Stephen Miller, alors conseiller à la Maison Blanche, regarde Donald Trump s'exprimer lors d'un événement à la Maison Blanche
en mars 2018. "Moine soldat" d'une politique anti-immigration, Stephen Miller va devenir chef de cabinet adjoint chargé de la politique
au sein de la nouvelle administration Trump. Photo Doug Mills/New York Times.
SUITE AMÉRICAINE A quoi ressemblera la Maison Blanche devenue "Maison Trump" lorsque le milliardaire américain aura été officiellement investi, le 20 janvier prochain ? Les premières nominations annoncées donnent un avant-goût de ce qui attend les États-Unis. Pour aujourd'hui : un fervent défenseur du lobby des armes à l'Environnement, un duo de choc à l'Immigration pour mener "la plus grande opération de déportation que ce pays ait jamais connue". Et aux affaires étrangères, une girouette qui, en août 2022, exhortait Biden à intensifier les efforts des États-Unis pour soutenir l'Ukraine mais qui, en avril dernier, refusait de voter une aide militaire à Kiev.
En 2016, Donald Trump n'était pas tout à fait prêt à s'installer à la Maison Blanche. Devenu une première fois président des États-Unis, il a dû alors composer avec une administration qui était loin d'être entièrement vouée à sa cause, tout autant qu'avec l'aile "modérée" du Parti républicain. Pendant quatre ans, de 2020 à 2024, Trump a eu le temps de ronger son frein... et de préparer sa revanche. Ayant d'une certaine manière mis sous sa botte le Parti républicain, il s'est aussi assuré de la consolidation de soutiens et de réseaux exempts de tout souci de "modération", notamment avec America First Legal, une organisation qui a forgé les principaux thèmes de campagne du milliardaire. C'est ce vivier d'affidés qui va entrer à la Maison Blanche en janvier prochain, en même temps que Donald Trump.
Un chouchou du lobby des armes à l'Environnement
Donald Trump se sent tellement concerné par l’écologie qu’il a écorché le nom de l’Agence fédérale pour l’environnement, créée à l’époque de Richard Nixon, au moment d’annoncer qui sera son prochain directeur. Au lieu de « Environmental Protection Agency », il a dit « Environmental Protective Agency ». Ce n’est qu’un détail, dira-t-on… Ce qui n’est pas un détail, c’est la personne choisie par Trump à ce poste : Lee Zeldin, 44 ans, avocat, élu de l'État de New York à la Chambre des représentants de 2015 à 2023. Il est surtout connu pour ses positions ultra-conservatrices : opposé au mariage entre personnes de même sexe, au DREAM Act (« développement, secours et éducation pour les mineurs étrangers », un projet de loi présenté en 2001), au financement public de l’équivalent américain du Planning familial, et à l'Obamacare, il a été en outre l’un des plus ardents défenseurs du lobby des armes : pour ses bons et loyaux services, il a été vivement félicité par la National Rifle Association of America (NRA).
Lee Zeldin, fervent défenseur du lobby des armes, est nommé à la tête de l'Agence pour la protection de l'environnement.
A part ça, Lee Zeldin n’a aucune espèce de compétence en matière d’environnement. Enfin, si : en 2016, il avait pression pour que le détroit de Long Island passe sous contrôle de l’État de New-York, afin d’y autoriser la pêche du bar rayé, un poisson dont la population avait chuté à des niveaux dangereusement bas au début des années 2000, dont la pêche est désormais strictement contrôlée… mais au Canada.
De toute façon, Lee Zeldin est nommé à la tête de l’Agence de Protection de l’Environnement dans un seul but : mettre en œuvre la feuille de route de Donald Trump, c’est-à-dire « veiller à ce que les décisions de déréglementation soient rapides et qu'elles soient prises de manière à libérer le pouvoir des entreprises américaines ».
On souhaite bien du courage aux employés de l’Agence de protection de l’environnement. Lors de son premier mandat, Trump avait supprimé 20% des effectifs de l’agence. Plus de 500 scientifiques et employés ainsi mis à la porte avaient créé le Réseau pour la protection de l’environnement (Environmental Protection Network), qui avait produit en octobre 2020 un rapport impressionnant sur toutes les atteintes à l’environnement et à la santé publique portées par l’administration Trump. « Nous ne pouvons pas permettre que 50 ans de progrès environnementaux durement acquis soient réduits à néant en seulement quatre ans », avait alors déclaré Elizabeth Southerland, ancienne directrice du bureau de la science et de la technologie au bureau de l'eau de l'EPA… Là, c’est reparti pour un tour.
A l'Immigration, un duo de choc
On en reparle bientôt sur les humanités : à l’Immigration, Trump nomme un duo de choc. Surnommé "le Tsar des frontières", Tom Homan, ancien policier de 62 ans, va diriger l'agence responsable du contrôle des frontières et de l'immigration. Là aussi, la feuille de route est claire : il s’agira d’engager, dès le premier jour de l’investiture de Trump, la plus grande opération d'expulsion de migrants illégaux de l'histoire des États-Unis ; des migrants accusés par Trump « d’empoisonner le sang » des États-Unis. Au début de l'année 2024, lors d'une conférence à Washington, Tom Homan avait annoncé la couleur : « Vous avez ma parole. Si Trump revient en janvier, je serai dans ses talons et je mènerai la plus grande opération de déportation que ce pays ait jamais connue. »
Tom Homan, ancien policier, va diriger l'agence responsable du contrôle des frontières et de l'immigration. Photo DR
Contrairement à Lee Zeldin, Tom Homan a quelques compétences en la matière. En 2014, alors qu’il servait dans l’administration Obama comme directeur par intérim du service de l'immigration et des douanes, il n’avait rien trouvé de mieux, pour entraver l’immigration clandestine, que de séparer les enfants de leurs parents. Cette pratique, dénoncée par l'American Civil Liberties Union, avait été condamnée par la justice, ce qui n’empêche pas Tom Homan de la remettre aujourd’hui sur la table, avec les encouragements de Donald Trump.
Pour tenter de damer le pion à l’American Civil Liberties Union (Union américaine pour les libertés civiles), une Association fondée en 1920 dont la mission est de « défendre et préserver les droits et libertés individuelles garanties à chaque personne par la Constitution et les lois des États-Unis », et dont les actions ont souvent fait évoluer le droit constitutionnel, les ultra-conservateurs qui soutiennent Trump ont créé en 2021 l’organisation America First Legal. Son actuel directeur, Stephen Miller, va devenir chef de cabinet adjoint chargé de la politique au sein de la nouvelle administration Trump. C’est à lui qu’il reviendra de superviser la politique anti-immigration. Lors du premier mandat de Trump, il était déjà considéré comme l’architecte des mesures les plus répressives (et les plus controversées) en la matière. Lui qui avait repris l’idée de Tom Homan de se servir des enfants pour intimider les migrants.
Manières brutales, mine antipathique, paranoïaque jusqu’à la folie, méticuleux et obsessionnel, adepte décomplexé de la théorie du "Grand Remplacement", fan du Camp des Saints, livre de référence de l'extrême droite française (son auteur, Jean Raspail, y décrit la submersion de la civilisation occidentale par une immigration massive), Stephen Miller est un « moine soldat de la lutte contre l’immigration », écrivait en février 2020 Jonathan Blitzer dans un article assez effrayant du New Yorker (en accès libre, ICI). Depuis ses années au lycée, Stephen Miller est littéralement obsédé par l'immigration. Stephen Miller raconte une réunion en 2016 avec des représentants des ministères de la sécurité intérieure, des affaires étrangères et de la justice. A la fin de la réunion, il s'excuse de s'être montré « trop dur » et ajoute, au bord des larmes : « C'est juste que c'est tout ce qui m'intéresse. Je n'ai pas de famille. Je n'ai rien d'autre. C'est ma vie ».
Une girouette aux affaires étrangères
Le sénateur de Floride Marco Rubio, lors de la campagne de Donald Trump. Photo DR
Un dernier faucon, pour finir. Si sa nomination n’est pas encore confirmée, Marco Rubio devrait remplacer Anthony Blinken comme secrétaire d’État, chargé des Affaires étrangères. Sénateur républicain pour la Floride depuis 2010, l’ambitieux Marco Rubio a navigué dans le passé entre des positions ultra-conservatrices (contre l’avortement, pour la peine de mort…) et d’autres jugées plus modérées, notamment… sur l’immigration. Climatosceptique, s'opposant aux mesures visant à limiter les émissions de carbone ; il veut aussi abolir le ministère fédéral de l'Éducation.
En 2016, alors qu’il affrontait Donald Trump aux primaires républicaines, il avait qualifié le milliardaire d'« arnaqueur » et de « la personne la plus vulgaire qui ait jamais aspiré à la présidence ». L’un de ses sponsors, le promoteur immobilier Stan Pate, avait même financé une spectaculaire opération anti-Trump dans le ciel de Padasena, en Californie, faisant voler cinq avions avec d’énormes banderoles sur lesquelles on pouvait lire : "Trump est un dictateur fasciste" ou encore "Trump est dégoûtant". Mais depuis, les deux hommes se sont rabibochés. Le goût du pouvoir, ça rend parfois girouette !
En matière d'affaires étrangères, Marco Rubio fervent d'une ligne dure à l'égard de la Chine, de l'Iran, du Venezuela et, tout particulièrement, de Cuba (lui-même est un enfant d'immigrants cubains). Opposé à tout cessez-le-feu à Gaza, Marco Rubio est un admirateur inconditionnel du Premier ministre israélien Benjamin Nethanayou, tout comme Michael Waltz, qui sera nommé au poste de directeur du conseil de sécurité nationale.
Sur l'Ukraine, c'est en revanche l'option girouette qui l'emporte. En août 2022, avec le sénateur démocrate Tim Kaine, il "exhortait" le président Biden "d'intensifier les efforts déployés par les États-Unis" en soutien à l'Ukraine. Mais en mars dernier, il commençait à faire volte-face dans une interview pour Fox News, laissant entendre qu'au fond, on pourrait bien laisser à Poutine les régions annexées par la Russie. En toute logique, il a fait partie des sénateurs républicains qui ont voté contre les 95 milliards de dollars d'aide militaire à Kiev, adoptés par le Congrès américain en avril 2024. Désormais pleinement rallié à Donald Trump,il fera de toute façon ce que le patron lui ordonnera de faire.
Jean-Marc Adolphe
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