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Horitzó, par Danièle Gibrat. Atelier du regard #7

Danièle Gibrat, "Horitzó" : ici, hier. Stylobille sur deux feuilles de calque, chaise, 2017


Pour l'atelier du regard (septième séquence), Danièle Gibrat, plasticienne, offre aux lecteurs des humanités un "paysage" surgi des non-dits d'une histoire...


Horitzó est le nom catalan pour "horizon", et c'est le titre que j'ai donné à un ensemble de pièces entamé en 2016. L'horizon dit le lointain en découvrant une étendue de possibles et, en même temps, il affirme un point de vue subjectif. Aussi vaste qu'il soit, et même si, en visant loin, plusieurs personnes ont presque le même, l'horizon est fondamentalement singulier.


Avec Horitzó, j'ai voulu traiter de ce dont parle Boltanski dans une interview à Libération en 2003 : « Je pense qu'au début de chaque œuvre, il y a un malheur, un choc, un événement, qu'on a beaucoup de mal à dire. Au cours d'une vie, on va le regarder de toutes les manières, de tous les côtés, avec des approches différentes. En parler fait qu'on vit mieux. Il en va ainsi pour chaque artiste. C'est comme un voyage : on va le raconter de manière poétique, géographique... Donc il me semble qu'être artiste est une manière d'arriver à un peu mieux comprendre, très lentement, le sujet qui a marqué votre vie... ».


En ce qui me concerne, cet évènement est un secret de famille. Depuis mon enfance, le silence qui l'a entouré a certes inscrit dans mon esprit une forme de confusion mais, surtout, il a hanté tout ce que j'ai fait. Comme si, à mon insu et sans le formuler clairement, je m'étais sans cesse efforcée d'inventer des formes pour élucider tous les non-dits de cette histoire.


Là, pour une fois, je voulais cesser d'être envahie par cette histoire, il me fallait donc la considérer frontalement. Mon premier mouvement a été de retrouver sur Googlemap le lieu d'origine, un mas des Pyrénées Orientales dont je ne connaissais que le nom (les faits, j'avais fini par les découvrir à travers diverses archives). J'ai passé beaucoup d'heures sur internet à "visiter" cet endroit et même les routes qui y mènent, à amasser des photos et des captures d'écran.... Puis j'ai dessiné. Petit à petit, je me suis retrouvée à essayer de deviner ce qu'on voit (voyait ?) du seuil de la maison, quand on la quitte : on voit des montagnes, qui ressemblent à des plis... un paysage jamais vu dans la réalité mais que j'ai apprivoisé et médité, un peu comme si j'en faisais le portrait. Au fil du stylo, il est en quelque sorte devenu la métaphore de ma quête. Je n'ai jamais représenté la maison ni ce qui s'y est passé. En fait, dessin après dessin, "le lieu du crime", je lui ai tourné le dos... Je n'ai pas évité la part "faits divers" de cette histoire, somme toute anecdotique en dehors du cercle familial, mais je m'en suis dégagée. Et ce que toutes les pièces montrent, à la fin, est ce que le regard vise, un horizon en train d'apparaître. Simplement, au-delà.


Danièle Gibrat


Danièle Gibrat est plasticienne, elle vit et travaille à Paris. Ses dessins ont en commun une forme de simplicité tout en conjuguant une grande diversité de matériaux, outils et gestes : stylo-bille, agrafes, scotch, papiers, bois brut, calque, photos, déchirures, collages… Ils ont été montrés au Musée des Beaux-Arts de Chartres, à la Maison des Arts de Créteil, au Musée de Toulon, à la Fondation Ricard, au CAC de la Ferme du Buisson, au Centre Tjibaou de Nouméa à la MABA de Nogent sur Marne, ainsi que lors de nombreuses expositions collectives en France et à l’étranger.. Son site internet : www.danielegibrat.com

 

Le principe de "l'atelier du regard" est simple : sélectionner une image (photographie, tableau, etc.) et dire en quoi ce que nous voyons nous regarde (cf Georges Didi-Huberman). Propositions à adresser à contact@leshumanites.org 


Parce que vous le valez bien, les humanités, ce n'est pas pareil. Dons ou abonnements ICI

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