Des douars à Imintanout, dans la province de Chichaoua, sur les flancs du Haut Atlas. Photo DR
La mésologie, quésaco ? Science en mouvement, qui étudie les relations que nous entretenons avec les lieux où nous vivons ou que nous traversons. Penseur de la géographie, auteur d’une œuvre aussi imposante que singulière, grand connaisseur du Japon, Augustin Berque n’a cessé d’explorer ce qui constitue l’habitabilité́ de la Terre (et pas seulement par les humains). Avec Longitudes, qui paraît aux éditions Éoliennes, dont il offre aux humanités quelques bonnes feuilles, Augustin Berque égrène en forme d’abécédaire les lieux qui ont jalonné son parcours. Parcours intellectuel autant que de vie, de la « petite source » de l’Atlas marocain (son père était le grand sociologue et anthropologue orientaliste Jacques Berque) au Japon (avec mention spéciale pour l’île de Hokkaidō, d’où était originaire Tatsumi Hijikata, fondateur du Butō), en passant par bien d’autres méandres et territoires.
« Un géographe doit sentir les lieux, les espaces dont il parle.
Avant d’écrire sur les territoires, il doit les éprouver »
Augustin Berque
Aveu d’un géographe se retournant sur son chemin : « C’est que je fus plutôt anachorète (du grec ἀναχωρητής, "qui remonte dans les terres"). Les terres, je les ai en effet remontées depuis l’Atlas jusqu’à l’Altaï; qui ne sont pas au bord de la Seine. […] J’ai existé́ plus à l’est qu’à l’ouest du méridien de Paris », son méridien d’origine à partir duquel la longitude donne la distance d’un lieu. Ptolémée au IIe siècle après J-C recensait déjà sur une carte plus de 8.000 noms de lieux avec leur longitude et leur latitude. Augustin Berque n’est pas un cartographe mais un écrivain-voyageur qui, à juste place, sait goûter les jours heureux et nous en faire part.
"Tant de longitudes, de l’Atlas à l’Altaï et en vallée de Chevreuse, sans compter les bords du Nil, en plus de quatre-vingts ans, il y a de quoi en caser, des jours heureux ; "mémoires" Ce ne fut qu’une vie, tout simplement une vie parmi des milliards d’autres, sans incidence notable sur le cours de l’Histoire. Alors, la garder par devers moi me paraissait plus sage, attendu que, tout compte fait, les livres ont une empreinte écologique, même si on ne les lit pas".
Dans un "petit livre" (au format de poche 12x17), Augustin Berque inscrit cette échelle terrestre, ces échelles terrestres (longitudes) entre les lettres de l’alphabet. Dans son abécédaire, de A à Z, il a retenu non pas 26 mais 45 mots, dont 37 noms de lieux, de terres plutôt : une géographie intime qui se rattache au long cours de sa vie privée (dont il livre parfois certains épisodes très personnels…).
« Attentif aux lieux puisque géographe », il montre son grand talent d’observation et offre des descriptions précises et vivantes, sensibles, de ce qui constitue notre relation à la terre. Pour Augustin Berque, la vie (un des 8 « mots communs » de son abécédaire pas si communs que cela, avec quelques néologismes à savourer), c’est zôê : « zôê, à la différence de βιός qui est la puissance (le potentiel, δῠ́νᾰμῐς) de la vie en soi, ζωή a bien le sens de son effectuation (sa mise en œuvre, ἐνέργειᾰ) dans le cours singulier d’une certaine vie ». Il ajoute : « d’un certain genre de vie. C’est la réalité concrète, qui est trajective. Bref, c’est bien le cours d’une vie singulière, concrètement menée en de certains lieux, certains milieux » (depuis l’enfance singulière d’un Bandarlogue (1) à l’âge adulte entre corps et esprit, car la géographie se pratique d’abord avec les pieds - en y allant voir).
D’écoumène en clair de lune : l’habitabilité de la terre
Le clair de lune luit devant mon lit
On dirait le sol couvert de gelée blanche
Levant la tête, je regarde briller la lune
Baissant la tête, je pense à ma terre natale.
Li Bai, Pensée d’une nuit calme. Trad. A. Berque
Dans son abécédaire, Augustin Berque dévoile par instants les arcanes de ce qu’il a appelé « mésologie », science des milieux (de mesos et logos) : une science géographique par nature « touche à tout », ouverte sur et à autrui sous des dehors élitistes, refusant une science sous le « regard de nulle part ». La mésologie est avant tout située, elle vise l’expression concrète de notre Être humains sur la terre (2), dans un « souffle écouménal ». La diversité́ des milieux humains relève du qualitatif : « c’est une question de qualia, de choses concrètement sensibles et toutes différentes, non pas d’objets comptables parce qu’abstraitement réduits à un même dénominateur ». Sous son apparence théorique, la mésologie prend clairement ses distances avec certains discours désincarnés, qui oublient que nous avons « pour base un lieu et un milieu sur terre » qui nous constituent, avec nos racines et nos responsabilités envers autrui. « Un milieu […] suppose un regard situé, ce à la fois dans l’espace (géographiquement) et dans le temps (historiquement) ». L’écoumène, qui est l’ensemble des milieux humains, suppose l’habitabilité́ de la Terre (et pas seulement par les humains).
Augustin Berque a observé l’habitabilité de la Terre dans des milieux humains qui couvrent presque l’ensemble du globe terrestre, d’Adélaïde en Australie à l’Altaï aux frontières de la Chine en passant par Amos en Abitibi (Québec, Canada). Tout jeune enfant Augustin Berque a habité dans l’Atlas marocain, à l’orée du Haut Atlas. Il nous raconte Imintanout : « J’y ai vécu de mes cinq ans à mes (presque) onze ans, de 1947 à 1953. En berbère, ce toponyme veut dire "petite source". Ce fut effectivement ma petite source, le lieu matriciel qui m’aura formé tel que je suis encore. […] Ce grand jardin, mon Éden à moi, j’y ai pendant des années joué seul, mes sœurs jouant à autre chose, et mes frères étant trop petits. J’y grimpais aux arbres, je m’y gavais de mandarines, j’y faisais des routes pour mes petites voitures Dinky Toys... bref, je m’y construisais un monde, me conduisant déjà comme un anachorète : ce que je suis resté. »
Une Poétique de la terre pour se désaltérer
Anachorète, le rester, autrement dit « être dans la lune ». Être dans la lune et se fondre dans le milieu. « Sans l’être tout en l’étant », devenant aussi (destin magnifique) source surgissante d’une eau venue des hauteurs de l’Atlas, le "Point d’Eau Augustin Berque" aménagé par une ONG, « là s’arrêtait la piste, et l’on quittait les voitures pour continuer à dos de mulet jusqu’à l’estive du Tichka [Tizi N’Tichka : le "col des pâturages" en tamazight (berbère)]».
En derniers mots d’introduction à ce livre, empreint du plaisir de vivre, modestement, citons cet exploit du tout jeune écolier déjà sensible à la poésie et capable, avant même de savoir lire, « de recopier une poésie que la maîtresse avait écrite au tableau. Je ne savais pas encore lire ; mais je devais avoir de bons yeux... » C’était une poésie de Louis Codet, La Chanson de la noix :
J’ai pelé́ la petite noix
Dont j’ai cassé́ la coque blonde entre deux pierres,
La curieuse coque de bois.
J’ai pelé́ la petite noix :
On dirait un jouet d’ivoire,
Un curieux jouet chinois.
L’odeur fraîche et un peu amère
De ces grands bois
M’a parfumé la bouche entière :
J’ai croqué la petite noix
Ce curieux jouet chinois. »
Le curieux jouet chinois devint japonais. Une aventure qui s’attarda alors (à une longitude de 142°47’32‘’ est) sur l’île d’Hokkaidō, l’île des Aïnous (qui signifie dans leur langue autochtone « êtres humains »), en fréquentant aussi Sendai, Tokyo, Kyōto sur l’île de Honshu. Une aventure, « pleine de mérite mais poétiquement » (Lire notamment Le sauvage et l'artifice. Les Japonais devant la nature, Gallimard, 1986) qui valut à Augustin Berque de recevoir en septembre 2009, sur l’île de Kyūshū, le Grand prix de la culture asiatique de Fukuoka, instauré pour honorer ceux qui contribuent « à préserver et à enrichir les cultures d’Asie dans leur unité et leur diversité ». Et à les transmettre, en langue française, pour transgresser et rendre sensibles ces longitudes, ces attachements (3).
Isabelle Favre
NOTES
(1) - Faisant référence au « bandar-log (le « peuple des singes » dont parle Kipling dans le Livre de la jungle » repris comme sobriquet affectueux par sa mère ; Augustin Berque considère « comme bandarlogique le penchant de tous les enfants qui aiment grimper dans les arbres », des bandarlogues à qui s’adresse aussi les dédicaces de Longitudes, principalement familiales par ailleurs.
(2) - Augustin Berque, Être humains sur la terre, Principes d'éthique de l'écoumène, Gallimard, 1996.
(3) - Proximité de la pensée d’Augustin Berque avec les Attachements. Enquête sur nos liens au-delà de l’humain de l’anthropologue Charles Stépanoff (La Découverte, 2024).
BONNES FEUILLES
A comme Atlas (extraits)
L’Atlas, et plus particulièrement le Haut-Atlas occidental, au Maroc, c’est mon enfance entre cinq et dix ans, les années indélébiles. On sait déjà̀ parler, nommer les lieux, on s’imprègne d’une vision du monde. J’ai su nommer l’Atlas vers la fin d’une certaine journée, en 1946 ou 47, sur la route de Marrakech à Chichaoua. Nous, les quatre enfants (Marie-Salsa, moi, Valérie et Isabelle), étions à l’arrière de la 11 chevaux Citroën que Papa (Jacques Berque) conduisait. On voyait des montagnes défiler à gauche, et Papa nous apprit : « C’est l’Atlas ».
La famille rejoignait le poste auquel Jacques Berque venait d’être affecté – disons plutôt limogé – : contrôleur civil de la circonscription d’Imintanout. Auparavant, il travaillait à la Résidence, et nous habitions donc à Rabat. Pourquoi « limogé » ? Pour un certain imparfait du subjonctif. Prémices des soulèvements pour l’indépendance, les troubles commençaient alors en Afrique du Nord, et la hiérarchie lui avait demandé́ un rapport sur « l’ordre au Maroc ». Dans ce rapport officiel, il avait osé́ – en 1946 ! – la phrase suivante : « L’ordre, au Maroc, serait que nous n’y fussions pas. » Cela le fit reléguer au fond du bled, dans un poste jusque-là̀ militaire, que l’on « civilisa » pour lui. Il profita de cet exil pour préparer la thèse qui devait plus tard le faire entrer au Collège de France.
Imintanout, à l’orée de l’Atlas, c’était le bourg situé là où, par une cluse étroite, la piste allant de Chichaoua à Agadir entrait dans la montagne. Une route nationale goudronnée a suivi, mais aujourd’hui, l’autoroute passe plus à l’ouest. Pour moi, cette cluse fut l’entrée dans l’enfance consciente. Je me vois encore dire comme un grand, un jour d’automne, devant l’entrée de l’école, « On est en 1947 ». J’avais cinq ans, c’était au pied de l’Atlas.
L’Atlas, j’ai eu l’occasion d’y revenir beaucoup plus tard, en 2005, 2007 et 2014 :
– En 2005, c’était avec Nadir Boumaza, qui dirigeait alors le Centre Jacques Berque de Rabat et m’avait invité́ pour quelques conférences. Il m’avait même aimablement proposé d’aller revisiter Imintanout. J’en avais profité́ pour lui demander de pousser l’excursion jusqu’au cœur spirituel des Seksawa, le sanctuaire de Lalla A’ziza. J’ai toujours à l’oreille ce chant des jeunes filles dansant l’ahwach à l’occasion de la fête annuelle de la sainte :
Lalla A’ziza u Bihi, usigham afellus
Lalla A’ziza, fille de Bihi, je t’apporte un poulet (en sacrifice)
Dans la salle du tombeau, où l’on voit au mur une horloge offerte par mon père et qu’accrocha ma mère (1) , j’entendis quelqu’un dire (Nadir me traduisait) « Jakbirk (Jacques Berque) fut l’un des fondateurs du Maroc d’aujourd’hui ». Pour un administrateur colonial, voilà̀ qui n’était pas banal...
– En 2007, c’était avec des collègues de l’EHESS, pour aller voir sur le terrain si l’on pouvait envisager un « Les Seksawa revisités » dont se chargerait quelque jeune chercheur, un demi-siècle après la thèse de Jacques Berque. En fin de compte, il n’y eut pas de candidature, mais ce fut une belle excursion, organisée avec le concours d’une ONG de développement local, l’association Foulma, aux Aït Mhand. J’avais eu l’occasion de lui envoyer de l’argent à partir du Japon, où j’étais alors (en 2005-2006) en délégation au Nichibunken (le Centre de recherches internationales sur la culture japonaise, à Kyôto), ce qui me valait un double salaire, celui de l’EHESS et celui du Nichibunken. Avec cet argent, Foulma aménagea un "Point d’eau Augustin Berque", qui fut inauguré́ lors de notre visite. Ordinairement, seuls les dictateurs ont droit à un toponyme de leur vivant, et j’y fus donc d’autant plus sensible que c’était une eau descendant du Tabgurt, une montagne gravée dans mon souvenir depuis le temps d’Imintanout : là s’arrêtait la piste, et l’on quittait les voitures pour continuer à dos de mulet jusqu’à l’estive du Tichka. De la fin des années quarante aux Aït Mhand en 2007, de l’enfant au sexagénaire, la boucle se bouclait, et c’était au cœur de l’Atlas.
(1) - Lucie Lissac, épouse Berque, artiste peintre, auteure entre autres des dessins, cartes et photographies qui illustraient la première édition (1956) de Structures sociales du Haut Atlas. Son existence n’est pas mentionnée dans les Mémoires des deux rives.
Augustin Berque, à Shinhama (Yamamoto chô, près de Sendai), en janvier 1974, avec ses enfants avec Camille (3 ans) et Joannès (un an). Ce paysage a depuis disparu, rasé par le tsunami du 11 mars 2011.
H comme Hokkaidô
Pour un japonisant, faire sa thèse sur Hokkaidô (1) n’était pas banal, parce que l’île est communément considérée
comme peu japonaise. On pense d’abord aux Aïnous, à l’élevage laitier avec ses silos de type nord-américain, etc. C’est justement cela – ce contraste avec le reste du Japon – qu’au départ, je pensais devoir expliquer; or en fin de compte, ce que j’ai eu au contraire à expliquer, c’est pourquoi et comment la riziculture, fondement d’origine tropicale de la civilisation japonaise, a pu s’imposer dans cette île du nord, où la banquise venait l’hiver bloquer la côte de la mer d’Okhotsk pendant trois ou quatre mois. Certes, Hokkaidô continue d’être renommé pour ses laitages, mais la première production de ses campagnes, c’est le riz, dont la qualité́ longtemps médiocre – la résistance au froid primant sur le goût – rivalise aujourd’hui avec celle des meilleurs terroirs.
Vu mon poste de lecteur à Hokudai, comme mon prédécesseur Francis Dupré́ et mon successeur Jean- François Sabouret (ainsi que, bien auparavant, Fosco Maraini, que nous eûmes l’occasion de recevoir quand il est
venu aux Jeux olympiques d’hiver de 1972 à la tête de l’équipe italienne), nous fûmes logés dans l’une des Hokudai gaijin kansha 北大外人官舎, « maisons de fonction de Hokudai pour (enseignants) étrangers », dans l’enceinte même de l’Université́, à une adresse que dictait le plan quadrillé « en plateau de go » (goban no me 碁 盤の目) qui est celui de Sapporo comme du reste de Hokkaidô : « nord 11, ouest 5 » (kita jûichi nishi go 北 11西5). Cette maison, qui n’existe plus, avait une architecture éclectique : une structure de bois en two by four à l’américaine, mais sur pilotis à la japonaise (sauf l’entrée, à terre comme tout genkan 玄関) (2), certaines fenêtres coulissant verticalement à l’américaine mais quelques pièces tatamisées à la japonaise, poêle central chauffant quatre pièces comme une pietchka russe, le tout d’une finition approximative : les jours de fubuki 吹雪 (tempête de neige), la neige pénétrait par les fentes du plancher où rampèrent Rié-Camille puis Joannès quand ils étaient bébés. Il faisait là quelque zéro degré́, contre une trentaine au plafond. Quand je descendais le matin allumer le poêle, je tenais le bébé́ bien au chaud dans ma parka fourrée, blotti contre mon estomac comme un petit radiateur me réchauffant moi-même. Le jour où Joannès est né, le 8 janvier 1973 à l’hôpital de Hokudai (qui était notre voisin immédiat, nord 12, ouest 5), je me souviens d’avoir bâti un igloo pour Rié-Camille devant la maison.
Cela dit, les hivers de Sapporo, ville millionnaire, étaient déjà̀ nettement plus cléments que du temps de la
colonisation meijienne : en quatre ans, je n’ai jamais noté moins de -17 ° , ni plus de 130 cm de neige... En janvier, ordinairement, il faisait -8° le matin, et -5° l’après-midi. Certains matins, la neige crissait sous mes bottes à clous (contre le verglas) ; c’était là signe qu’il faisait moins de -10°. Un chien avait pris l’habitude de s’abriter sous notre maison ; nous l’avions appelé́ Okhotsk, il nous suivait parfois en promenade. Il ne nous a jamais aboyé́ d’où il venait, mais vu la proximité́ de la Faculté́ des sciences, nous le soupçonnions d’être un animal de laboratoire. Il a disparu un jour sans autre déclaration.
Hokkaidô, pendant quatre ans, je t’ai parcouru de long en large avec mon petit break Sunny van, où je passais
la nuit au besoin. Mes enfants sont des dosanko 道産子 (3), et j’ai dérivé́ du nom de l’un de tes lacs le surnom
affectueux que je donnais à ma femme. Je t’ai aimé́, Hokkaidô, je te dois la chair de mes théories, ainsi que ce qui reste l’un de mes plus beaux souvenirs : en juillet 1970, lors de ma première visite, conduit par mon prédécesseur à Hokudai, Francis Dupré́, et en compagnie du géographe allemand Horst Bronny, nous descendions la vallée du Teshio vers le nord, quand, passé un dernier seuil avant la plaine de Sarobetsu, nous avons soudain pu voir, au loin dans la mer, le volcan Rishiri, nimbé d’or par le soleil couchant... Hokkaidô, o sewa ni narimashita (4) !
(1) - Ce nom (qui signifie « Voie des mers du nord ») est purement japonais (et dérivé du chinois) ; mais en aïnou, l’île s’appelle Ainu moshiri (« la Terre humaine »).
(2) - Littéralement « sombre (玄) barrière » (関). Ce terme, aussi courant qu’« entrée » en français, est issu du bouddhisme, où il signifie les arcanes conduisant à la vérité.
(3) - « Natifs de Hokkaidô ». Ce terme désigne aussi, à l’origine, une race de chevaux propre à Hokkaidô.
(4) - お世話になりました (merci beaucoup pour tout ce que vous avez fait pour moi).
P comme Palaiseau
Palaiseau, ce lieu où probablement je finirai de vivre, nous y avons emménagé en 2009, quittant Maurepas pour nous rapprocher de nos petits-enfants côté Rié-Camille, qui habitent Villebon (Villebronx dans le jargon familial), à moins d’une heure de promenade à pied le long de l’Yvette.
Quand on descend du RER B à la station Palaiseau, on débouche très civilement sur une « rue de la Gare », à l’entrée de laquelle on trouve immédiatement un bar-tabac, plus loin quelques autres commerces ; et au premier croisement la grand-rue (la rue de Paris, où l’on trouve de tout). Dès l’abord, ce fut donc un autre accueil qu’à
Maurepas, où la station La Verrière était au milieu de nulle part, et où il fallait franchir une voie rapide par une passerelle avant d’atteindre les maisons, déroulées en séries insipides par l’urbanisme des villes nouvelles.
La suite ne démentit pas ces premières impressions. Palaiseau – où George Sand a choisi de finir sa vie – est une vraie petite ville, avec sa propre urbanité, bien qu’on n’y soit qu’à une demi-heure de Paris par le rail. J’aime en particulier les portes cochères de la rue de Paris, qui ouvrent sur d’anciennes cours de ferme, et ainsi sur l’histoire d’un village-rue, un Strassendorf comme on l’apprenait jadis en géographie du peuplement.
Cela dit, de même que je l’étais à Maurepas, je suis à Palaiseau tout en étant ailleurs, dans le vaste monde, et plus particulièrement en Asie orientale. Celle-ci, du reste, n’existe plus guère pour moi que sous la forme du papier de mes livres, ceux que j’écris et ceux de ma bibliothèque. Je suis trop âgé, trop mal en point maintenant pour aller enquêter physiquement sur le terrain, et même pour fréquenter les congrès. Du moins cette voie de garage me laisse-t-elle remonter l’escalier des souvenirs…
Augustin Berque, Longitudes, suivi de De Hokkaidô en souffle écouménal ou Comment naissent les milieux humains,160 pages, 18 Euros, éditions Éoliennes, Bastia, novembre 2024.
Et aussi, à retrouver sur les humanités :
"Avec Augustin Berque, de l’émouvance à l’usage des béotiens", entretien vidéo (juillet 2021)
"Le vent qui ruisselle, par Augustin Berque" (août 2021)
"Augustin Berque, à mots déliés", entretien vidéo (octobre 2021)
"Augustin Berque, recosmiser notre existence" (juin 2022)
Parce que vous le valez bien, les humanités, ce n'est pas pareil. Avec l'ambition de faire journal-lucioles, nous avons l'ambition, quoiqu'on en dise, "d'éclairer le jugement des citoyens" en examinant certains "faits d'actualité" (voir par exemple notre "série américaine" après l'élection de Donald Trump), mais aussi en prêtant attention à la poésie ainsi qu'à certaines démarches artistiques ou intellectuelles qui forment autant d'échappées belles et de "munitions" pour résister à la dureté des temps. Mais après trois ans et demi d'existence, nous n'en sommes qu'à l'orée de ce qu'il faudrait poursuivre et développer. Ce qui demande quelques moyens, même si non-bolloréens. Dons et abonnements ICI
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