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Isabelle Favre

Fusion des horizons. Atelier du regard #5, par Isabelle Favre

Georg Friedrich Kersting, Caspar David Friedrich dans son atelier, 1811, Hambourg, Kunsthalle.


Qu'est-ce qui nous regarde dans ce nous voyons ? Cinquième séquence de notre "atelier du regard" (*) avec Isabelle Favre, géographe, membre du comité de rédaction des humanités : un portrait du peintre Caspar David Friedrich, concentré sur les gestes de sa peinture, entre l’inspiration de son imagination, la toile, son pinceau et son regard.


Fusion des horizons

Ce portrait de Caspar David Friedrich dans son atelier, peint par son ami Georg Friedrich Kersting en 1811, me regarde depuis longtemps, depuis que je l’ai vu à la Kunsthalle de Hambourg, en mai 2008. Malgré ce qu’ils représentent pour moi, j’avoue avoir presque oublié le temps passé à découvrir ou redécouvrir ces tableaux de Friedrich pour lesquels j’étais venue, temps masqué par d’autres souvenirs : l’émerveillement des lumières du printemps entre mer du Nord et mer Baltique (un détour à Brême) et … l’étonnement devant ce portrait.

 

J’avais, d’abord, regardé de très près l’incontournable Voyageur contemplant une mer de nuages (der Wanderer über dem Nebelmeer), si souvent cité dans les histoires de la théorie du paysage, décrivant ce « voyageur immobile […] qui médite seul face à l’infini, toutes affaires mondaines refoulées au-dessous des nuages », figure associée au génie romantique tel qu’il est exprimé dans un autre portrait du peintre, par le plus académique Gerhard von Kügelgen.

 

Dans ce portrait dans son atelier, Caspar David Friedrich (1774 - 1849) est concentré sur les gestes de sa peinture, entre l’inspiration de son imagination, la toile, son pinceau (ses pinceaux, il en tient au moins quatre dans la main gauche) et son regard. L’atmosphère plutôt froide et austère est rompue par la lumière qui passe par une petite fenêtre : lumière, autre protagoniste de l’atelier.


Génie romantique ou artiste au travail, montré pantoufles aux pieds, dans l’intimité quotidienne de son travail ? L’un et l’autre ne s’excluent pas. Et c’est ce qui me regarde dans ce Portrait : la représentation du travail d’un peintre de paysages inventés, la présence de sa vie quotidienne et la figuration d’un sentiment qui n’est pas uniquement éthéré, sublime comme on le voit dans certains tableaux de Friedrich.


D’ailleurs, ce Wanderer est-il un voyageur, hors sol dans sa contemplation ? N’est-il pas plutôt, en costume de ville et une canne à la main, un randonneur qui parvient enfin au-dessus des nuages  (l’escalade des montagnes a commencé dès le XVIIIe siècle) : expérience concrète mais tout aussi esthétique qui donne vie au paysage, au wandern, à l’arpentage du monde, comme le dit Martin de la Soudière (lire ICI).


Isabelle Favre, 6 janvier 2025

 

(*) - Le principe de "l'atelier du regard" est simple : sélectionner une image (photographie, tableau, etc.) et dire en quoi ce que nous voyons nous regarde (cf Georges Didi-Huberman). Propositions à adresser à contact@leshumanites.org


 

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