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"Félicitations Vladimir, tu as gagné tes élections truquées! / "Merci. A toi aussi, Donald!". Dessin : Morin (États-Unis), Cartooning for peace
En Allemagne, une voiture fonce dans un rassemblement syndicaliste. Hypothèse : et si, à 10 jours d'élections législatives cruciales, il s'agissait d'un "attentat d'ingérence" ? En tout cas, tout semble bon, pour affaiblir la démocratie et l'Europe, à Trump-Musk et Poutine, qui semblent avoir conclu un deal entre voyous et signeront bientôt un pseudo-accord de paix en Arabie Saoudite, pour mieux dépecer l'Ukraine et faire communément main basse sur ses ressources.
Un échange « très équitable, très raisonnable ». C’est ainsi que Donald Trump a qualifié le deal conclu avec Vladimir Poutine sur la libération de deux prisonniers. D’un côté, l’Américain Marc Fogel, enseignant dans une école américaine à Moscou, qui avait été condamné en juin 2022 par un tribunal moscovite à quatorze ans de prison pour avoir importé du cannabis à usage selon lui médical. De l’autre, un "expert informatique" russe, Alexander Vinnik, qui avait été extradé en août 2022 de la Grèce vers les États-Unis, où il avait plaidé coupable en mai 2024 pour association de malfaiteurs en vue de faire du blanchiment d’argent via une plate-forme d’échange de cryptomonnaies créée en 2011, au moment où le bitcoin commençait à prendre de la valeur.
En France, Alexander Vinnik avait également été condamné à cinq ans de prison pour « extorsion et blanchiment en bande organisée ». Parmi près de deux cents victimes, collectivités ou particuliers, Vinnik avait notamment réussi à rançonner la Caisse nationale des allocations familiales, l’Union nationale des combattants, et des dizaines de collectivités territoriales (Lire Le Monde du 21 octobre 2020). La justice fédérale américaine a, de son côté, étendu ses investigations à de plus amples forfaits, et attesté que la plateforme contrôlée par Alexander Vinnik avait blanchi plus de 4 milliards de dollars pour le compte de criminels, la majeure partie de l'argent ayant été convertie en dollars américains et en roubles russes. La majeure partie de ce blanchiment d’argent concernait des trafiquants de drogue (cocaïne, opioïdes, fentanyl) agissant sur le dark net.
Des broutilles, pour Donald Trump. En fervent apôtre des cryptomonnaies, n’a-t-il pas fait nommer au poste stratégique de secrétaire au Trésor, en la personne de Scott Bessent, un gestionnaire de fonds spéculatifs et qui milite depuis longtemps pour le "marché crypto", qu’il considère comme « synonyme de liberté ». Y compris la liberté de truander.
Quant au trafic de drogues, Donald Trump n’a pas eu besoin d’une supplique de Poutine pour faire libérer, aux États-Unis, au lendemain de son investiture, un certain Ross Ulbricht, qui avait pourtant été condamné en 2015 à la prison à vie sans possibilité de libération. Ross Ulbricht, alias Dread Pirate Roberts, avait fondé la plateforme "Silk Road", surnommée "le supermarché de la drogue", qui permettait, entre autres, d’acquérir des centaines de kilos de drogues, des logiciels destinés à déverrouiller des ordinateurs, mais aussi de recruter des tueurs à gages… (voir sur le magazine Rolling Stone, 4 février 2014). Au nom de la liberté du commerce, sa libération était réclamée à corps et à cris par les cercles libertariens… (1)
Tous deux sont de fervents adeptes des crypto-monnaies...
A gauche : Ross Ulbricht, narco-trafiquant condamné à la prison à vie en 2015,
mais gracié par Donald Trump (photo Julia Vie / Rolling Stone).
A droite : Scott Bessent, le nouveau secrétaire au Trésor des États-Unis (photo Mark Shiefelbein / AP)
Avant même l’élection américaine, sentant venir le vent du boulet, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a bien essayé de gagner, sinon les faveurs, du moins l’attention de Donald Trump. C’était, d’avance, peine perdue, non seulement parce que l’entourage du président américain est très nettement pro-russe, à commencer par Tulsi Gabard, nouvelle directrice du renseignement national, dont la nomination a été entérinée avant-hier par le Sénat américain (par 52 voix contre 48) malgré ses nombreuses prises de position en faveur du régime d’Assad en Syrie, et de Poutine (elle a elle-même été financée par une "agence de communication" reliée au Kremlin). Mais aussi, et surtout, parce que Zelensky s’est trompé d’interlocuteur. Il pensait naïvement pouvoir dialoguer avec Trump entre chefs d’États. Or, il a affaire à un voyou sans foi ni loi, qui foule aux pieds tout ce qui a été construit depuis la Seconde guerre mondiale en termes de droit international, de diplomatie et d’instances multilatérales.
Trump « réfléchit le conflit [russo-ukrainien] comme un potentiel marché », explique Samantha de Bendern, chercheuse associée à l’Institut royal des affaires internationales, spécialiste de la Russie, l’Ukraine et la Biélorussie. Même la proposition ukrainienne d’accueillir des investissements miniers américains pour exploiter des ressources rares et précieuses (telles que le titane, le lithium ou encore le graphite), dont a besoin l’industrie américaine de la tech, n’est pas suffisante aux yeux de Trump : il veut beaucoup plus, quitte à partager le gâteau avec Moscou.
Le récent échange téléphonique entre Trump et Poutine n’a pas été préparé, comme cela aurait dû être le cas, par Keith Kellogg, officiellement envoyé spécial des États-Unis pour la Russie et l'Ukraine. Dans le secret des coulisses, Donald Trump a missionné un autre émissaire, Steve Witkoff, théoriquement chargé du Moyen-Orient. Ce dernier est un magnat de l’ immobilier, ami de longue date de Trump, dont nous avons déjà parlé dans les humanités (lire ICI).
Le blanc-seing donné à Poutine pour conserver les territoires occupés (Crimée et Donbass) sera de toute façon, pour l’Ukraine, un accord de dupes. Car ce « gel »territorial, loin de mettre fin à la guerre, offrira simplement un répit à Poutine avant d’étendre la conquête au reste de l’Ukraine, à la Mer noire et aux fameuses "terres rares" dont le "marché" sera partagé avec les États-Unis. Ça, c’est le plan. Évidemment, cela ne peut être énoncé comme ça, de but en blanc. Tout voyou qu’il est, Trump est quand même obligé de respecter certaines "formes", d’autant qu’il ne faudrait pas trop vite donner quitus à la Chine et à sa volonté d'envahir Taïwan.
Cet accord scélérat prendra donc l'apparence d’un "accord de paix" (un nouveau Yalta, plutôt), négocié sans l’Ukraine et d’où l’Europe sera tenue à l’écart, qui serait signé en Arabie Saoudite. Pourquoi diable l’Arabie Saoudite ? Parce que Trump a besoin de l’Arabie Saoudite pour transformer Gaza, en Palestine, en "nouvelle Riviera" (ce n’est pas un hasard si Steve Witkoff, qui s’y connait en immobilier de luxe, a été chargé de faire le go-between entre Riyad et Moscou). C’est du cynisme-billard à trois bandes.
A gauche : Elon Musk (photo DR). A droite : après "l'attentat de Munich", le 13 février 2025. Photo dpa Picture-Alliance.
Évidemment, l’Europe s’opposera à un tel plan. Mais, et c’est le pari commun entre Trump et Poutine, que restera-t-il de l’Union européenne dans quelques mois, voire quelques semaines ? Les élections législatives anticipées en Allemagne, le 23 février, vont être un test décisif. Olaf Scholz et le Parti social-démocrate sont à la peine, mais les conservateurs de la CDU n’en mènent pas large non plus, face à la montée en puissance de l’extrême extrême-droite d’Alternative für Deutschland (AfD). On sait déjà que ce parti anti-démocratique et xénophobe reçoit le soutien du proto-martien néo-nazi Elon Musk.
Mais voilà que, comme par hasard, quelques jours avant une "Conférence de Munich" sur l’Ukraine, et dans un contexte où le sujet de l’immigration a été rendu hautement inflammable ; dans cette même ville de Munich, un jeune demandeur d’asile afghan de 24 ans fonce dans la foule au volant d’une Mini Cooper, lors d’un rassemblement organisé par un syndicat allemand, Ver.di. Selon les autorités bavaroises, l’auteur de "l’attentat" était « connu des services de police », notamment pour des délits de vols liés à des produits stupéfiants.
Même s'il n’existe, à ce stade, aucune preuve d’une telle hypothèse, ça ressemble fort à un coup fourré. Et je ne serais pas surpris outre mesure si, d’ici quelques jours ou semaines, l’enquête ne venait à incriminer les "services de renseignement" russes. La menace de tels "attentats d’ingérence" a de toue façon été clairement brandie par certains propagandistes du Kremlin, tel le présentateur de télévision Soloviev et l’ancien président Medvedev.
Le Renseignement intérieur allemand a d’ores et déjà identifié de nombreuses campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux, actions de propagande et cyberattaques en vue « d’affaiblir la confiance dans la démocratie ». Hors réseaux sociaux, à bas bruit (la presse française en a très peu parlé),une autre "ingérence", inédite, a été identifiée par le renseignement allemand. En décembre dernier, à Berlin, en Bavière et dans le Bade-Wurtember, quelque 300 voitures ont été sabotées avec le même mode opératoire, consistant à obstruer le pot d’échappement avec de la mousse expansive, un autocollant avec la photo du candidat des Verts à la chancellerie, Robert Habeck, étant par ailleurs apposé sur le pare-brise. Il n’en fallait pas plus pour que des journaux populistes allemands, proches de l’AfD, se déchaînent : « Des radicaux du climat s’en prennent à des voitures »… En janvier, quatre jeunes hommes ont été arrêtés : les enquêteurs ont découvert qu’ils avaient été "recrutés" (avec la promesse de 100 euros par véhicule saboté), via la messagerie Viber... par un commanditaire russe.
Main dans la main, Elon Musk et le Kremlin semblent alliés pour faire gagner l’extrême-droite en Allemagne, ce qui mettrait à mal l’Union européenne : un préalable nécessaire pour pouvoir tranquillement, entre copains et voyous, dépecer l’Ukraine ?
Jean-Marc Adolphe
(1). Dans Capitalisme de l’apocalypse, ou le rêve d’un monde sans démocratie (Le Seuil, janvier 2025), l’historien canadien Quinn Slobodian se lance sur les traces des libertariens radicaux les plus notoires - de Milton Friedman à Peter Thiel et Elon Musk. Cette enquête magistrale nous mène du Hong Kong des années 1970 à l'Afrique du Sud à la fin de l'apartheid, du Sud des États-Unis à la ville de Londres, de Dubaï à la Somalie en guerre, et jusque dans le métavers, révélant de manière vertigineuse les progrès terrifiants du capitalisme sans la démocratie.
Parce que vous le valez bien, les humanités ce n'est pas pareil. Notre liberté de dire n'a pas de prix, sauf celui que vous voudrez bien lui accorder. Dons (défiscalisables) ou abonnements ICI
Manifestation parisienne le 23 février : STOP à l'agression russe !!
Pas de négociations de paix sans l'Ukraine et sans retour des Ukrainiens déportés en Russie, notamment les enfants.
Union des Ukrainiens de France, Ukraine_CombArt, Kalyna, Comité français du réseau européen de solidarité avec l' Ukraine, Association Volya, MEMORIAL 98, Ukraine Libre... et bien d'autres.
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