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Photo du rédacteurDaniel Mallerin

Kiki Picasso, peintre du futur antérieur

Dernière mise à jour : 21 juin



Évacuation des sans-papiers réfugiés à l'église Saint-Bernard, 1996 (extrait). © Kiki Picasso


PORTFOLIO Un "bilan provisoire", déjà fort copieux. Jusqu’au 9 mai 2024, Kiki Picasso (s')expose dans l’espace Niemeyer, le hall et la coupole du siège du Parti communiste français place du Colonel-Fabien à Paris. A cette occasion, l'artiste, fondateur du légendaire mouvement Bazooka, offre aux humanités / journal-lucioles un portfolio exclusif, ici accompagné par un texte enlevé de Daniel Mallerin, membre du comité de rédaction "luciolesque" des humanités, et qui fut le premier éditeur de Kiki Picasso.


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REPÈRES Christian Chapiron, alias Kiki Picasso, né le 15 avril 1956 à Nice, est un artiste multidisciplinaire, membre et fondateur du mouvement Bazooka (1), qui a notamment collaboré avec le journal Libération et la revue Un Regard moderne à la fin des années 1970. Après la dissolution de Bazooka, il poursuit une carrière de graphiste pour la télévision, travaillant sur l'identité visuelle de nombreuses émissions. Dans les années 1980, il est l'un des premiers artistes à utiliser la PaintBox, la première tablette graphique.

Il réalise en 2002 le film Traitement de substitution N°4 qui réunit ses œuvres en vidéo réalisées à la PaintBox. Depuis quelques années, il se consacre plus exclusivement à la peinture, tout en poursuivant son engagement militant, notamment auprès de l'association d'aide aux usagers de drogue Asud.

En 2009, Kiki Picasso publie en 2009 avec Loulou Picasso Engin Explosif improvisé aux éditions l'Association. On y retrouve une quarantaine de diptyques agrémentés de textes et slogans, ainsi qu'en annexe l'intégralité des Animaux Malades (1977-1978).

Kiki Picasso s'est tourné vers la peinture, malgré le fait qu'il n'ait « jamais eu envie d'aller sur le marché de l'Art » et que les commandes de peintures par des galeries contraignent l'artiste à rester cantonné dans son atelier. La Maison Rouge lui commande en 2017, pour l'exposition L'Esprit français, contre-cultures, 1969-1989, une série de vingt tableaux grand format, horizontaux, qui revisite de manière chronologique les grands événements de l'actualité de cette époque.

 

(1). La création de Bazooka est partie du constat fait par ses membres que les espaces d'expression alloués par les institutions artistiques, notamment les galeries, n'offrent pas la liberté nécessaire à la diffusion de leurs créations, et ne s'adressent pas au public qu'ils souhaitent toucher. Les membres du groupe sont dans une logique de guérilla contre les institutions, attaquant les galeries à coups de fumigènes ou de boules de neige. La logique de Bazooka était de faire de l'art sur d'autres supports que les murs des galeries, privilégiant les médias. Identifiés au mouvement punk, Bazooka, puis Kiki Picasso seul, ont réalisé de nombreuses pochettes d'albums, notamment pour le label Skydog, référence du punk en France, fondé par Marc Zernati, ainsi que des clips pour Starshooter, Elli et Jacno, Alain Bashung, Sapho, Nicoletta, Elvis Costello…

Source : Wikipedia (extraits) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Kiki_Picasso


Ouvrages parus : Les chefs d'oeuvre de Kiki Picasso, éditions Le Dernier Terrain Vague, 1981 ; Dripping Kiki, Kiki Picasso, éd. Jean-Pierre Faur, 1992 ; Psychoactif, Christian Chapiron et Christian Vilà, éd. du Lézard, 2000 ; Nouvelles haschichiennes, Kiki Picasso et Shilum, éd. du Lézard, 2005 ; Engin explosif improvisé, Kiki Picasso et Loulou Picasso, éd. L'association, juin 2009 ; Carnival, le rêve d'un ogre ridicule, Eugène Durif et Kiki Picasso, éd. Tohu Bohu, 2019


TEXTE


Les fans

-       Pince-moi ! Est-ce un rêve ? La prise du siège du PCF par Kiki Picasso. T’as vu ces banderoles accrochées aux grilles - BILAN PROVISOIRE – 50 ANS DE L’HISTOIRE RÉCENTE EN 50 PEINTURES – le trompe l’œil militant, l’affiche lacrymogène ?


-       Qui aurait pu imaginer que la Résistance Graphique, ce vieux mot d’ordre de Kiki Picasso, notre flamboyante figure punk, atteigne un tel niveau de "spectacularité" ? Le gigantisme du "détournement" – la soucoupe d’Oscar Niemeyer, à plus d’un titre emblème de la capitale – mais aussi le rapt du Politique et de l’Art confondus dont on prend la mesure avec le Journal-Catalogue indissociable de l’exposition, de son concept et de son achèvement.


-       Que vois-je ? L’éditorial pompon est signé Pierre Laurent, pur-sang communiste et ancien patron de l’Humanité. Kiki Picasso ne s’est-il pas fait autrefois casser la gueule par quelques grenadiers du PCF ? Éditorial auquel s’ajoutent les déclarations de foi de deux mandarins de la forteresse culturelle, l’un directeur général de l’institut National de l’Histoire de l’Art (fidèle de Bazooka), Éric de Buretel de Chassey, et le deuxième, Président du Palais de Tokyo, Guillaume Desanges.


-       Non, ce n’est pas un canular !

-       Mais comment en est-on arrivés là ?


Le Président du Palais de Tokyo :

-       Cela a commencé en 2017 par la commande d’une peinture murale dans le cadre d’une exposition sur les contre-cultures des décennies 1970 et 1980, en France (L’Esprit français, contrecultures 1969-1989, La maison Rouge, Paris, 2017, commissaires : Guillaume Désanges et François Piron).


Les fans (témoins de l’expo L’Esprit français) :

-       Non, pas une "commande de fresque murale" mais un service de bouche-trou dans le morne bazar, ça fera de la couleur, d’une opération de récupération qui avait tout de même complu une poignée de survivants en raison de la fameuse "visibilité", brocardée par Annie Le Brun –qui leur était accordée d’une façon imprévue.  


Le Président du Palais de Tokyo :

-       La réponse de Kiki Picasso fut de produire vingt tableaux cruels et festifs au sous-titre savoureux (« Il n’y a pas de raison de laisser le bleu, le blanc et le rouge à ces cons de français »).


Les fans :

-       Savoureux !


Le Président du Palais de Tokyo :

-       Cette grande fresque historique fonctionnait par association libre, anachronique et décalée entre des événements hexagonaux (un ou deux par an) et des représentations inspirées d’images de la presse venant l’illustrer. Un télescopage iconographique brutal, déhiérarchisé, punk, qui semblait s’arrêter de manière arbitraire sur des motifs tirés du flot continu de l’actualité comme sur le rouleau d’une machine à sous.


Les fans :

-       Exact, précis !


Le Président du Palais de Tokyo :

-       La série s’est depuis augmentée, pour atteindre une cinquantaine de toiles, s’ouvrant à l’actualité internationale.


Les fans :

-       Un prince de l’immobilier acheta les 20 tableaux et les exhiba deux ans plus tard (avril-mai 2019) à l’Hôtel Beaubrun – château Moulinsart du Marais et siège de l’entreprise –, l’écrin fantastique d’une rétrospective réalisée par Éric de Buretel de Chassey : Les chefs d’œuvre de Kiki Picasso.


Seigneur, on offrait au zigomar des médias une « visibilité » muséale ! Ça, c'était vraiment savoureux ! Et instructif La sophistication et la singularité des réalisations éphémères, leur diversité et leur matérialité de bouts de ficelles. La scénographie savante réactivant leur caractère hypnotique, l’ensemble était proprement stupéfiant. Un joyau psychédélique, quelque chose de Performance de Nicolas Roeg. On n’aurait pas été étonné de croiser Mick Jagger dans la salle de bal où les beautifull people accouraient se faire photographier devant des tableaux qui déchirent.


C’était il y a cinq ans, on s’en souvient comme si c’était hier. La féérie a poussé Kiki à « augmenter » la dose. Il y a pris goût, devenant une nouvelle sorte de Peintre du dimanche se gaussant de délaisser ses pratiques électroniques ta mère…


Le Président du Palais de Tokyo :

-       Un bilan aussi méthodique qu’outrageusement parcellaire, et donc chaotique, insensé, sans morale, échouant volontairement à faire système… La grande tradition de la peinture d’histoire caviardée par l’ironie pop, à mi-chemin entre propagande et publicité, célébration et critique, vanité documentaire et calendrier de l’avent trash.


Les fans :

-       On ne devient pas Directeur du Palais de Tokyo par l’opération du Saint Esprit, t’as vu ce métier, hein ! Sans compter le parfum infernal de la conclusion…

 

Le Président du Palais de Tokyo :

-       Cette figuration grinçante aux couleurs criardes qui place tout au même niveau, c’est-à-dire ici dans un univers de paillettes colorées, faisant des protagonistes de l’histoire des acteurs et actrices outrageusement maquillé·es, en représentation, surjouant la joie, l’ennui, la tragédie ou la douleur. Toujours du spectacle. Avec en fond, tapi sous les ciels multicolores et derrière les mines réjouies, un mauvais présage sur l’issue de cette saga planétaire dont on ignore s’il y aura bien une prochaine saison.

 

Les fans :

-       Et Arthur disait : « J’ai appelé les fléaux, pour m’étouffer avec le sable, avec le sang. Le malheur a été mon Dieu. Je me suis allongé dans la boue. Je me suis séché à l’air du crime. Et j’ai joué de bons tours à la folie ».

 

Pour le coup, voilà l’artiste totalement dispensé de commenter ses cinquante peintures. Aux autres Le jour du vernissage, emporté par la foule – près de 1000 mille fans ont répondu à ses fumigènes – on pouvait entendre notre Zébulon, punk et consensuel, en faire d’humbles gorges chaudes.

 

Prolixe en petites histoires de tribu, Kiki Picasso laisse donc les grandes – l’Histoire en majuscule et l’Histoire de l’Art en majesté – au Directeur de l’Institut National de l’Histoire de l’Art, à bon entendeur salut !

 

Au siège du PCF, Éric de Chassey ne pouvait que poursuivre la logique mise en œuvre il y a cinq ans à l’Hôtel Beaubrun. Passant des Chefs d’œuvre de Kiki Picasso au grandiloquent Kiki Picasso, Peintre d’histoire, le voilà tenu de de surenchérir jusqu’au sacrilège (habillé dans le langage de l’expertise), osant la comparaison que tu vas voir…

 

Le directeur de l’Institut National de l’Histoire de l’Art :

-       Par un paradoxe qui n’est qu’apparent, le plus grand peintre d’histoire s’appelant Picasso n’est pas Pablo mais Kiki.

 

Les fans :

-       Une vieille blague (40 ans d’âge), l’exergue du premier livre de Kiki Picasso dont Eric de Chassey avait repris le titre par pour sa rétrospective.

-       Je me souviens : Mon papy s’appelait Art Moderne, mais j’ai fait mieux que lui…

Une vraie fausse monographie – l’artiste avait alors 25 ans – dont les images bidouillées étaient présentées comme des peintures ayant été exposées dans les lieux les plus prestigieux du monde, une fiction qui préfigurait la prise du siège du PCF.

 

Le directeur de l’Institut National de l’Histoire de l’Art :

-       Peintre engagé aux côtés du Parti communiste, Pablo ne fit que de rares incursions dans ce genre : soit elles traitaient les événements historiques par le biais de la métaphore, de telle sorte que leur portée dépend de leur évitement de toute particularité (Guernica), soit elles opéraient sur le mode de la dénonciation univoque et partisane avec un langage formel peu adéquat à la propagande, de telle sorte qu’elles manquent leur cible (Massacre en Corée). Kiki Picasso, peintre non encarté, expose au siège du Parti communiste une série de tableaux qui font l’histoire du tournant du XXe siècle, de 1969 à aujourd’hui, ou presque.

 

Les fans :  

-       Une déclaration culottée qui fera forcément date dans l’Histoire de l’Art... Intro de première classe, tir de bazooka. Le jour de gloire est arrivé.

 

Ajoutons la dentelle au fracas en soulignant le rôle singulier que joue aujourd’hui le PCF dans l’histoire de l’art en accueillant Kiki Picasso moins d’un an après l’exceptionnelle rétrospective Alfred Courmes (1898-1993) que son commissaire, Dominique Carré, présentait comme « Peintre d’histoires ».


On pourrait épiloguer longuement sur la subtile pertinence de ce pluriel, ne serait-ce qu’en songeant à l’histoire de la Place du Colonel Fabien qu’Alfred Courmes avait représentée avant la greffe d’Oscar Niemeyer. Ces peintures élégiaques des années 40, traces de sa propre histoire, contribuaient singulièrement à la sensibilité de la réception que la rétrospective réservait aux Parisiens.


Exceptionnelle parce que rare : les peintures d’Alfred Courmes, parfois comparé à Jérôme Bosch, reste méconnues et quasi invisibles en France. Défendre son œuvre et sa mémoire relève d’une bataille culturelle ingrate et Pierre Laurent s’y est magnifiquement engagé avec Libres comme l’art. Il faut d’autant plus le souligner que l’on peut établir de multiples rapprochements, drôles et paradoxaux, entre Le peintre d’Histoire et ce Peintre d’histoires considéré comme un précurseur dans la tribu des artistes que rassemble Kiki Picasso.


Ayant traversé la quasi-totalité du XXe siècle, Alfred Courmes, était lui aussi un "peintre social" (fugitivement "encarté"), pétri par l’Histoire (ayant vécu deux guerres) et la traitant sous des formes extravagantes et/ou provocatrices, partageant avec ce bâtard de Picasso le goût du sacrilège. Mais laissons conclure le griot…

 

Le directeur de l’Institut National de l’Histoire de l’Art :

-       Il ne s’agit nullement pour Kiki Picasso de donner des leçons, mais plutôt de se placer en observateur de l’histoire qu’il a vécue et qu’il vit, in media res ou à distance, en la réactivant et en en rendant la complexité, voire en amplifiant celle-ci. Il n’a en effet jamais cessé de croire, depuis ses débuts dans les années 1970, aux vertus de la provocation et du « terrorisme graphique ».


-       Les images sources, empruntées aux médias d’informations par décalque ou projection, ne sont pas manipulées et conservent leur lisibilité d’origine. En revanche, elles sont souvent combinées les unes avec les autres en une seule image (sauf lorsque l’image de départ était en soi dissonante), ré-assemblées pour produire un discours foisonnant, non réductible à une signification unique mais pas moins engagé pour autant. Le trait aigu et agité s’y orne de couleurs volontiers dissonantes, où l’on reconnaît le style qu’il a forgé depuis longtemps, impropre à toute récupération et à toute simplification, plus que jamais adapté,

 

Les fans :

-       Quand je te dis que l’imagiste peut en toute quiétude se taire

-       Certes, la conclusion du directeur de l’Institut National de l’Histoire de l’Art est limpide, ramassée, précise, technique et d’une irréfutable justesse mais elle laisse cependant un certain malaise...

-       Allons bon !

-       C’est que nous voilà contraints également de nous taire et d’abandonner le sens de l’histoire "no future"  aux mains de commentateurs professionnels.

-       Mais pas du tout ! Il faut voir cette glose savante, ajoutée au blason de Pierre Laurent, comme l’impeccable aboutissement d’une machination déjà très ancienne, ourdie par l’artiste avec le grand naturel Dada Spontex qu’on lui connaît, étrillant ou détournant le catéchisme de l’Art au profit de sa propre "gloire", dirait Jean Seisser. Sans compter ce retournement de situation particulièrement jouissif : pour une fois, ce ne sont pas les princes et les commis d’état qui conçoivent un événement artistique XL. Que la fiction de la peinture engendre une telle concrétion artistique, t’en restes baba.

 

Le « bilan provisoire » de Kiki Picasso déborde si ouvertement les conventions de l’Art que nous devrions en parler comme on le ferait d’un spectacle, un film, un roman de Science-Fiction… Parler des sensations inconnues qu’il soulève, de l’étrangeté d’une exposition de peintures conçue à la manière d’un média, des résonances intimes de chaque événement dramatique et politique  – 50 années de notre vie, son tempo infernal, de la colonisation rampante des esprits toujours plus plus Orwellienne, de la confusion mise en scène comme retournement de l’état de stupeur et de sujétion à laquelle nous soumet la dictature des images à laquelle seule Annie Le Brun après Bazooka se sera frontalement et librement affrontée.


Comment chaque tableau tord le cou à la "peinture d’histoire"


Au premier jour du Bilan Provisoire, lorsque la foule s’est mise à s’enrouler sur elle-même en défilant devant les 50 peintures d’histoire dans l’immense espace hélicoïdal du bunker, chacun a pu avoir le sentiment de contribuer à un grand, beau et festif moment de l’histoire de l’art – « non pas en spectateur, mais en actrices et acteurs de ce monde en mouvements », avançait le blason de Pierre Laurent.


On se serait cru dans un film de SF réalisé par Kim Chapiron, syncopé et tumultueux, contrastant spectaculairement avec la rétrospective Alfred Courmes qui, avec ses 70 tableaux, donnait au même espace des allures de MOMA, réclamant un état psychique diamétralement opposé à la confusion jetée en pâture par Kiki Picasso. La fébrilité était palpable.


Chacun s’agite pour comprendre comment chaque tableau tord le cou à la "peinture d’histoire" selon le modèle classique, prestigieux, de l’art occidental que nous avons en tête depuis l’école. Il faut vérifier comment chacun d’eux relève du trompe-l’œil, du sacrilège ou du flash hallucinatoire. Et chaque mise au point s’avère déconcertante.  Démêler le vrai du faux, l’ironie du tragique, pourtant prévenus par la banderole accrochée sur les grilles du siège du PCF, répétée à la Une du Journal-Catalogue : non pas la représentation lacrymale des événements autour de l’église Saint-Bernard (1996) occupée par 300 sans-papiers africains et délogés par plus d’un millier de CRS à l’issue de deux mois de bataille homérique, mais peut-être et plutôt leur perte, leur oblitération ou leur dilution - ces cars de touristes et ce trio de cailleras à l’affut du mauvais coup. « Je suis d’extrême gauche et super woke », jette Kiki sur France Culture.


Les cartels façon dépêches AFP –  impulsifs, perfides, acerbes, complexes –ajoutent à la confusion. En 2015, Kiki Picasso apposait déjà à l’une de ses œuvres cette légende : « Ne cherchez pas à mettre du sens partout… souvent il n’y en a pas ». Les non dupes errent…


Enfin, en disloquant la chronologie de l’histoire pompière de ces cinquante années, l’artiste parachève l’esprit "Panique" de sa parade : une forme euphorique de nihilisme, un retour halluciné à l’esprit punk. Le passé décomposé conjugué à l’impératif du présent – cette fuite en avant – le bateleur se taille un habit de lumière : le voilà peintre du futur antérieur, engageant tout son naturel SF.


L’histoire in media res n’est pas autre chose qu’une affaire de propagande – plus totalitaire et stupéfiante que jamais depuis la liquidation par le journal Libération d’Un regard moderne. Le bilan provisoire de Kiki Picasso se présente comme un cauchemar grisant que l’on croirait inspiré à la fois par Baudrillard et Joker : plutôt un retournement sarcastique de la propagande qu’un détournement classique des actualités passées. Faut-il ajouter aux commentaires des spécialistes émérites la pugnacité et la virtuosité du style pictural et cet art extrêmement maitrisé de la composition ?


Les pèlerins picassiens vacillent à démêler les attendus de l’événement, inconnu et surchargé, dont ils sont au premier jour les acteurs – partie intégrante de l’événement artistque. Tout est énorme : le nombre et la dimension des toiles, la crânerie de chacune, le défi visionnaire de l’ensemble et la foule elle-même, éméchée, ambiancée par un air de fête contestataire. Le cirque électrique dont Kiki Picasso est l’emblématique Monsieur Loyal s’en mêle. La troupe compte parmi le nombre inouï de tribus que le fringant grand-père rassemble avec un naturel bouillant et badin autour de ses coups de boutoir et qui ont décidé de venir en masse. On ne saurait définir l’esprit régnant dans le bunker de sa dernière rafale sans évoquer l’admiration et la reconnaissance que tous accordent à l’artiste pour sa liberté radicale et sa joie de vivre dans l’apocalypse qui vient.


Daniel Mallerin

 

PORTFOLIO. "Bilan provisoire"
















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1 Comment


Une belle découverte, des couleurs magnifiques qui osent, j'adore!

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