Conjuguer cinéma et écologie
- La rédaction
- il y a 4 jours
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"L'Usage du monde", d’Agnès Fouilleux, en ouverture du festival Horizon vert
En Haute-Vienne, le festival Horizon Vert invite à penser autrement notre approche de l’environnement et notre relation au vivant. Pour sa cinquième édition, du 9 au 15 avril, une dizaine de films sont accompagnés de rencontres et de conférences, dans le sillage des pensées développées par les philosophes Baptiste Morizot, Vinciane Despret ou encore Bruno Latour et Philippe Descola. A Saint-Yrieix, les 11 et 12 avril, se déroulent deux soirées spéciales en partenariat avec les humanités, avec Florence Lazar et autour de Gilles Clément.
Pour sa cinquième édition, du 9 au 15 avril 2025, le festival Horizon Vert offre pour un programme très riche, accessible à tout type de public. On pourra ainsi suivre les traces que les humains ont laissées sur terre depuis l’aube des temps avec L’usage du monde d’Agnès Fouilleux, vivre les épreuves et l’émerveillement d’une transhumance avec Bergers de Sophie Deraspe, ou encore se laisser (re)enchanter par la poésie intemporelle de La princesse Mononoke, ce classique de l’animation japonaise de Hayao Miyazaki (programme complet ci-dessous en PDF).

L’initiative est portée par Cinéma 87, un réseau de cinémas d’art et d’essai qui réunit le Ciné-Bourse de St Junien, le cinéma Arevi de St Yrieix-La-Perche, le cinéma Rex de St Léonard de Noblat et le cinéma Jean Gabin de Eymoutiers. Chaque année le festival propose une sélection de films -documentaires, fictions, dessins animés pour les plus petits – et une variété d’événements - débats, conférences, rencontres - pour promouvoir la participation citoyenne et animer la réflexion collective autour de notre façon d’habiter le monde, dans une ambiance joyeuse et conviviale.
En partenariat avec les humanités
Comme l'an passé, notre journal-lucioles est partenaire du festival, avec deux soirées spéciales, les 11 et 12 avril, au cinéma Arevi de Saint-Yrieix.
Pour la première soirée, le 11 avril à 20h30 au cinéma Arevi, on reviendra sur le scandale de la chlordécone aux Antilles avec la cinéaste Florence Lazar. Son film Tu crois que la terre est chose morte explore les lieux de résistance à la crise environnementale et sociale causée par ce pesticide hautement toxique, qui s’est imposé en Martinique comme dans le reste de l’archipel antillais au même temps que la domination béké. Un désastre environnemental et social qui ne saurait se penser en dehors des structures coloniales dans lesquelles la société martiniquaise est encore aujourd’hui imbriquée, et que Florence Lazar raconte à travers les témoignages des hommes et des femmes d’un collectif d’agriculteurs basé au Morne Rouge : essayant de briser le monopole de la production bananière, ils sont engagés dans une lutte qui, mêlant agroécologie et justice sociale, est devenue un vrai combat pour la mémoire du passé colonial enfui. La projection sera suivie d'un débat, auquel participera la réalisatrice.
Bande-annonce de "Tu crois que la terre est une chose morte", film de Florence Lazar, pour le FIFAC (2021)
Florence Lazar, artiste plasticienne, cinéaste et photographe, voue son œuvre à faire ressortir les récits minoritaires dans des contextes géographiques et sociaux particuliers, ayant comme fil conducteur le questionnement de la façon dont on construit - et dont on peut déconstruire - les imaginaires collectifs liés aux faits de l’histoire. À partir des années 1990, elle a travaillé sur le conflit en ex-Yougoslavie, en réalisant une série de documentaires qui explorent plus particulièrement les mécanismes de la manipulation et du détournement de la mémoire avant et après la guerre (Les paysans, Kamen-Les pierres, Femmes en noir, Confessions d’un jeune militant). Après un passage dans la banlieue de Montfermeil pour documenter la reconstruction urbaine du quartier du Plateau et la situation d’enclavement qui en est dérivée (Les Bosquets), elle est partie à la rencontre du collectif d’agriculteurs qu’elle nous présente dans son film, au Morne-Rouge en Martinique, pour raconter leur résistance contre la monoculture bananière.
Son site internet : http://www.florencelazar.fr/

Un cheval de Przewalski. Image du film "Vivant parmi les vivants", de Sylvère Petit.
Et si nous étions - enfin ! - une espèce parmi les autres ?
Samedi 12 avril à 20h30, le cinéma de Saint-Yrieix projette le film Vivant parmi les vivants, de Sylvère Petit. Ce documentaire explore les interdépendances entre les humains et les non humains, mais aussi les fausses pistes sur lesquelles nous mettent nos représentations du vivant, en conditionnant jusqu’à nos approches de l’écologie elle-même. Habitués à nous penser en dehors de la nature, nous ne sommes capables de concevoir nos rapports avec elle que dans les termes d’une domination - avec la logique extractiviste qui a conditionné le développement de nos sociétés - ou de protection - de quelque chose pourtant qui reste « autre » de nous. Mais cette vision anthropocentrée n’est pas notre seul horizon. À travers les histoires de Stipa, une jument sauvage de Przewalski, Alba, chienne parisienne, et les humains avec lesquels elles sont en relation, le film de Sylvère Petit bouleverse notre perspective et ouvre sur l’impensé d’une humanité enfin revenue à être ce qu’elle est : une espèce parmi les autres, avec lesquelles elle partage la "condition vivante"...
La projection sera suivie d'une rencontre-débat avec Hélène Roche, l’une des protagonistes du film, et Gilles Clément. Éthologue, Hélène Roche a longuement travaillé sur les chevaux et plus particulièrement, avec l’association Takh, sur les chevaux sauvages de Przewalski. Elle est très engagée dans la vulgarisation scientifique et, outre la publication d’articles et livres, elle donne des conférences, et contribue souvent à reportages et documentaires. Pour l’association Takh, elle anime aussi des stages d’observation des chevaux Przewalski.

Gilles Clément chez lui à Crozant
Photo Floris Bressy pour le quotidien "La Montagne"
A 18 h 30, avant cette projection, à l'initiative des humanités, la comédienne et metteure en scène Pascale Paugam, et de Véronique Albert, "artiste en danse", mettront en voix une sélection d’extraits choisis du livre de Gilles Clément Le salon des berces, dans lequel l’auteur raconte comment, en partant d’une cabane en pierres, il a conçu son jardin-observatoire dans le coin de la campagne creusoise qui lui a donné refuge, près de Crozant.
Pascale Paugam est comédienne et metteure en scène au sein de la compagnie Dumêmenon qui anime le Théâtre Artphonème. Elle part aussi en tournée "dans les granges et jardins" ; avec son spectacle en solo Les oiseaux chantent sans qu'on les paie (présenté en septembre 2023 au Festival des humanités, à Cenne-Monestiés).
Véronique Albert est artiste en danse. Ses ouvrages chorégraphiques constituent un paysage d’activités engageant une relation sensible aux lieux. Titres évocateurs : Un jardin c’est fruité, Les racines ne poussent pas en ligne droite, Un oiseau passe chante Apollinaire il peut le faire, Des pas sur la neige (Lire ICI).
Gilles Clément, dont nous avons publié un entretien en décembre 2024 (ICI) est l’un des représentants les plus lucides de l’écologie contemporaine, comme en témoignait déjà son exposition « Le jardin planétaire », en 1999 à la Grande Halle de la Villette à Paris. Sa philosophie part du principe que la Terre est un jardin, dont les humains devraient prendre soin en bons jardiniers. Dans son domaine en Creuse, il a alors cultivé un “jardin en mouvement”, qui est devenu au même temps un laboratoire. Les mécanismes merveilleux de la vie à l’œuvre dans cet écosystème sont devenus le point de départ d’une réflexion plus ample, autour des liens d’interdépendance qui existent entre les êtres vivants, humains et non humains, et autour de ce que la nature peut nous apprendre pour réinventer nos sociétés.
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