Faire école ensemble, association créée lors du premier confinement, se transforme en « fabrique des communs pédagogiques ». «Une leçon de la crise de la COVID-19 est qu’on ne peut plus assurer des services publics essentiels comme celui de l’éducation sans y associer les citoyens», estime l’un de ses fondateurs, Benjamin Gentils.
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JOURNAL DES INITIATIVES L’association Fée (Faire école ensemble), qui s’était constituée au début du premier confinement pour venir en aide à la communauté éducative, a décidé, lors de son assemblée générale, le 26 janvier 2022, de se transformer en Fabrique des communs pédagogiques.
«Une leçon de la crise de la COVID-19 est qu’on ne peut plus assurer des services publics essentiels comme celui de l’éducation sans y associer les citoyens», estime Benjamin Gentils, co-fondateur de Faire école ensemble : « Il ne s’agit pas de superposer un nouveau dispositif d’innovation à ce qui existe mais de :
- proposer des cadres juridiques et économiques stables aux nouveaux travailleurs de l’éducation et praticiens des "communs pédagogiques" (enseignants développeurs, "pédago-makers'", enseignants qui font classe dehors, architectes pratiquant les permanences architecturales en milieu scolaire, designers-chercheurs embarqués, etc.) qui ont fait connaissance depuis Mars 2020 dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et qui ont appris peu à peu à coopérer autour de situations inédites.
- faire émerger - ou révéler - des coalitions d'acteurs qui ne trouvent aujourd'hui pas d'accueil adéquat dans les cadres de soutiens conventionnels et qui, du fait de la complexité des sujets adressés, sont dans la nécessité de co-construire des ressources pour massifier et accélérer des projets éducatifs dans les territoires de la francophonie.
Par ces actions, nous souhaitons faire du territoire le premier support des apprentissages, renforcer les capacités d’action locale des élèves, des enseignants, des parents, des animateurs, des agents des collectivités, des chercheurs, etc. en leur redonnant prise sur leurs outils de travail (les espaces d’apprentissage, le matériel pédagogique, la production de connaissances) et in fine transformer le système éducatif par les communs. »
La Fabrique des Communs Pédagogiques en quelques mots ?
La Fabrique des Communs Pédagogiques, c’est un dispositif d’action publique alternatif aux appels à projets traditionnels qui vise à mobiliser des communautés et des coalitions d’organisations autour des enjeux liés à l’éducation. Notre action vise notamment à produire, révéler et pérenniser des communs dans l’éducation. Nous sommes convaincus qu’agir par les communs peut transformer l’action publique. Les contributrices et contributeurs agissent en communauté(s). Elles et ils créent des liens durables et mobilisent des pratiques contributives et coopératives pour agir sur des problématiques éducatives.
Ce qui vous a poussé à lancer ce projet ?
En mars 2020, nous avons monté le collectif “Faire école ensemble” afin de faciliter le soutien citoyen (ingénieux·ses, architectes, designers·euses, libristes, chercheur·euses, etc.) de la communauté éducative (enseignant·es, agents des collectivités, éducateur·trices, parents, élèves, étudiant·es, etc.) pendant l’épidémie de Covid-19.
Dans un monde où les crises sociales, climatiques, démocratiques se multiplient, on ne peut plus assurer des services publics essentiels sans y associer les citoyens.
Dans un monde où les crises sociales, climatiques, démocratiques se multiplient, on ne peut plus assurer des services publics essentiels sans y associer les citoyens. La période a montré que la société centralisée dans laquelle nous vivons avait ses limites dans les crises. Nous avons vu des citoyens s’auto-organiser pour assurer la continuité de service . Avec la fabrique des communs pédagogiques, nous tentons de proposer des cadres de coopération qui permettent aux citoyens, aux acteurs publics et privés de travailler ensemble.
Votre méthode ?
Nous ne faisons pas à la place des autres, nous sommes là pour donner de la capacité à agir et révéler des coalitions existantes. Autour de chaque thématique sur laquelle la Fabrique des Communs Pédagogiques va se mettre en action, nous regardons la diversité des acteurs mobilisés et mobilisables pour les faire travailler ensemble. Notre rôle est de leur apporter une ingénierie de la coopération et documentaire.
Le défi à relever ?
Nombreux sont les acteurs qui travaillent sur les sujets éducatifs depuis des années. A titre d’exemple, en ce moment nous travaillons sur la classe dehors (www.classe-dehors.org). Ce sujet réunit un collectif de 21 organisations très diverses avec, pour n’en citer que quelques-unes : la Ligue de l’Enseignement, la FCE, France Nature Environnement, les CEMEA, l’IGN, Profs en transition, l’ANDEV, etc.
Notre démarche consiste à donner des capacités d’action locales qui pourront nourrir des communs utiles à toutes et tous.
Elles ont des connaissances très complémentaires sur le sujet. Le défi n’est donc pas de réinventer la roue mais plutôt de réunir leurs expertises, de mettre en visibilité les acteurs en action et de révéler les complémentarités. Finalement, notre démarche consiste à donner des capacités d’action locales qui pourront nourrir des communs utiles à toutes et tous.
Un autre de vos projets phares ?
La fabrication de matériel pédagogique dans les Fablab. Pour ce projet, nous travaillons entre autres avec le réseau des “Tiers-Lieux Edu” qui a pour mission de mettre en contact les espaces collaboratifs d’apprentissage (établissements scolaires, bibliothèques, fablab, makerspace ou encore openlab éducatif etc) et le Réseau Français des Fablabs. Ensemble, nous avons lancé le site materiel-pedagogique.org, une bibliothèque en ligne, ouverte et collaborative, de matériel pédagogique avec des plans de conception et des fiches d’usages permettant à des professeurs bricoleurs ou à des parents passionnés de fabriquer eux-mêmes du matériel pédagogique de la maternelle à l’université, toutes disciplines confondues.
L’étape d’après ?
Sur la classe dehors, nous permettons aux enseignants et acteurs de l’éducation de partager et mutualiser des ressources et des pratiques pédagogiques sous licence creative commons, notamment en s’appuyant sur le wiki Faire Ecole (wiki.faire-ecole.org). La diffusion de ressources ouvertes sous licences libres favorise l’essaimage des initiatives. L’étape d’après, c’est d’engager l’ensemble des acteurs à produire ensemble ces ressources pédagogiques avec un co-budget. Faire ensemble, c’est un cercle vertueux permettant d’optimiser les coûts et de gagner en efficacité.
Vos valeurs phares ?
Trois valeurs centrales guident notre action. La première c’est la convivialité, au sens d’Ivan Illich qui appelle société conviviale : “une société où l’outil moderne est au service de la personne et intégré à la collectivité. Conviviale est la société où l’Homme contrôle l’outil”. La deuxième c’est la collégialité qui se matérialise par notre modèle de gouvernance : nous n’avons ni conseil d’administration, ni président. La dernière, c’est la réciprocité. L’objectif d’une logique apprenante c’est avant toute chose de s’enrichir les uns des autres.
Les enjeux ?
Avoir une école ouverte sur son territoire et son environnement. Notre objectif est de faire en sorte que la société fasse corps avec l’école, qu’elle s’engage autour de problématiques éducatives.
Le meilleur support d’apprentissage, c’est le territoire.
Pour avoir une école qui fonctionne, on a besoin de tout le monde : architectes, designers, chercheurs, acteurs associatifs, agents publics… Ce sont eux qui permettent aux enfants d’explorer le monde à travers sa réalité territoriale. Le meilleur support d’apprentissage, c’est le territoire.
Votre mantra ?
Le mantra “Faire école ensemble” qui a donné le nom de l’association éphémère que nous avions créée avant le lancement de la Fabrique des Communs Pédagogique.
Un rêve pour l’éducation de demain ?
Actuellement, l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) préparé un appel à communs pour un street-view de la France. Pour sa part, l’Agence de la transition écologique (Ademe) a récemment lancé un appel à communs pour accompagner des écosystèmes écologiques dans les territoires. De même, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères déploie une stratégie à l’international en faveur des communs numériques. Désormais, je rêve que l’on développe les appels à communs dans le champ éducatif. L’idée étant de passer d’une logique de mise en concurrence des acteurs, à une logique de mise en coopération.
Pour aller plus loin ?
Pour en savoir davantage sur nos actions je vous invite à écouter les 4 podcasts ont été enregistrés en juillet 2021 avec le living lab Interactik, un laboratoire d’innovation porté par le service public d’éducation en Bretagne qui ambitionne de mobiliser les acteurs locaux pour travailler collectivement et apporter des réponses sur les enjeux du numérique éducatif :
De fée à la Fabpeda (Charlotte Rizzo, Lysiane Lagadic et Benjamin Gentils)
Classe dehors (Moïna Fauchier Delavigne et Benjamin Gentils)
Les états généraux du numérique libre et des communs pédagogiques (Benjamin Gentils et Christophe Noullez)
Les enseignants développeurs (Hervé Baronnet et Alexis Kauffmann)
(Entretien initialement publié sur le site Profil Public)
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