certaines pancartes affichaient des blagues ou des insultes à l'encontre des législateurs responsables du projet de loi, qui modifierait le sens des principes du traité de Waitangi et les empêcherait de s'appliquer uniquement aux Māoris, dont les chefs ont signé le document lors de la colonisation de la Nouvelle-Zélande. Alors que d'autres panneaux portaient la mention « fier d'être Māori », certains manifestants dénonçaient l'expropriation généralisée des terres māories pendant la colonisation, l'un des principaux griefs soulevés par le traité.


Les détracteurs du projet de loi affirment qu'il entraînerait des bouleversements constitutionnels, qu'il diluerait les droits des autochtones et qu'il accentuerait la discrimination envers les Māoris, qui sont désavantagés dans presque tous les domaines sociaux et économiques, malgré les tentatives des tribunaux et des législateurs, au cours des dernières décennies, de rectifier les inégalités causées en grande partie par les violations du traité de Waitangi.


La manifestation d'hier s'inscrit dans un ample mouvement de résurgence de la culture māorie, dont témoigne par exemple un clip récent d'un jeune artiste, Stan Walker (ci-dessous) : «"Māori Ki Te Ao", c'est l'affirmation de notre identité. "Māori Ki Te Ao", c'est savoir qui nous sommes et d'où nous venons. C'est ma lettre d'amour à Tūhoe [Ngāi Tūhoe est une tribu maorie dont les terres se trouvent dans la région de l'Urewera de l'île du Nord de Nouvelle-Zélande] et à mon Tūhoetanga. Cette chanson et cette vidéo ne représentent qu'une petite partie de ce que nous sommes en tant que Tūhoe. Voilà d'où nous venons et ce que nous sommes devenus. Mon désir le plus cher est que, peu importe d'où nous venons ou qui nous venons, nous continuions à savoir que nous sommes incroyables, que nous sommes plus que suffisants. Que nous sommes puissants. Que nous pouvons simplement être. Je ne suis qu'une personne. Je ne suis pas la représentation de notre iwi ou de notre hapū. Mais je suis néanmoins Tūhoe. »



Autre signe de cette résurgence culturelle, Matariki, la fête du nouvel an māori, est à nouveau célébrée. Cette fête tombe chaque année à une date différente au milieu de l'hiver, selon le calendrier lunaire māori ; en 2024, elle a eu lieu le 28 juin. Cette tradition vieille de 700 ans était largement tombée tombée en désuétude, même parmi le million de Māoris qui composent les 5 millions d'habitants de la Nouvelle-Zélande.


Perceus Samuels, un enfant Māori, sourit après s'être fait peindre le visage pour la fête de Matariki,

au centre communautaire de Wainuiomata, à Wellington, le 22 juin 2024. Photo Hagen Hopkins / AP


Le précédent gouvernement néo-zélandais de centre-gauche, avec la première Ministre Jacinta Ardern, a incité le pays à reconnaître la culture māorie, sans toutefois s'attaquer véritablement aux problèmes économiques, de santé et de justice. Le gouvernement de droite issu des élections législatives en octobre 2023 s'est également engagé à supprimer certaines politiques de reconnaissance des Māoris adoptées par ses prédécesseurs, en se débarrassant notamment d'une agence de santé qui donnait la priorité aux Néo-Zélandais autochtones, lesquels meurent plus jeunes que les personnes d'origine non māorie ; et en mettant un terme aux projets de gestion partagée des services publics avec les tribus māories. L'un des partis qui forme la coalition gouvernementale au pouvoir, "ACT New-Zealand", du trumpiste-libertarien David Seymour, a provoqué un nouveau débat sur le traité de Waitangi, document fondateur de la Nouvelle-Zélande, en suggérant que les interprétations modernes ont accordé trop de droits aux Māoris.


Nadia Mével

 

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