top of page

Fuck démocratie (le feuilleton des cryptomonnaies / 01)

Maria Damcheva

Photomontage : Jeremy Strong, acteur de la série télé "Succession", centrée sur la famille Roy,

les propriétaires dysfonctionnels de la multinationale Waystar RoyCo, conglomérat mondial de médias et de divertissement

-inspirée de l'empire médiatique de Robert Murdoch (à gauche),

et le fondateur d’Ethereum, Vitalik Buterin (à droite)


Alors qu’il a lui-même créé voici peu une entreprise, World Liberty Financial, pour spéculer sur l’essor des cryptomonnaies, Donald Trump vient de signer un décret pour créer un stock national de bitcoins et d'autres monnaies numériques. L’enjeu est bien plus politique qu’économique. Car le projet fondateur des promoteurs de la cybermonnaie est d’échapper à la "dictature" du contrôle étatique sur la valeur des monnaies par les institutions chargées de sa réglementation. Voici venir l’idéologie de "l’Individu Souverain" qui n’a plus de temps à consacrer aux inepties de démocraties vieillottes, avec leurs notions de redistribution des richesses. Certains "crypto-bros"préparent d’ores et déjà ce monde inégalitaire, mais hyper-connecté, en projetant de fabuleuses "cités de l’avenir" où pourra régner en toute tranquillité "l’élite cognitive" : des "zones libres" qui seraient le laboratoire d’un nouveau fascisme, "libertarien". Pour les humanités, à partir de sources inédites dans la presse française, Maria Damcheva entreprend un passionnant feuilleton des cryptomonnaies.



Croisée des chemins - 1er épisode 


C’est une des phrases préférées d’Elon Musk, "l’homme le plus riche du monde": « At the Crossroads » ("A la croisée des chemins),  a-t-il annoncé aux employés de X (ex-Twitter) quand il a pris possession des lieux et viré les personnes qui tentaient d’assurer un minimum de civilité sur le réseau social. C’est avec la même phrase qu’il a initié la purge des agences relevant du gouvernement fédéral américain, s’attaquant même aux Départements, tel celui de l’Éducation, dont Donald Trump ne veut plus entendre parler.


Le chaos provoqué par ces mesures est  immense.  Il est aussi intentionnel. La sidération paralyse les esprits ou les re-dirige sur des questions secondaires. Elle masque à merveille le projet sous-jacent qui repose sur une vision résolument antidémocratique de l’avenir : celui dans lequel l’Individu Souverain, libéré des contraintes imposées par les gouvernements nationaux, fonctionnera dans un monde re-dessiné à son propre avantage par une "élite cognitive". Dans ce monde-là, la création de la richesse et sa redistribution se feront de façon radicalement différente, dans un monde dont les démocraties auront été éliminées.

 

C’est la  vision même qui a servi de motif à la création initiale de la cybermonnaie : échapper à la « dictature » du contrôle étatique sur la valeur des monnaies par les institutions chargées de sa réglementation. « Bitcoin began as a revolutionary technology designed to circumvent government tyranny. 16 years later, we’ve built an entire parallel financial system » ("Bitcoin a débuté en tant que technologie révolutionnaire conçue pour court-circuiter la tyrannie gouvernementale. 16 ans plus tard, nous avons construit une système financier parallèle complet")  déclare-t-on sur le site de la société Praxis, une organisation libertarienne d’investisseurs en cryptomonnaie. (1)

  

C’est la  vision même qui a servi de motif à la création initiale de la cybermonnaie : échapper à la « dictature » du contrôle étatique sur la valeur des monnaies par les institutions chargées de sa réglementation..


À cet égard, en 2018, les signataires de la Déclaration d’Indépendance Monétaire se disaient prêts à « consacrer leurs vies à la construction de réseaux et de systèmes qui rétabliront l'intégrité de la valeur et défieront directement l'autorité de ceux qui cherchent à détruire la valeur » (ICI). Comprendre, dans ce langage libertarien : se libérer des États établissant les règles sur la valeur des monnaies - l’un des principes fondamentaux sur laquelle repose la confiance des marchés et des individus retirant leur salaire mensuel et l’utilisant pour leurs besoins divers. « Unite or Die » disent-ils. En-dehors du regard fouineur des gouvernements, s’entend.


Mine de rien - ou à coups spectaculaires de millions investis dans les campagnes électorales aux États-Unis - les "cryptos-bros" se sont assurés des strapontins de choix, tant autant aux niveaux des États qu’à celui du gouvernement fédéral.  Elon Musk n’en est que la manifestation la plus éclatante.  Nous reviendrons plus en détail sur certains autres "gros joueurs" dans le second épisode de cette série.


Mais pour l’heure, prenons un peu de recul sur les actualités tonitruantes pour un regard en biais sur l’un des aspects de ce grand chamboulement, mis en route depuis plusieurs années déjà.


« 10 Beautiful Freedom Cities » 


Revenons d’abord à un passé récent pour un exemple concret d’un des aspects de ce cauchemar présenté comme un rêve à la Disneyland. 

La voiture volante de la famille Jetson, dessin animé (cartoons) de William Hanna et Joseph Barbera (1962).

La série met en scène une famille, en projetant la vie américaine actuelle (par rapport au moment de création) dans une période donnée :

en l'occurrence le futur. George Jetson est un homme comblé. Il vit avec sa famille dans un grand et ultra moderne appartement

avec vue sur le ciel et dispose d'un emploi tranquille sous la direction de M. Espaciton qui lui mène quand même la vie dure.

Sa femme, Jane, et lui ont eu deux enfants très différents que sont Judy, l'adolescente fashion qui craque sur n'importe quel beau garçon,

et Elroy, un petit garçon surdoué de six ans. Pour faire le ménage, ils peuvent compter sur la serviable Rosie le robot, et pour se distraire il y a toujours Astro, le chien quelque peu maladroit. Ils seront rejoints plus tard par Orbite, un petit extraterrestre blanc et violet,

toujours joyeux et qui change de couleur selon son humeur. (Sens Critique).


3 mars 2023 - En campagne pour les élections présidentielles de 2024, Donald Trump tient un de ses discours habituels, divaguant d’un sujet à l’autre - du moins, en apparence.  Ce jour-là, il mentionne des voitures volantes, comme celles de la famille Jetson du dessin animé ; des primes à la naissance incitant les Américaines à la création de  quantités de beaux bébés tout blancs, et la construction de 10 merveilleuses "villes de la liberté" ("Freedom Cities"), qui seront le témoignage concret du retour de l’esprit pionnier des premiers colonisateurs, grâce au grand Donald en personne.


On rit - un peu. Au sujet des voitures volantes, bien sûr, et des carambolages en perspective au-dessus de nos têtes. Pourtant, il y a bel et bien une société du nom de jetson.com à l’œuvre sur un tel projet (ICI). De primes de naissance, on n’entend plus trop parler, ces jours-ci, l’attention se portant surtout sur les perspectives de natalités imposées, les bibliothèques scolaires étant tenues de se débarrasser de leurs copies du brûlot La Servante Écarlate de la canadienne Margaret Atwood.


Mais pour ce qui est des fabuleuses cités de l’avenir, leurs promoteurs  sont déjà à l’œuvre. Selon Mark Lutter et Nick Allen dans leur article "Building Freedom Cities" publié le 6 décembre 2024 dans le City Journal (ICI), elles auront toutes les qualités imaginables : situées dans des environnements bucoliques mais à proximité de villes prospères et possédant un aéroport, elles attireront des individus dotés d’un esprit d’entrepeneurship à faire rêver un Emmanuel Macron. Ils seront attirés par l’idéologie de "l’Individu Souverain" qui n’a plus de temps à consacrer aux inepties de démocraties vieillottes, avec leurs notions de redistribution des richesses. Ils auront franchi le cap, habiteront le monde hyper-connecté où tout se paie, ou se paiera, en crypto-monnaie.


Le monde appartient ces aspirants à "l’élite cognitive" et des sites de construction intéressants sont déjà identifiés. Le Parc national Presidio, par exemple, aux portes de San Francisco. On ne saurait trouver un lieu plus idéal : à côté d’une capitale du high-tech dotée d’un aéroport, ville d’une densité comparable à celle de Paris, Presidio y rajouterait quelques 120 000 habitants dans un environnement bucolique à souhait. « De plus, compte tenu de la densité de talents existante dans la ville, un Presidio doté d'un régime de biotechnologie libéralisé deviendrait rapidement un leader mondial de l'innovation dans ce secteur. L'Amérique mérite une région de la baie capable de rivaliser ; transformer Presidio en une ville de la liberté pourrait être une étape importante dans cette direction », précisent  Mark Lutter et Nick Allen dans leur article appelant à cette façon de "revitaliser" les États-Unis.   


Mais Presidio n’est pas le seul parc national à attiser les convoitises. Il existe une dizaine d’entre eux situés dans le sud ou le sud-ouest du pays, proches de villes importantes dotées d’aéroport


Soudain, on se met à comprendre la "logique" derrière les congédiements massifs de garde-forestiers. C’est que les terres fédérales ne regorgent pas seulement de réserves forestières, pétrolières et minières à exploiter, elles offrent aussi la possibilité d’implantation de ces "beautiful Freedom Cities" offrant le meilleur des deux mondes techno et bucolo-randonneur de weekends. (Pour les grizzlies et autres nuisances, le fils du président se chargera peut-être de battues avec ses copains ?)


Tout cela devient possible sous un régime occupé à se démanteler lui-même - et surtout, à démanteler la démocratie dont elle se disait l’avant-garde. Les "Freedom Cities" n’étant qu’un morceau du puzzle...


Capture d'écran du site internet de la société Praxis


« Better Living Through Crypto »


Car ces villes de l’avenir radieux s’intégreront tout naturellement dans les "réseaux souverains" existant déjà en ligne. Comme nous l’apprend le site de la "Praxis Nation" : « Les réseaux souverains sont des communautés en ligne alignées, dotées d'une capacité d'action collective qui finance collectivement des territoires dans le monde entier et finit par obtenir la reconnaissance diplomatique des États préexistants. (...) Les premiers réseaux souverains n'auront pas besoin d'une reconnaissance diplomatique totale pour prospérer. Ils créeront plutôt une réelle valeur ajoutée grâce à leur infrastructure économique crypto-native, gagnant le respect et la légitimité en résolvant des problèmes que les États-nations traditionnels ont du mal à résoudre, qu'il s'agisse d'accès au financement, de services publics, de droits de propriété ou d'innovation en matière de gouvernance. Cette approche progressive s'inscrit dans l'évolution historique de la crypto elle-même : d'une technologie marginale à une classe d'actifs respectée par les investisseurs institutionnels. » ("Network State : the Crypto’s End Game", "L’État-réseau : le but du jeu de la crypto", ICI).


Truth or Consequences 


Les Américains aiment bien les nouveautés et les jeux. Les nouvelles villes aussi, quitte à en renommer une pour gagner un concours. C’est le cas de la ville de Hot Springs au Nouveau-Mexique, qui remporta le concours pour la diffusion de l’émission Truth or Consequences (ICI). Le Nouveau-Mexique compte donc une ville de ce nom et on imagine déjà les jeux et les prix fabuleux qui accompagneront le baptême des Villes de la Liberté. 


Oui, mais objecterez-vous : le reste du pays, et les habitants des villes et des campagnes en-dehors de ce circuit des élus ? C’est certain, il faudra bien assurer un minimum de services, ne serait-ce que pour maintenir l’ordre auprès de ces êtres "cognitivement inférieurs" dont on connaît la propension à la rancune et à l’agitation. Et comme il en faudra quand même un certain nombre pour produire du bébé (blanc), maintenir en état les voies de circulation utiles aux "élites" ne se déplaçant pas en voiture volante, et autres fonctions subalternes mais nécessaires  - systèmes d’égouts, contrôle des incendies… - on conservera un gouvernement dont l’activiste anti-impôt Grover Nordquist disait en 2001 : « Je ne souhaite pas abolir le gouvernement. Je veux simplement le réduire à une taille telle que je puisse le traîner vers la salle de bain et le noyer dans la baignoire. » (ICI)


On aura compris que dans un tel cas, la "redistribution de la richesse" ne sera pas vraiment à l’ordre du jour. À chacun selon son portfolio de crypto-monnaie, en somme. Il faudra quand même maintenir un arsenal nucléaire et des moyens de dissuasion contre des malotrus voulant s’en prendre aux Villes de la Liberté et autres richesses fabuleuses de la capitale mondiale de la cryptomonnaie que promet Donald Trump depuis quelques jours.


Nous y reviendrons dans un prochain épisode où il sera question de certains autres membres de cette "élite cognitive" que les facéties d’Elon Musk tendent à maintenir dans l’ombre. Ce qui n’est pas nécessairement pour leur déplaire.

Une "ville libre", sur le site internet de Praxis.


Dernière Heure : « Freedom Cities » -  à l’ordre du jour plus que jamais


Le vendredi 7 mars 2025, Wired, le mensuel américain consacré aux technologies émergentes, publiait un article par Caroline Haskins et Vittoria Elliott nous apprenant que des lobbyistes se désignant comme la "Start-up Nation Coalition", étaient en rencontres régulières avec des membres de l'administration Trump pour la construction de "villes libres" déréglementées (ICI). Ces villes - sorte de "zones libres" - seraient exemptées de réglementations fédérales… et ce, bien qu’elles occuperaient des territoires situés à l’intérieur des États-Unis et même, sur des terres propriété de ce même gouvernement.


« L'objectif de ces villes serait de disposer de lieux où les essais cliniques anti-âge, les démarrages de réacteurs nucléaires et la construction de bâtiments pourraient se dérouler sans avoir à obtenir l'autorisation préalable d'organismes tels que la Food and Drug Administration, la Nuclear Regulatory Commission et l'Environmental Protection Agency. » (Wired)

Une telle zone existe sur l’île hondurienne de Roatan depuis 2020. Elle attire « les travailleurs du secteur technologique et les start-ups en promettant des impôts bas, peu de réglementations et un gouvernement pragmatique qui considère ses citoyens comme des clients. Parmi ses financiers figurent Pronomos Capital, une société de capital-risque soutenue par Peter Thiel et Marc Andreessen, et Coinbase.  À noter que le gouvernement actuel du Honduras considère que Prospera est illégale. Les promoteurs de la zone poursuivent le gouvernement hondurien dans un procès encore en cours. »


Selon l’un des lobbyistes, Trey Goff, chef de cabinet de Prospera, ses contacts à la Maison Blanche prennent les projets à l’intérieur des États-Unis « très au sérieux. Ils ont l'intention de tenir toutes les promesses… faites pendant la campagne électorale. » (2) Plusieurs emplacements font l’objet de discussions - dont le fameux parc de Presidio près de San Francisco - et des propositions concrètes sont en discussion concernant leur mise en place. L’utilisation de terres fédérales fait l’objet d’un consensus puisque cela « permettrait de réduire le coût de développement des villes en démarrage. »


Le journaliste Gil Duran de The Nerd Reich, cité dans l’article de Wired, déclare : « Ce seront des villes sans démocratie Ce seront des villes sans droits des travailleurs. Ce seront des villes où les propriétaires de la ville, les entreprises, les milliardaires auront tout le pouvoir et où tous les autres n'auront aucun pouvoir. C'est ce qui rend ces entités souveraines si attrayantes… c'est qu'elles seront en fait des villes anti-liberté. »


Maria Damcheva


NOTES


(1). Praxis, société fondée par Dryden Brown et Charlie Callinan, avec David Weinreb, fondateur de la Howard Hughes Corporation, se décrit comme une « nation native d'Internet ». En décembre 2023, le New York Times a révélé que Brown avait levé 19,2 millions de dollars pour Praxis. Le principal bailleur de fonds de Praxis est Paradigm Operations, qui a investi dans FTX, Coinbase et Citadel. Parmi les autres investisseurs figurent Pronomos Capital, soutenu par Peter Thiel et d'abord dirigé par Patri Friedman, petit-fils de l’économiste Milton Friedman, fondateur de l’École de Chicago, ainsi que les investisseurs en capital-risque Balaji Srinivasan et Joe Lonsdale, cofondateur de Palantir, tous deux associés à Peter Thiel. En outre, Praxis a reçu des investissements d'Alameda Research, soutenu par Sam Bankman-Fried, Apollo Projects, lancé par Sam Altman, et Winklevoss Capital Management, le family office des jumeaux Winklevoss. Un guide interne de Praxis consulté par le New York Times dénonce les "ennemis de la vitalité" et vante les "normes de beauté traditionnelles, européennes/occidentales, sur lesquelles le monde civilisé, dans ses meilleurs moments, a toujours trouvé le succès". Sur X, Dryden Brown écrit (5/02/2025) : « Depuis le début, Praxis existe pour lutter pour l'âme de l'Occident. L'esprit héroïque qui animait nos ancêtres romains, helléniques et nordiques reviendra avec fureur, accéléré par l'union des peuples de l'Occident dans un nouveau réseau de croyance et d'action. Sentant cela, de nombreux journalistes, milliardaires et bureaucrates ont essayé de nous démolir par des calomnies, des mensonges, la privation de ressources et bien d'autres choses encore. Ils ont appris une chose : quoi qu'ils fassent, quoi qu'ils disent, cela n'aura aucune importance. Nous continuerons à venir. Nous sommes prêts à accepter n'importe quel coût personnel, n'importe quel revers pour finalement remporter la victoire. » Dryden Brown ambitionne de « créer ses propres lois, ne pas payer d'impôts et éliminer les pauvres et les indésirables ». Parmi les livres de chevet de ce charmant garçon, ceux d’Ayn Rand, figure de l'anticommunisme radical, considérée comme la théoricienne d'un capitalisme individualiste, ceux de l'écrivain fasciste Julius Evola, les mémoires d'Albert Speer, l'architecte d'Adolf Hitler, ou encore Imperium, un livre de Francis Parker Yockey paru en 1948 qui appelle à l'établissement d'un empire néo-nazi en Europe.


(2). A lire sur le New York Times : "Trump signe un décret visant à créer une « réserve de crypto-monnaie ». Cette réserve, la première du genre, sera alimentée par une réserve de bitcoins que le gouvernement possède déjà et dont la valeur est estimée à plusieurs milliards de dollars", article de David Yaffe-Bellany publié le 6 mars 2025 (ICI, en anglais).

 

Parce que vous le valez bien, les humanités ce n'est pas pareil. Si certains articles sont longs, c'est qu'ils répondent à un besoin d'informer en profondeur, gage d'une démocratie vivace. Nous avons fait le choix d'un site entièrement gratuit, sans publicité, qui ne dépend que de l'engagement de nos lecteurs. Dons (défiscalisables) ou abonnements ICI

Et pour recevoir notre infolettre : https://www.leshumanites-media.com/info-lettre


コメント


nos  thématiques  et  mots-clés

Conception du site :

Jean-Charles Herrmann  / Art + Culture + Développement (2021),

Malena Hurtado Desgoutte (2024)

bottom of page