Parmi les principales victimes du conflit armé en Colombie, les communautés indigènes et afro-descendantes ont été « raccrochées » au dernier moment à la signature de l’Accord de Paix en 2016. Et sa mise en œuvre continue de les laisser en grande partie sur le bord du chemin.
L’indifférence tue. Depuis deux mois, environ un millier de personnes appartenant à la communauté embera chamí ont dressé un campement de fortune, avec des bâches en plastique, dans l’enceinte du Parc National à Bogotá (Photo). Depuis deux mois, ces familles, arrivées là après avoir été déplacées de force des territoires où elles vivaient (Lire ICI, «Le pays des déplacement forcés»), demandent à être pleinement reconnues comme victimes et que leur soit accordée l’assistance théoriquement prévue par la loi. En vain. « Sur nos territoires, nous sommes violées, déplacées, dépossédées de nos terres, nous venons en ville pour sauver nos vies, mais il nous arrive la même chose ou pire encore », déclare la porte-parole du campement.
Le 28 novembre dernier, un enfant de 3 ans en est mort, faute de soins. « Depuis le premier jour, nous réclamons à cor et à cri une brigade sanitaire permanente, car c'est une question de vie, de santé. Je ne sais pas combien d'enfants supplémentaires nous devrons enterrer, combien de grands-parents, de femmes ou de naissances naturelles les sage-femmes devront encore prendre en charge avant que les autorités réagissent et comprennent qu'il s'agit d'un problème humanitaire. » Plus de 300 enfants sont présents sur le campement, et la plupart souffrent de malnutrition, présentent des maladies respiratoires, des diarrhées et des problèmes de peau. Humanitaire ? Le gouvernement d’Ivan Duque laisse pourrir la situation. Après tout, ce ne sont que des indigènes…
Femme Emberá. Photo Jose Montoya / Creative Commons
Le peuple Emberá vit principalement dans le département du Chocó, au nord-ouest de la Colombie. C’est une communauté qui a particulièrement souffert du conflit armé, en particulier dans les années 2000. Nombre d’entre eux ont dû fuir les territoires ancestraux sur lesquels ils vivaient. Et le gouvernement colombien a vite fait de confisquer ces terres pour accorder des licences d’exploitation à plusieurs sociétés minières, notamment la multinationale américaine Muriel Mining Corporation, sans se soucier des procédures de consultation des communautés que prévoit pourtant la loi. Les menaces contre la communauté Emberá n’ont pas cessé avec la signature de l’Accord de Paix entre l’État colombien et les FARC, en 2016. De nouveaux groupes armés (paramilitaires et guérillas dissidentes) continuent de harceler celles et ceux qui défendent leurs terres. Les déplacements forcés se poursuivent, ainsi que les assassinats de leaders de la communauté. En avril dernier, plusieurs hommes armés ont ainsi exécuté chez lui, sous les yeux de sa femme et de ses enfants, Rafael Domicó Carupia, un musicien traditionnel de 63 ans. Ses meurtriers n’ont jamais été retrouvés. Quelques mois plus tôt, un autre leader Emberá, Miguel Tapi Rito, avait été pareillement trucidé. Hommes ou femmes : en octobre dernier, ce fut au tour de Nazaira Calambás, influente représentante de la communauté misak de Guambía, dans le Cauca (lire l’article de France 24, en espagnol, ICI)
Les chiffres sont affolants. Pour la seule année 2021, 58 leaders ethniques (indigènes et afro-colombiens) ont été assassinés. Dans la seule partie nord du Cauca, 175 membres des communautés indigènes ont été tués entre 2016 et 2020. Entre 1998 et 2008, au plus fort du conflit armé, l’Organisation Nationale Indigène a dénombré 1.980 assassinats de membres des communautés indigènes. Et plus de 70.000 déplacements forcés de populations concernant en particulier ces populations.
VIDEO. L’ex-chef paramilitaire Salvatore Macuso avoue le meurtre du leader Embera Kimy Pernía Domicó en 2001, et dialogue avec sa fille, Martha Cecilia Domicó, dans le cadre de la Commission Vérité (octobre 2020).
De toute évidence, les communautés indigènes et afro-descendantes ont été extraordinairement touchées par les 50 ans de conflit armé en Colombie, menacées dans leur survie même. Comme le rapporte l’enquête de Verdad Abierta (ci-dessous), l’Accord de Paix signé en 2016 entre l’État colombien et les FARC ne leur a pourtant accordé qu’un strapontin, à la toute dernière minute : quatre pages d’un « chapitre ethnique » sur un accord de 310 pages ! Cet « oubli » de la question indigène se poursuit dans la mise en œuvre de l’Accord de Paix, et les communautés indigènes et afro-descendantes en sont encore à lutter pour être pleinement reconnues comme victimes du conflit armé et faire valoir leurs droits à restitution des terres.
La Colombie est une formidable mosaïque humaine. Kogis de la Sierra Nevada, Guambianos de Silvia, Wayúu du désert de La Guajira, Arhuacos, Tukanos, Nukak Maku, Muiscas, Embera Chami, etc. : 1,2 million de personnes indigènes y sont recensées (à peu près 3,5 % de la population du pays), réparties en une kyrielle de 102 peuples répartis sur l’ensemble du territoire. Diversité à laquelle il faut ajouter les communautés noires, descendantes des esclaves venus d'Afrique pour servir de main-d’œuvre aux conquistadors espagnols.
Le dernier congrès de l’Union Internationale pour la Conservation, puis la COP 26, ont enfin reconnu le rôle essentiel des communautés autochtones comme « gardiennes de la Terre », leur souci de la biodiversité, leur lutte contre la déforestation et, partant, contre le réchauffement climatique. La logique voudrait que leur existence ne soit plus discriminée, ou réduite au seul parfum exotique des « traditions ancestrales », mais pleinement soutenue comme valeur de paix, et au-delà, comme vision d’un monde où les ressources naturelles ne seraient plus objet d’aveugle convoitise. Car c’est cette convoitise, en premier lieu, qui a semé la mort et la désolation en Colombie.
Jean-Marc Adolphe.
ENQUÊTE DE VERDAD ABIERTA
07/ Le chapitre ethnique, confiné sur le papier
Après avoir surmonté de multiples obstacles, les communautés afro-descendantes et indigènes ont réussi à inclure dans l'Accord de Paix une série de garanties visant à protéger leurs droits et à s'assurer que leurs territoires ne seraient pas affectés par la mise en œuvre des politiques post-conflit. Cinq ans plus tard, les progrès sont pratiquement nuls, à quelques exceptions près.
« Au petit déjeuner, on peut deviner de quoi sera fait le déjeuner », dit un proverbe. Cette phrase illustre la mise en œuvre de l'ensemble des garanties que les peuples indigènes ont réussi à inclure, à la dernière minute, dans le pacte qui a mis fin à plus de 50 ans de confrontation entre l'État colombien et la guérilla des FARC, la plus ancienne du continent sud-américain. Le petit-déjeuner, ce furent les premiers dialogues de paix que le gouvernement du président de l'époque, Juan Manuel Santos (2010-2018), et la guérilla des FARC ont tenus à La Havane, entre novembre 2012 et août 2016. Dès l’annonce de l’ouverture d’un espace de négociation pour discuter d'un agenda en six points afin de construire une paix stable et durable, les populations afro et indigènes ont demandé à pouvoir y participer.
Malgré leur insistance, leurs demandes n'ont pas été entendues, comme ce fut le cas pour la sous-commission sur le genre, créée pour garantir les droits des femmes et des membres de la communauté LGBTI (Lire ICI). Face à ces refus, les communautés ethniques ont mené diverses actions de plaidoyer, comme la création d’une Commission ethnique pour la paix, afin d'unir leurs efforts et même de demander un soutien à l'étranger, notamment auprès du Congrès américain. Ne pas baisser les bras a finalement payé : entre le 26 et le 27 juin 2016, les négociateurs du gouvernement et des FARC ont reçu une délégation composée de dix représentants des communautés noires, dix des communautés indigènes et deux des communautés rroms.
« Les effets sur les communautés indigènes ne se limitent pas à cinquante ans de conflit armé, mais plongent leurs racines dans une tradition de colonisation et d'exclusion des peuples et des communautés indigènes. »
Feliciano Valencia, indigène Nasa
et sénateur de la République pour le Mouvement alternatif indigène et social (MAIS).
À ce moment-là, cinq des six points du futur Accord de Paix avaient déjà été convenus. Les délégués ethniques avaient peu de marge de manœuvre. C'est pourquoi, sur les 310 pages qui composent le traité de paix avec les FARC, seules quatre donnent vie au chapitre ethnique. En août 2016, lorsqu'il a été annoncé au monde que « tout était convenu », les représentants afro et indigènes se battaient toujours pour leurs droits. Ils ont finalement réussi à les faire inscrire au point 6.2 de l'Accord final pour la fin du conflit et la construction d'une paix stable et durable. Son principe directeur reconnaît que les communautés ethniques « ont souffert de conditions historiques d'injustice, en raison du colonialisme, de l'esclavage, de l'exclusion et du fait qu'elles ont été dépossédées de leurs terres, territoires et ressources ; et qu’elles ont également été gravement touchées par le conflit armé ».
Feliciano Valencia, membre du peuple Nasa et sénateur pour le Mouvement d'alliance indigène et sociale (MAIS), explique que le chapitre ethnique prévoit quatre garanties qui empêchent que la mise en œuvre des accords de La Havane se fasse au détriment des droits des peuples ethniques. Ainsi, toute politique dite post-conflit doit préserver le caractère primaire et non subsidiaire de la consultation préalable libre et informée ; le droit à l'objection culturelle ; l'approche transversale ethnique, de genre, des femmes, de la famille et des générations ; et la garantie de non-régression.
Tel était le « petit déjeuner » du chapitre ethnique. Son « déjeuner » a été servi au cours des cinq dernières années. Et comme le suggère le vieil adage, sa mise en œuvre est semblable à sa négociation : elle a été pleine de retards, de non-conformités et de refus.
Communautés indigènes et afro-descendantes : la désillusion.
Tout comme les communautés ethniques n'ont été entendues qu'à la toute fin des dialogues de paix, il en a été de même pour la construction du Plan Cadre de Mise en Œuvre (PMI), la feuille de route pour traduire les dispositions de l'Accord de Paix en politiques publiques. « Quatre mois étaient disponibles pour la mise en œuvre du point relatif à l'élaboration du plan-cadre de mise en œuvre. Le gouvernement en a systématiquement exclu les peuples indigènes », explique Helmer Quiñones, coordinateur de l'équipe consultative de l'Instance spéciale de haut niveau avec les peuples ethniques (IEANPE).
Marches et protestations indigènes.
Les communautés ont eu recours à leur outil le plus puissant : la protestation. « Nous avons fini par participer à la fin du plan-cadre de mise en œuvre, entre les mois de septembre et décembre 2017, mais ce fut le résultat de la minga indigène et afro-descendante qui a bloqué la route panaméricaine et a forcé le gouvernement à nous faire participer au processus », rappelle Helmer Quiñones.
Ce retard a été constant dans la mise en œuvre. Selon le dernier rapport de l'Institut Kroc, chargé d’évaluer la mise en œuvre des politiques post-conflit, la plupart des points ethniques restaient, en juin dernier, très en deçà des objectifs minimaux. Pour cette raison, « les peuples indigènes éprouvent un sentiment aigre-doux vis-à-vis de l'accord de paix », commente Richard Moreno, coordinateur du Conseil afro-colombien pour la paix et membre du Forum de solidarité interethnique du Chocó : « Nous avions de grands espoirs et aspirions à combler le retard que, historiquement, nos communautés ont connu, en termes de besoins de base non satisfaits. Dans notre évaluation globale, la mise en œuvre se situe autour de huit pour cent. Et les avancées ne concernent pas les points les plus importants dont nous avons besoin ».
Un point de vue partagé par Charo Mina, membre d’une instance qui regroupe des dizaines d'organisations afro-descendantes, pour qui « les quelques avancées ont concerné de petits projets d'infrastructure. Il n'y a pas de titrage des terres ou d'expansion des territoires collectifs, ni de possibilités de retour pour les personnes déplacées. »
La terre, la principale dette.
Différentes organisations afro-descendantes et indigènes s'accordent à dire que l’application de la Réforme Rurale Intégrale présente d'énormes lacunes [La Réforme Rurale Intégrale est le premier point de l’Accord de Paix, dont l’objectif est de contribuer à la transformation structurelle des campagnes, en comblant les écarts entre zones rurales et zones urbaines. La Réforme Rurale Intégrale doit intégrer les régions, contribuer à l'éradication de la pauvreté, promouvoir l'égalité et garantir la pleine jouissance des droits des citoyens -NdR].
Ces mêmes organisations ajoutent que le gouvernement falsifie le nombre d’hectares du Programme foncier de redistribution et attribution de terres. Camilo Niño, président du Secrétariat technique de la Commission Nationale des Territoires Indigènes (CNTI), raconte qu'ils ont découvert cette situation lorsque l'Agence nationale des terres leur a notifié l'attribution de 245.000 hectares, comme produit de la mise en œuvre de l'Accord de Paix : « Après examen, nous avons constaté que ces 245.000 hectares proviennent de processus qui étaient en cours bien avant la signature de l’Accords de Paix. Par exemple, cela inclut une réserve indigène qui avait demandé son extension il y a 42 ans, et d'autres qui correspondaient à des processus judiciaires en cours. » (…)
« Le gouvernement a mis en avant un titrage collectif qui ne correspond pas aux engagements de l'accord, mais à des engagements issus du passé. Cela signifie que les nouveaux engagements ne sont pas respectés », poursuit Charo Mina qui parle d’une dette d'environ un million d'hectares pour 200 conseils communautaires qui demandent des titres collectifs : « Il y a des conseils communautaires qui ont perdu des espaces et n'ont jamais obtenu de titre collectif, comme c’est le cas pour 40 conseils du nord de Cauca, parce que différents gouvernements ont refusé de reconnaître l'existence d'une communauté afro-descendante sur ces territoires. »
Dans une situation similaire se trouvent 779 réserves indigènes dans tout le pays, qui ont acquis des terres par leurs propres moyens par le biais du système général de participation, mais qui n'ont pas été annexées à leurs titres collectifs. Dans les registres de l'Agence Nationale des Terres, il y a 1.014 demandes d'extension, de constitution et de réglementation. « Il est faux de dire que les peuples indigènes exigent que l'État achète et leur attribue des millions d'hectares, car nous avons déjà l'usage et la possession de nombreuses zones qui ne demandent qu'à être officialisées », ajoute Camilo Niño, de la Commission Nationale des Territoires Indigènes.
VIDEO. Hymne de la Garde Indigène du Cauca.
Les Gardes Indigènes et Marron tenues à l’écart
La Garde Indigène et la Garde Marron ne sont mentionnées qu’une seule fois dans l’Accord de paix, dans les quatre pages du chapitre ethnique consacrées aux mécanismes de protection collective des peuples autochtones [Le Conseil Régional Indigène du Cauca définit la Garde indigène comme un instrument de résistance, d'unité et d'autonomie pour la défense du territoire et du projet de vie des communautés indigènes. Il ne s'agit pas d'une structure policière, mais d'un mécanisme de résistance humanitaire et civile. La Garde Marron est l’équivalent de la garde indigène pour les communautés noires, afro-descendantes et palenqueros – NdR]. Armando Valbuena, secrétaire de l'Instance spéciale de haut niveau avec les peuples ethniques, une entité créée pour assurer le suivi de la mise en œuvre des dispositions ethniques de l’Accord de Paix, dénonce un manque volonté politique du gouvernement. Il affirme que « l'unité de protection nationale a soutenu certains des principaux processus de protection collective, mais ils ne constituent pas en soi une politique d'État pour que soit exercé le contrôle territorial. Dans le Pacifique, nous sommes présents dans 30 municipalités et nous ne disposons pas des ressources nécessaires pour la mobilisation des gardes. Nous avons besoin de choses simples comme des moyens de communications dans les régions sans connectivité. »
La situation de la Garde Marron n'a, pour sa part, aucune reconnaissance légale. (…) « Il y a une position discriminatoire de la part du gouvernement national à l'égard de la Garde Marron », indique Charo Mina. « Elle n'a pas besoin d'une loi pour être reconnue, elle a déjà la reconnaissance pour faire partie du processus de lutte. Globalement, il n'y a pas de volonté politique pour reconnaître le peuple afro-descendant ».
« La garde indigène a reçu des bottes, des radios, des gilets. Des choses utiles pour l'usage quotidien, mais ce n'est pas suffisant pour affronter les dynamiques adverses qui existent dans nos territoires. »
Edwin Mauricio Capaz, l'un des porte-parole du Conseil régional indigène du Cauca.
Edwin Mauricio Capaz, l'un des porte-parole du Conseil régional indigène du Cauca (Cric), affirme de son côté que la Garde du Cauca a reçu quelques équipements logistiques nettement suffisants pour faire face aux contextes de violence auxquels les communautés sont confrontées : « Ils ont donné des bottes, des radios, des gilets. Des choses utiles pour l'usage quotidien, mais ce n'est pas suffisant pour affronter les dynamiques adverses qui existent dans nos territoires, qui méritent de plus grands efforts. »
Dans la mise en œuvre de la Juridiction Spéciale pour la Paix (lire ICI), de la Commission de Clarification de la Vérité (lire ICI) et de l'Unité de Recherche des Personnes Disparues (lire ICI), contrairement aux autres mesures de l'Accord de Paix, les communautés ethniques ont été prises en compte. Ces trois entités forment le Système Intégral de Vérité, Justice, Réparation et Non-répétition. (…) Pour Marino Córdoba, président de l'Association des Afro-Colombiens Déplacés (Afrodes), bien que ce « système intégral » ait été fortement contesté par le gouvernement, c'est le seul élément qui, jusqu'à présent, donne des résultats concrets pour les communautés ethniques : « Il est important de comprendre comment le conflit nous a affectés de manière différentielle. Il y a eu des progrès en termes de participation, dans la construction des rapports, dans la présentation de nos points de vue, nous avons été entendus et nous sommes représentés. » En ce qui concerne les communautés indigènes, le sénateur Feliciano Valencia souligne que le travail des trois entités créées pour réparer les victimes du conflit armé peut générer « une reconnaissance et une vérité sur le conflit à partir des voix des communautés indigènes elles-mêmes, car bien que le conflit armé ait profondément affecté de nombreux secteurs sociaux et communautés rurales, les impacts qu'il a eu sur les communautés indigènes ont une signification particulière car ils transcendent l'individualité et ont imprégné le sujet collectif. »
Sous le regard des organismes de contrôle
Le bureau du Procureur général et le bureau du Contrôleur général ont suivi de près la mise en œuvre du chapitre ethnique. Dans différents rapports, ils ont mis en cause le retard pris dans sa mise en œuvre et ont demandé que les dettes envers les peuples ethniques soient réglées rapidement. Dans son troisième rapport au Congrès sur l'état d'avancement de la mise en œuvre de l'Accord de Paix, présenté en août dernier, le ministère public a conclu que l'application du chapitre ethnique, cinq ans après la signature de l'Accord de Paix, se situe à un niveau très bas. « Les peuples continuent de souffrir des conditions historiques d'injustice et d'iniquité et continuent d'être gravement affectés par la dynamique de la reconfiguration du conflit armé interne et l'intensification de la violence dans les territoires », peut-on lire. L'une de ses principales critiques porte sur la gestion du Fonds pour les Terres, puisque le sous-compte ethnique n'est pas encore réglementé et ne dispose pas de fonds alloués. (…)
Emilio Archila, conseiller du président colombien Iván Duque pour la Stabilisation et la Consolidation [de l’Accord de Paix], parle au contraire d’un bilan satisfaisant. Selon lui, 1,2 million d’hectares sur un objectif de 3 millions d’hectares en 15 ans) ont été intégrés ces trois dernières années au registre foncier de terres à redistribuer, et sur les 7 millions d'hectares qui devraient être attribués à des paysans ayant peu ou pas de terres, plus d'un million d’hectares ont déjà été accordés. « L’attribution des terres fait l'objet d'une discussion tant politique que juridique », ajoute-t-il. (…)
Les retards du Programme National Intégral pour la Substitution des Cultures Illicites [PNIS, dont l’objectif était d’inciter à l’éradication volontaire des plants de coca et à les remplacer par d’autres cultures – NdR] ont également été soulignés dans les rapports du Contrôleur général. Le gouvernement ayant exprimé sa volonté de mettre en œuvre le programme dans les territoires qui n'ont pas été formalisés comme des réserves, il n'y a pas de consultation avec les communautés qui y vivent : « La participation des peuples ethniques à la conception et à la mise en œuvre des plans nationaux n'a pas été garantie, car outre l'absence de stratégie d'attention à l'égard de ces communautés, dans certains cas (eau, irrigation), l'absence d'approche ethnique différenciée a été justifiée par le caractère universel du service public, et bien que dans les autres cas, elle soit mentionnée dans le texte du plan, elle n'est signalée que comme un critère de différenciation. »
Ajoutées à la résurgence de la violence due à l’apparition de nouveaux groupes armés qui se disputent les territoires contrôlés par les anciennes FARC, ces dettes accumulées envers les communautés indigènes et afro-descendantes, reflètent la part congrue (4 pages) qui leur a été laissée dans l’Accord de Paix. Les communautés afro et indigènes demandent toutefois à leurs dirigeant.e.s de continuer à se battre pour la mise en œuvre du chapitre ethnique, et veulent garder l’espoir de vivre en paix.
Pour lire in extenso l’article de Verdad abierta
En espagnol : ICI
En anglais : ICI
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