Personne n’est parfait : Mathilde Tutiaux est Carolomacérienne, adoncques originaire de Charleville-Mézières. C’est à ce titre que le quotidien régional L’Union lui consacrait sa Une, ce dimanche13 février 2022. Et Mathilde est danseuse. Une danseuse (ou un danseur) à la Une d’un quotidien, ça n’arrive quand même pas tous les jours. Danseuse et même pas intermittente, puisqu’elle a un job fixe, depuis 2011. Au Moulin-Rouge. Pour elle, un rêve devenu réalité. Au sein d’une troupe de 90 danseur.ses de quinze nationalités différentes, elle est l’une des cinq seules Françaises. Ça n’a pas l’air de déranger Zemmour et Le Pen. Quoi qu’il en soit, les Ardennes ont de quoi être fières de leur rejetonne, digne héritière de La Goulue et de Nini Pattes en l'air. Dans le cadre de la série VU D’EN FRANCES, pour prendre le pouls de la France comment qu’elle va, avec bonheurs et déboires, depuis les territoires voire terroirs, avec le concours de la presse quotidienne régionale.
Reportage texte et photos Samuel Thiolière / L’Union
Mathilde Tutiaux nous a donné rendez-vous dans une brasserie parisienne, à quelques pas du Moulin-Rouge. La jeune femme s’est installée dans l’arrière-salle du Bel ami, établissement situé place de Clichy. Souriante, élégante et naturellement avenante, elle dégaine même la première et demande si le trajet n’a pas été compliqué depuis les Ardennes pour rallier la capitale. L’occasion est trop belle pour rebondir sur son parcours dansant, de Charleville-Mézières jusqu’à la scène du Moulin-Rouge. « J’avais 10 ans, je faisais du patinage artistique. Puis je suis allée avec des copines à Moving zone, une école de danse réputée, et j’ai tout de suite adhéré. »
Pascal Pereira, danseur, chorégraphe et créateur, en est l’âme et donne le tempo. L’artiste est passionné par le modèle de spectacle cabaret. Mathilde, avec des prédispositions naturelles vite détectées, se nourrit pendant des années de ses précieux conseils. Comme un guide et mentor pour beaucoup de danseuses du coin, le regretté Pascal Pereira lui ouvre la voie vers le sommet. Mathilde raconte : « Il nous emmenait au Lido, au Moulin-Rouge ou au Crazy Horse. Adolescentes, nous étions littéralement transportées par cette dynamique. » L’image de l’excellence du spectacle de cabaret, de sa grandeur et sa démesure, s’ancre alors certainement dans l’ADN de la jeune fille.
Son cursus scolaire, mené en parallèle avec brio, la voit décrocher son baccalauréat à 17 ans. Un passeport pour enfin rejoindre la capitale et se rapprocher des étoiles. L’élève du lycée Sévigné opte pour des études en marketing et communication. Elle décrochera un master.
Son amie Ornella Damperon, complice de toujours depuis Moving Zone, décroche dans le même temps son entrée au Crazy Horse et vient loger chez l’étudiante. Comme un déclic. « Ornella vivait, sous mes yeux, la vie que je voulais vivre. »
Mathilde, qui a poursuivi la danse à Paris via des cours particuliers, décide de passer les auditions ultra-sélectives du Moulin-Rouge. Son mètre soixante-quinze, son physique harmonieux, son aptitude à évoluer sur scène mais aussi sa personnalité font le reste. Elle tape dans l’œil de la maîtresse de ballet.
Elle prévient ses parents, qui n’ont pas été mis dans la confidence des auditions. Pascale et Robert sont tout d’abord surpris par le cap qui se dessine pour leur fille, sentiment entremêlé d’une grande fierté depuis leur maison à Charleville-Mézières. Sélectionnée dans le même temps au Crazy Horse, Mathilde rejoint pourtant le Moulin-Rouge, mythique cabaret fondé en 1889.
Une vie dansante mais exigeante
Aujourd’hui, et depuis dix ans, sa vie tourbillonne intensément au rythme du cabaret. « J’adore ma vie, je suis extrêmement fière de danser au Moulin-Rouge », lance spontanément Mathilde avec un grand sourire. Son quotidien s’habille donc de paillettes et de strass, de raffinement et d’exigence, celle du haut niveau. Avec un seul soir de repos par semaine, l’Ardennaise enchaîne les performances aux côtés de 59 autres danseurs d’exception.
Martine Ostensen en fait partie et s’échauffe près de Mathilde, le spectacle commence dans trente minutes. La Norvégienne fixe, les yeux brillants, sa partenaire d’échauffement et glisse : « Mathilde est une super-fille. Je suis heureuse de danser à ses côtés. Vous savez, je la regardais à la télévision, en Norvège, avant de rejoindre le Moulin-Rouge à mon tour. Elle est devenue mon amie. »
La magie de la revue Féerie opère chaque soir. Une recette chorégraphique inchangée depuis vingt-deux ans, qui fait le tour du monde, quand le monde ne vient pas à lui. Les tableaux s’enchaînent à la perfection : « Le Moulin-Rouge aujourd’hui et hier, le Moulin-Rouge toujours », « Les pirates », « Au cirque », « Le Moulin-Rouge de 1900 à… », sans oublier l’inévitable French cancan, marque de fabrique toujours attendue par les 850 spectateurs attablés. « Tout le monde commence par danser le french cancan », précise celle qui est aujourd’hui danseuse de ballet et meneuse de revue remplaçante.
Les représentations riment avec perfection. « Nous faisons deux représentations par soir et nous répétons toutes ensemble quatre fois par mois, renseigne la danseuse. Mais il peut nous arriver de reprendre individuellement ou collectivement entre deux spectacles du même soir. Deux observateurs dans la salle veillent à l’excellence au quotidien. »
Son corps, comme outil de travail, nécessite la plus grande attention. « On ne doit pas prendre ou perdre plus de deux, trois kilogrammes, indique Mathilde. Au Moulin nous ne sommes pas pesés régulièrement comme au Crazy. Mais nos costumes, conçus sur mesure, sont nos meilleurs indicateurs. »
Fin de soirée. Un taxi, mis à disposition par le Moulin, va la raccompagner jusqu’à son domicile. L’heure pour l’artiste d’échapper aux lumières de la capitale et de se reposer. « Je sors peu en soirée, avoue Mathilde. Même si les portes s’ouvrent facilement quand on est une fille du Moulin. » Justement, il n’a pas été possible de lui offrir son cocktail sans alcool, en début de soirée, au Bel ami. Près de la caisse enregistreuse et billet en main, la direction de la brasserie parisienne a pris les devants. « C’est pour nous, c’est un plaisir d’offrir la consommation à une fille du Moulin. »
Une journée type
Le grand écart, une formalité pour Martine (à gauche) et Mathilde.
L’Ardennaise se lève tard. « Aux alentours de onze heures, plutôt midi », sourit-elle. Après un petit-déjeuner aux allures de brunch, son programme varie selon l’envie. La danse n’est jamais bien loin pour celle qui doit être toute l’année au top de sa forme. « Je vais à la salle de sport, j’aime aussi me rendre à la boxe où je fais du sac de frappe. » La vie parisienne lui offre aussi un loisir non dissimulé quand elle confie « s’offrir de longues promenades sous forme de virées shopping ». Elle franchit la porte de l’entrée des artistes vers 18 h 30. Elle rejoint alors sa loge, qu’elle partage avec cinq danseuses. Seules les trois meneuses de revues titulaires ont une loge personnelle. Une séance de maquillage puis d’échauffement attend Mathilde. Elle peut enfiler son premier costume avant d’entrer sur scène. Le premier spectacle débute à 21 heures, le deuxième à 23 heures. Sa journée de travail se termine généralement vers 1 heure du matin, le taxi la dépose à son domicile une heure plus tard. La danseuse n’a qu’une journée de repos par semaine, le samedi.
En aparté, Mathilde confie avoir vécu des moments difficiles lors du premier confinement : « C’était l’horreur, je me suis retrouvée bloquée dans les 20 m 2 de mon salon. Je me suis mise à la course à pied . »
Dix ans de voyages et de rencontres
Le berceau du French cancan joue sa partition essentiellement à domicile, dans sa magnifique salle qui peut accueillir 850 privilégiés. Le Moulin-Rouge s’exporte à l’international lors d’événements majeurs, dans des ambassades, sur demande d’importantes sociétés privées. La troupe de danseurs s’envole alors pour danser et devient un sublime représentant de la culture française dans le monde entier.
À chaque fois, le Moulin est très attendu avec une renommée qui le précède. « Nous faisons une tournée tous les dix-huit mois, avance Mathilde. L’engouement autour de notre arrivée est toujours incroyable à l’étranger, nous sommes très sollicitées. »
« Nous véhiculons l’image de la France, poursuit Fanny Rabasse, l’attachée de presse. Un symbole, un savoir-faire reconnu partout où l’on se rend. »
Mathilde, souvent exposée en première ligne des médias, fait partie des cinq Françaises d’une troupe de 90 danseurs de quinze nationalités différentes. Fanny Rabasse confirme : « Mathilde est une figure emblématique, elle est souvent la danseuse qui se rend aux interviews ou conférences de presse. C’est notre ambassadrice. »
Tokyo, New-York, Londres, l’Australie à plusieurs reprises ou encore l’Espagne, la Carolomacérienne a presque du mal à se remémorer tous ses déplacements, mais certains sont inscrits dans le marbre.
Comme en 2015, alors que le Moulin-Rouge se produit à New York, sur Times Square, une première pour le cabaret parisien. L’occasion de poser devant l’objectif avec François Hollande, alors président de la République. La photo de la troupe du Moulin-Rouge en costume de French cancan et du Président sur Broadway fera le tour des médias, avec Mathilde une nouvelle fois en pole position.
Des rencontres qui se font également « à domicile », dans son temple parisien du 82, boulevard Clichy. « Des chanteurs, des sportifs, des politiques. Seal, Céline Dion, Nicolas Karabatic, énumère-t-elle. Régulièrement des personnalités viennent assister au spectacle. » Là aussi avec des temps suspendus, comme Céline Dion, croisée dans les loges. Mathilde se souvient : « Céline Dion nous a chanté La vie en rose dans les coulisses, un moment privilégié. »
Il reste une rencontre qu’elle aimerait faire l’été prochain. Grâce au cabaret, toujours, mais celui de Charleville-Mézières, le Cabaret vert, elle espère pouvoir conjuguer son emploi du temps avec le festival de musique. Le concert de Stromae, mercredi 17 août, est coché dans son agenda. On l’imagine se déhancher, dans l’anonymat et au milieu de milliers de festivaliers au son du célèbre titre Alors on danse.
Compléments
Le Moulin-Rouge, en 1900.
Le premier bâtiment électrifié de Paris
Situé sur le boulevard de Clichy, au pied de la butte Montmartre, le Moulin-Rouge a été fondé en 1889 par le Catalan Joseph Oller et par Charles Zidler, qui possédaient déjà l'Olympia.
A l’époque, Montmartre, au milieu d’un Paris de plus en plus gigantesque et dépersonnalisé, a su garder une ambiance de village bucolique.
Il y eut jusqu’à 30 moulins à vent sur la butte Montmartre (dont 12 rue Lepic) qui broyaient du grain, du maïs, du plâtre, de la pierre. Étymologiquement, on oppose à « cabaret » ou « cabret » (terme d’origine picarde, signifiant « petite chambre » ou « établissement où l’on sert des boissons »), ce que le grammairien et spécialiste des langues orientales Jean Deny appelle le prototype arabe kharabat signifiant « cabaret » en turc, persan et pachto, ou encore khammarat autre racine arabe proposée par l'orientaliste Antoine-Paulin Pihan. La revue est à l’époque une petite pièce comique ou satirique passant en revue l’actualité et ses personnalités, avec humour et irrévérence.
Le 6 octobre 1889, le Moulin-Rouge est inauguré au pied de la butte Montmartre à l'emplacement de l'ancien Bal de la Reine Blanche. Son créateur Joseph Oller et son directeur et associé Charles Zidler sont de redoutables hommes d’affaires, qui connaissent bien les goûts du public. L’objectif est de permettre aux plus riches de venir s’encanailler dans un quartier à la mode, Montmartre. Le lieu extravagant – le jardin est agrémenté d’un gigantesque éléphant – permet à toutes les populations de se mélanger. Petits employés, résidents de la place Blanche, artistes, bourgeois, hommes d’affaires, femmes élégantes et étrangers de passage s’y côtoient. Surnommé « Le Premier Palais des Femmes » par Oller et Zidler, le cabaret connaît rapidement un vif succès avec des soirées festives, au champagne, où l’on danse et rit énormément grâce à des attractions pleines d’humour et qui changent régulièrement, comme celle du Pétomane.
Une nouvelle danse inspirée du Quadrille ou « chahut » est de plus en plus populaire : le French Cancan, exécutée sur un rythme endiablé par des danseuses aux costumes affriolants avec des jupons et des culottes fendues. Des danseuses illustres resteront dans l’Histoire du Moulin-Rouge, incluant La Goulue, Jane Avril, la Môme Fromage, Grille d’Égout, Nini Pattes en l’Air et Yvette Guilbert. Le Moulin-Rouge est un lieu aimé des artistes, dont le plus emblématique est Henri de Toulouse-Lautrec. Ses affiches et ses tableaux assurèrent au Moulin-Rouge une notoriété rapide et internationale.
Au milieu d’une ville de plus en plus gigantesque et dépersonnalisée, Montmartre cultive son esprit village, grande famille qu’on s’est choisie, son aspect bucolique avec les vendanges, c'est-à-dire humain. Le Moulin-Rouge affiche « Bal, divertissements, variétés ». Visionnaires, Joseph Oller et Charles Zidler, directeur, imaginent un lieu rehaussé d’un gros moulin peint en rouge et illuminé la nuit afin d’être bien visible depuis les Grands boulevards et le bas de la rue Blanche. Le Moulin-Rouge, très différent des autres moulins de la butte Montmartre avait pour vocation essentielle d'être l'enseigne de l'établissement. Dessiné par Adolphe Willette, il fut le premier bâtiment électrifié de Paris. Sa forme et sa couleur immédiatement reconnaissables en ont fait un des emblèmes de Paris.
Joseph Oller n'en est pas à sa première création, entre autres, parmi les plus célèbres : inventeur du Pari mutuel en 1867, fondateur d’un des premiers grands parcs d’attraction avec les montagnes russes boulevard des Capucines en 1887, créateur de l’Olympia en 1893. La femme prend une place primordiale dans le cabaret qui promet « de l’or et des jambes de femme ». Oller et Zidler voulait créer « le premier palais de la femme ». Dans la société de cette fin du XIXe siècle, « le sexe était perçu comme une chose peu honorable et l'expression du plaisir n'existait que dans les amours illicites, réservés aux hommes ». La curiosité excite l'imagination des hommes, leurs fantasmes les conduisent au Moulin-Rouge. La Goulue et autres chahuteuses dansent sur des rythmes endiablés et jouent de leurs "gambettes" dévoilées en partie. Dès le début pourtant, les hommes ont aussi la vedette, avec Valentin le Désossé. Ses deux personnages ont été des vedettes instantanées, mais Louise Weber, surnommée « la Goulue », est devenue avant l'heure une véritable « star » par son audace et son énergie. Tête d'affiche permanente, elle est le symbole du cancan et du Moulin-Rouge, adulée par Toulouse-Lautrec qui en fait son modèle favori.
Henri de Toulouse-Lautrec et Tremolada, assistant de Zidler, manager du Moulin-Rouge. Paris, 1892.
Le 12 novembre 1897, le Moulin-Rouge ferme exceptionnellement ses portes en raison des obsèques de son directeur et co-créateur Charles Zidler. Yvette Guilbert lui avait rendu hommage en lui déclarant : « Vous avez le génie de créer du plaisir populaire, dans le sens très élevé du mot, d’amuser les foules avec des nuances, selon la qualité de la masse à distraire ». En 1900, des 5 continents, les étrangers sont attirés par l’Exposition universelle et affluent au « Moulin rouch ». Les mêmes, rentrés chez eux, firent de Paris la Babylone moderne, la capitale des plaisirs et des « p'tites dames de Paris ».
Le dernier bal au Moulin-Rouge a lieu le 29 novembre 1902 et il se transforme en théâtre concert.
En janvier 1903, le Moulin-Rouge rouvre ses portes après des travaux de rénovation et d’aménagement. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, le Moulin-Rouge se transforme en véritable temple de l’opérette. Les spectacles s’enchaînent : « Voluptata », « La Feuille de Vigne », « le Rêve d’Égypte », « Tais-toi tu m’affoles », etc. Le 3 janvier 1907, au cours du spectacle « le Rêve d’Égypte », Colette échange un baiser sur scène avec sa maîtresse la duchesse de Morny (dite « Missy »). Jugée scandaleuse, la pièce est interdite.
Mistinguett photographiée par Nadar.
Le 29 juillet 1907, première apparition de Mistinguett sur la scène du Moulin-Rouge dans « la Revue de la Femme ». Née dans une famille modeste, Mistinguett confie : « La banlieue, n’en sort pas qui veut. J’avais un don : la vie. Tout le reste, reste à faire, à penser. Je n’ai pas pu me permettre d’être un bel animal, il a fallu penser à tout. »
Le Moulin-Rouge est détruit lors d’un incendie le 27 février 1915. Ses travaux de reconstruction ne débuteront qu'en 1921.
Après-guerre, c’est Francis Salabert qui prend les commandes du Moulin-Rouge. Homme d'affaires plus qu'homme de spectacle, il confie à Jacques-Charles, le n°1 des revuistes de l'époque, le soin de raviver les couleurs du cabaret. Le Moulin-Rouge prend alors un nouvel essor, grâce à des vedettes telles que Gina Palerme, Mistinguett, Jeanne Aubert ou Maurice Chevalier, ainsi qu'à la présentation, pour la première fois à Paris, de revues américaines avec les Hoffmann Girls.
En 1923, Raphaël Beretta, compositeur et chef d'orchestre qui dirigea les Folies Bergère, l'Olympia et le Casino de Paris se proposa de rétablir le music-Hall du Moulin-Rouge dans un grand édifice. Le Moulin s'élève au milieu de la façade soutenu par une partie ronde décorée en partie supérieure de lucarnes ovales.
Au Moulin-Rouge, Mistinguett crée de nombreuses chansons devenues éternelles, dont Valencia, Ça, c’est Paris, Il m’a vue nue, On m’suit, cette dernière avec Jean Gabin. Pierre Fouchet devient directeur de l'établissement, Jacques Charles qui devient directeur artistique et Mistinguett qui devient « codirectrice » avec son partenaire Earl Leslie.
En 1929, Mistinguett se retire de la scène et quitte le Moulin-Rouge dont le théâtre de 1 500 places assises devient une des plus grandes salles de cinéma d'Europe avec en première partie des artistes de Music-Hall.
L'ancienne salle de bal subsiste et se transforme en night club ultra moderne en 1937. Cette même année, le Cotton Club, qui fait fureur à New York, se produit au Moulin-Rouge, ainsi que Ray Ventura et ses collégiens. Entre 1939 et 1945, la Seconde Guerre mondiale vient interrompre l’effervescence du Moulin-Rouge, qui devient un dancing, le Robinson Moulin-Rouge. Quelques jours avant la libération de Paris en 1944, Édith Piaf, dont le talent est déjà reconnu, se produit sur la scène du Moulin-Rouge, avec Yves Montand, un débutant qu’on lui impose.
Le 22 juin 1951, Georges France, dit Jo France, fondateur du Balajo, acquiert le Moulin-Rouge et entreprend de considérables travaux de rénovation. Les soirées dansantes, les attractions et le célèbre French cancan sont de retour au Moulin-Rouge. 19 mai 1953, le 25e Bal des Petits Lits blancs, organisé par le romancier Guy des Cars, a lieu au Moulin-Rouge en présence du président de la République, Vincent Auriol, et avec, pour la première fois sur une scène européenne, Bing Crosby. La soirée attire 1 200 artistes et vedettes venus du monde entier, dont Joséphine Baker qui chantera J'ai deux amours.
Le célèbre French Cancan, toujours présent, est bientôt chorégraphié par Ruggero Angeletti en 1955. Doris Haug fonde la troupe des « Doriss Girls » au Moulin-Rouge en 1957. Au début de l'année 1960, la « Revue japonaise » crée l'événement. Entièrement composée d'artistes japonais, la revue lance le kabuki à Montmartre.
En 1962, Jacki Clérico succède son père en prenant la direction du Moulin-Rouge. C’est le début d’une nouvelle ère : agrandissement de la salle, installation d’un aquarium géant et premier ballet aquatique. Depuis 1963 et le succès de la revue « Frou-Frou », Jacki Clérico, par superstition, ne choisit plus que des titres de revues commençant par la lettre F. À chaque revue, le légendaire French cancan est présent : « Frou-Frou » (1963-1965), « Frisson » (1965-1967), « Fascination » (1967-1970), « Fantastic » (1970-1973), « Festival » (1973-1976), « Follement » (1976-1978), « Frénésie » (1978-1983), « Femmes, femmes, femmes » (1983-1988), « Formidable » (1988-1999) et « Féerie » (1999-2020).
Le 23 novembre 1981, le Moulin-Rouge ferme exceptionnellement ses portes afin de présenter son spectacle devant la reine d’Angleterre, Élisabeth II. Deux galas sont organisés en 1984 : l'un pour Dean Martin et l'autre pour Frank Sinatra. Le 1er décembre 1986, Mikhaïl Barychnikov, crée au Moulin-Rouge un ballet original de Maurice Béjart.
Le 6 octobre 1988, un gala du Centenaire est organisé avec notamment Charles Aznavour, Lauren Bacall, Ray Charles, Tony Curtis, Ella Fitzgerald, les Gipsy Kings, Charles Trenet, Esther Williams.
En 1994, un gala est organisé au profit de la Fondation des Artistes contre le SIDA avec un concert privé d’Elton John. En 1995, un gala Lancôme est organisé pour le lancement du parfum « Poème » avec Juliette Binoche. Le 14 novembre 1999, une dernière représentation de la Revue du Centenaire « Formidable », qui a accueilli, de 1988 à 1999, plus de 4,5 millions de spectateurs, est donnée. La revue « Féerie » est pour la première fois présentée le 23 décembre 1999.
En février 2009, à l’occasion de l’année de la France au Brésil et dans le cadre du Carnaval de Rio, le Moulin-Rouge est invité au Carnaval de Rio Copacabana. En octobre 2009, le cabaret fête ses 120 ans.
(Source principale : Wikipedia)
A qui appartient le Moulin-Rouge ?
Jean-Victor Clerico, directeur général du Moulin-Rouge. Photo Philippe Lavieille / Le Parisien.
Depuis 1955, les Clerico, famille d'origine italienne, président aux destinées du célèbre cabaret fondé au XIXe siècle. En 1997, toutefois, le Moulin-Rouge dépose le bilan. Selon Jean-Victor Clerico, directeur général du Moulin-Rouge, « dans les années 1995, on était très dépendant de la clientèle japonaise. Or, avec la reprise des essais nucléaires dans le Pacifique, les Japonais ont cessé de venir à Paris. Au même moment, les grèves en France ont touché le tourisme. Il était trop tard pour réagir. Un plan de continuation a été approuvé sur la base du lancement d'une 11e revue, Féérie. À peine deux ans plus tard, on avait remboursé tous nos créanciers. Nous avons modifié notre stratégie commerciale et diversifié nos clients. On fait attention dès qu'une nationalité dépasse 10 % des spectateurs. Notre clientèle est étrangère à 55 % : Américains, Britanniques, Australiens, Chinois et Espagnols en tête. »
« Toute la création artistique s'opère en interne, à huis clos, pendant près de deux ans, sous la direction de mon père », ajoute-t-il. « Tous métiers confondus, nous sommes 450 salariés, dont 100 artistes. En salle, nous avons l'une des plus grandes brigades de France avec 120 personnes, dont une trentaine de cuisiniers. En 2015, on a agrandi la cuisine pour tout faire sur place, nous démarquer et monter en gamme. On a ouvert le Bar à Bulles (NDLR : caché derrière les ailes du Moulin Rouge) avec une terrasse. En 2010, on a repris le club et la salle de concert adjacente (NDLR : l'ex-Locomotive) baptisée la Machine du Moulin Rouge. S'ajoutent tous les métiers intégrés dans le groupe depuis 2006 : atelier de création, bottiers, plumassiers, broderie… (…) Chaque année, nous devons investir 5 M€ : 4 M€ dans la revue et 1 M€ pour la salle. On est rentables avec 64 M€ de chiffre d'affaires, dont 58 M€ pour le cabaret. L'essentiel vient de la vente de billets sachant qu'une grande majorité achète le package dîner-spectacle, à partir de 175 euros par personne, jusqu'à 420 euros pour la formule VIP. »
« Nous sommes un spectacle à plumes, on n’en voit pas beaucoup, même à Paris », insiste-t-il, tout en désignant le Lido, détenu par Sodexho, comme son plus grand rival. Ouvert tous les jours de l’année avec deux représentations de « Féérie » par soir, le mécanisme du Moulin est bien rodé : un synopsis inchangé en 20 ans mais des costumes renouvelés tous les ans et demi. Face à une salle de 850 personnes, le show met en lumière 60 « Doris Girls » et 10 « Boys » de 14 nationalités, à la fois danseurs et acrobates, qui exécutent le show deux fois de suite… Tous sont en CDI, une particularité propre à l’univers des cabarets. « Les filles se changent 11 fois pendant la revue. » Cela représente 1 200 costumes et accessoires, tous confectionnés sur-mesure par la soixantaine d’artisans qui œuvrent ainsi au Moulin : plumassiers, costumiers, bottiers… Ces professionnels au savoir-faire reconnu peuvent aussi travailler pour des clients extérieurs comme EuroDisney par exemple. « C’est un moyen de diversifier nos revenus », raconte le directeur général.
(Source : Le Parisien, 14 octobre 2019)
A LIRE ET ÉCOUTER Sur France Culture (octobre 2019).
VIDEO Au cœur du Moulin Rouge/ Documentaire d’Alexandre Gosselet et Abdel Mostefa
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