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Isabelle Favre

Grève de la faim pour le climat

Dernière mise à jour : 31 oct. 2021


Formé en novembre 2020, un collectif appelle «à jeûner pour la protection du climat et de la biodiversité» du 31 octobre jusqu’au 12 novembre, pendant toute la durée de la COP26. Parmi les actions déjà réalisées ici et là : des «cercles de silence». Un mouvement qui ne demande qu’à se propager.


C’est une action à bas-bruit, qui ne fera sans doute pas les gros titres des médias. Mais qui sait ? En tout cas, ce dimanche 31 octobre, au moment où s’ouvre la COP26 à Glasgow, certain.e.s appellent « à jeûner pour la protection du climat et de la biodiversité », jusqu’au 12 novembre, soit pendant toute la durée de ladite COP26. Complémentaire et solidaire des autres formes d'action de la communauté scientifique et de la société civile mondiale, cette action non-violente vise à interpeller les décideurs politiques et économiques afin qu’ils « fassent preuve de courage politique et qu’ils manifestent davantage de volontarisme sur les enjeux climatiques et écologiques. »

Cette action, à laquelle chacun.e peut prendre part, est initiée par un Collectif des Grévistes de la Faim pour un Avenir Possible, qui s’est constitué voici un an. Contexte et témoignages, ci-dessous…


Grève de la faim : intérioriser l’insupportable

Faire la grève de la faim, c’est déclarer une rupture dans le cours habituel de sa vie. Cet engagement, qui met en jeu son propre corps pour s’opposer à une situation jugée intolérable, développe une parole silencieuse, « une revendication de la vérité, non en infligeant des souffrances à son adversaire, mais à soi-même » disait Gandhi. Action non-violente envers les autres, donc, mais l’« auto-souffrance » que s’inflige le/la gréviste de la faim va de la simple sensation du ventre creux qui se propage, à des dommages potentiellement conséquents si la grève se prolonge au-delà de ce que les capacités vitales peuvent supporter.


Partager une première motivation : taxer la spéculation

Le collectif des « Grévistes de la Faim pour un Avenir Possible » s’est développé à partir d’une action initiée en novembre 2020 à Joigny dans l’Yonne, autour du pépiniériste Éric Lenoir, auteur du Petit traité du jardin punk, de la journaliste Laure Noualhat, et de la graphiste Pascale Canobbio. Certains ont cessé de s’alimenter près de trois semaines ; il s’agissait alors de soutenir la grève de la faim engagée par Pierre Larrouturou, député européen et rapporteur du budget, dans son projet de généraliser une taxe sur les transactions financières (TTF) afin de débloquer des fonds pour conduire et financer des actions contre le dérèglement climatique à l’échelle européenne. De façon plus explicite, le collectif déclarait : « Dans quelques jours, l'Union européenne va boucler son budget sans financer la transition climatique à la hauteur nécessaire. Nous exigeons la taxation de la spéculation pour y parvenir. »


Jeûner en réseau pour « Un avenir possible ».

La transition climatique n’est pas apparue comme une action en soi dans le nouveau budget européen. Mais elle est restée une raison d’être du collectif des « Grévistes de la Faim pour un Avenir Possible » (GFAP). Il s’est développé en associant de nouveaux membres au fil des mois dans la France entière et au-delà, à partir de publications, de webinaires ou visio-réunions. L’organisation s’est structurée pour répondre à la volonté des grévistes de s’informer entre eux avec un groupe « accueil », pour anticiper et réfléchir ensemble à la poursuite des actions et à leurs modalités avec un « Groupe de travail ». Enfin un groupe Facebook ouvert permet d’associer les personnes concernées mais non grévistes elles-mêmes.

Participer à ce collectif signifie jeûner sur la durée ou sous forme de « grève perlée » (jeûne une fois par semaine,…) et, à certaines occasions seulement, entamer une vraie grève de la faim.


«Après mes huit premiers jours de grève

j’ai mâché très longuement une première amande,

jusqu’à la réduire en purée complète. J’ai apprécié son goût bien sûr

mais aussi avec acuité sa chair… et chaque étape de sa transformation

dans ma bouche. Ne pouvant réprimer le jaillissement d’un profond

sentiment de gratitude pour ce qui m’était donné en cet instant.»


« Notre silence est un cri »

Cet engagement s’est poursuivi en mars 2021, lors de l’examen de la loi Climat et Résilience au Sénat : « Face à l’intolérable destruction du vivant dans toutes ses dimensions : pollutions multiples, effondrement de la biodiversité, changement climatique… Aucune mesure politique n’est à la hauteur de l’ampleur des bouleversements à venir, exigeant de changer immédiatement de cap tout en préparant les populations. Notre silence est un cri, le cri de la terre qui porte le nôtre en son sein. »


Un nouveau type d’action non-violente s’est alors mis en place : les Cercles de silence. Un certain nombre de personnes se réunissent dans un espace public, forment un cercle et restent en silence pendant une heure environ : protestation muette qui interpelle les passants.

Par extension, ces Cercles (pas forcément de silence) peuvent aussi avoir une fonction rituelle, comme celui qui eut lieu en août 2021 sur la plage de Contis, dans les Landes, en mémoire de l’aventurier-navigateur Maximilien Berque, décédé quelques jours plus tôt.

Plage de Contis, août 2021. « Un cercle pour Maximilien Berque, frère jumeau d'Emmanuel Berque & frère d'Augustin Berque : homme libre, surfeur libre, navigateur libre, parti cette semaine pour un dernier (?) grand voyage vers le cosmos sans instrument de navigation... Ça fait du bien de savoir que des personnes (et des familles) de cette trempe existent... In-résumables... Ce cercle dans l'océan à quelques mètres de ceux que nous faisons de temps en temps pour la planète et le vivant... Ça fait bizarre et chaud au cœur à la fois...

Vivre... et protéger cette belle maison commune... " (Jean-Pierre Garbisu)


« Faim de courage politique ! »

Dans l’action, qui est souvent inaction, le Collectif des GFAP relie des personnes qui pour la plupart ne se connaissent pas, mais se retrouvent pour entreprendre, chacun là où ils sont, une démarche commune. Bel apprentissage de l’autonomie solidaire.

Devant l’absence de vraies décisions pour de vrais changements, certains évoquent une radicalisation possible, en tout cas des formes d’action plus spectaculaires. À l’inverse, d’autres restent convaincus du pouvoir, à terme, de l’action non-violente : démarche personnelle et coordonnée du jeûne. Le silence des cercles de silence parle de lui-même…


« Le combat écologique est d’abord un combat du sensible, de l’organique avant d’être celui de la raison. […]

Le corps en grève de la faim approfondit notre acuité quant aux sensations de toutes sortes […]

C’est un élan non violent pour protéger tout ce que produit la Vie elle-même à chaque instant,

que nous en soyons conscients ou pas.

L’aspiration est radicale et nous sommes notre propre corps de résistance. »


On retrouve aussi l’esprit de grands prédécesseurs de l’action non violente chers à Jean-Pierre Garbisu, principal coordonnateur des GFAP en 2021 : Lanza del Vasto qui a rencontré Gandhi en Inde avant de créer les Communautés de l’Arche, dont fut membre Jean-Baptiste Libouban, initiateur du mouvement des Faucheurs volontaires luttant pacifiquement contre les cultures d’OGM, le moine franciscain Alain Richard enfin, initiateur des Cercles de silence.


Hisser chaque décision politique à la hauteur des sommets mondiaux

Les membres du Collectif des GFAP sont régulièrement appelés pour s’impliquer à l’occasion de moments forts dans le calendrier des décisions sur le climat, comme ce fut le cas récemment à l’occasion du Earth Fast organisé par Extinction Rébellion International de fin août à début octobre 2021, ou lors du Congrès de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature début septembre à Marseille.

Ces actions permettent de se mettre en relation avec d’autres activistes, y compris à l’étranger, qui partagent le même agenda. Ainsi, pour la COP 26, un lien est établi entre les GFAP et des Britanniques qui seront présents à Glasgow en relation avec un petit groupe vigie #earthfastcop26. Il sera rejoint par des personnes qui viendront jeûner pour un ou plusieurs jour(s). Les personnes jeûnant à distance, dont les membres du Collectif des GFAP, seront connectées à cette vigie à Glasgow et solidaires en rendant compte de leur propre action, de leur motivation sur les réseaux sociaux.


« Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde. » (Gandhi)

S’abstenir de manger, c’est remettre en cause nos comportements alimentaires qui relèvent souvent d’automatismes sociaux et culturels qui ne sont pas en phase avec les véritables besoins du corps. C’est faire silence et se mettre à l’écoute profonde.

Ne pas s’alimenter, c’est aussi dessiner une autre géographie de l’être humain : d’abord celle de la faim.


« Jamais éprouvé de toute ma vie cette douleur-là, chaque jour partagée

par des centaines de millions de mes sœurs et frères dans le monde.

La faim comme une chance en forme de passerelle, activant une profonde compassion.

Chaque être humain devrait être mis en demeure d’en faire l’expérience une fois dans sa vie

pour comprendre la véritable dimension de l’acte de se nourrir.

Une occasion de se relier beaucoup plus profondément au Vivant que nous incorporons. »


On peut alors s’écarter des faux besoins qui nous poussent à consommer ce qui ne nous est aucunement nécessaire (et parfois même nocif) en soutenant les profits d’entreprises qui sont les premières responsables des dérèglements climatiques et de l’effondrement de la biodiversité.

L’engagement est « quelque chose d’assez subtil dont on n’attend pas un retour immédiat, ni une victoire à court terme. […]. Rencontrant la désapprobation, l’indifférence ou l’encouragement, on entre dans une espèce de méditation intérieure, on s’interroge soi-même. » Et en même temps on interpelle les autres, en montrant que leur mode de vie n’est pas le seul avenir possible. C’est le travail que chacun fait sur sa propre vie.


« Pour moi l’avenir n’est possible que si l’être humain accepte de changer son mode de vie

de façon radicale pour retrouver une vie que certains trouveront précaire.

À mon sens, elle ne l’est pas, c’est une vraie richesse. »


Isabelle Favre

(article nourri des propos de Pascale, Anaïs et Jean-Pierre, et de tous les membres du Collectif des Grévistes de la Faim pour un Avenir Possible qui ont inspiré ce texte).


Page Facebook du Collectif des Grévistes de la Faim pour un Avenir Possible : ICI.


Pour s’inscrire à cette action internationale : https://framadate.org/ZZfW3JgbrneYKbyS


Post-scriptum de la rédaction des humanités. Simultanément aux actions du Collectif des Grévistes de la Faim pour un Avenir Possible, une autre grève de la faim a débuté le 10 octobre dernier à l’église Saint-Pierre de Calais. Anaïs Vogel, Ludovic Holbien et le père jésuite Philippe Demeestere, 72 ans, dénoncent le « harcèlement quotidien » des migrants à Calais.Ils demandent, ainsi que le Secours catholique, l’arrêt des expulsions systématiques des lieux de vie des personnes migrantes pendant la trêve hivernale ; l’arrêt de la confiscation de leurs tentes et de leurs affaires personnelles ; l’ouverture d’un dialogue entre autorités et associations non-mandatées par l’État pour définir conjointement les modalités de l’aide humanitaire…

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