Mohammad Hossein Ariyaei, Femmes au bain, acrylique sur papier, 2023
Peintre iranien, Mohammad Hossein Ariyaei est exposé dans le cadre de La tendresse de l'eau, jusqu'au 15 févier à la galerie Claire Corcia à Paris. Ex-directrice artistique de la revue Mouvement, elle-même vivant à Paris, Meghedi S. invite, pour l'atelier du regard des humanités, à découvrir un artiste autodidacte qui "livre un art tonitruant, frénétique tant dans le graphisme mêlant texte et image que dans la couleur énergétique, intense, fraîche et lumineuse".
« Quand j'écoute les peintures de Mohammad Hossein Ariyaei, j'entends le ruissellement de l'eau sur ma peau, j'entends les rires femmes, je me souviens depuis l'exil d'Ispahan, j'entends des saveurs » (transmis par Meghedi S., première abonnée iranienne aux humanités) :
Mohammad Hossein Ariyaei est né en 1987 à Ispahan, en Iran. Il grandit auprès de sa grand-mère qui pratique le soufisme et le mysticisme à travers l’écriture de prières, le dialogue avec des mondes parallèles et l’exorcisme. Elle lui raconte de nombreuses histoires qui peupleront son imaginaire et constitueront la source de son inspiration. En 2013, il commence à peindre sur le conseil d’un illustrateur de livres pour enfants. Autodidacte, il ne s’est plus jamais arrêté de peindre.
Les œuvres de Mohammad Ariyaei sont incandescentes. Au cœur d’une figuration décomplexée, humoristique et déjantée, il se situe au carrefour de l’Orient, de l’Afrique et de l’Occident. Il y mêle aussi bien la poésie et la littérature persane, que les êtres humains et les animaux, et convoque en personne les philosophes et poètes persans tel Saadi, Roudaki, Ferdowsi, Khaghani, Hafez et le mystique Shams à la même table, par-delà le temps et l’espace, comme pour réconcilier l’esprit de la création et prendre appui et conseil auprès de ses illustres prédécesseurs.
La surface de l’œuvre est rythmée, saturée de signes et bouillonnant de références croisées entre les cultures et les arts visuels, poétiques, littéraires et musicaux. La composition verticale de certaines œuvres fait penser aux estampes japonaises et notamment au théâtre japonais peuplé de personnages drôles, outrés et tragiques. Mohammad Ariyaei livre un art tonitruant, frénétique tant dans le graphisme mêlant texte et image que dans la couleur énergétique, intense, fraîche et lumineuse. En effet, l’émotion naît de la couleur pure, chantante au travers des rouges, des bleus, des jaunes et des oranges appliqués avec liberté et désinvolture. La liberté du geste se perçoit dans les traits souples, déliés et les chevelures folles des personnages. Les écritures arabes s’envolent de toutes parts et participent à la composition graphique d’ensemble. L’œuvre de Mohammad Ariyaei est une partition vivante composée d’une farandole de couleurs exubérantes, de formes et de signes savamment orchestrés. L’œuvre est organiquement vivante, bruyante, comme éclairée de l’intérieur par la couleur.
Cet art extraverti présente un chaos puissamment maîtrisé, au bord de l’explosion, tout comme son créateur, un être à la fois jovial, lucide et grave au regard de l’histoire de son pays. Tel un cri de survie, il dépeint les drames de l’histoire humaine, ses questionnements, ses errances, son absurdité et son impuissance en tant qu’observateur de ses contemporains. Ce constat cinglant est néanmoins teinté de rire et de légèreté pour mieux inviter le spectateur à repenser le monde et porter un regard distancié sur l’amour, le désir, la trahison, la guerre et l’injustice des hommes.
Source : Galerie Claire Corcia, https://galerieclairecorcia.com
Œuvres de Mohammad Hossein Ariyaei, exposées jusqu'au 15 février à la galerie Claire Corcia, à Paris.
Les mille et une nuits de Mohammad Ariayei
Douceur et sagesse orientale succèdent au bouillonnement survolté auquel nous avait accoutumé la précédente exposition délibérément art brut de Mohammad Aritaei. L'imaginaire du peintre iranien passe sereinement de la frénésie la plus sauvage au calme méditatif des grands récits fabuleux. L'artiste se plaisait alors à déverser le torrent volcanique de ses figures barbares à même le treillis tout en finesse dont il a l'habitude de tapisser ses fonds avec une patience de moine enlumineur. Déjà douceur et paroxysme cohabitaient. A présent la douceur l'emporte. L'imagination entrainée du peintre, pourtant spontanément bouillonnante, par instinct tout autant que par érudition, n'a aucun mal à renouer avec la foisonnante tradition orientale des mille et une nuits, laquelle, comme un fleuve au cours longtemps souterrain, resurgit à la lumière de sa peinture. Renouveau printanier des traditions toujours vivaces. Remplissage systématique de l'espace, sorte de version orientale des Riches Heures du Duc de Berry, fourmillement de réminiscences légendaires, persanes bien sûr, mais aussi assyriennes, ou encore issues des folklores indien ou chinois. La luxuriance décorative des tapis persans trouve ici un nouveau souffle. De même que s'envolent les tapis dans les contes persans, l'imagination de quiconque s'imprègne de cet univers de haute fantaisie plane dans une rêverie intemporelle d'Age d'Or où s'active la plus bariolée des faunes mythologiques. Chevaux ailés, centaures, démons grimaçants, monstres cornus, génies aux pieds fourchus, tout invite le spectateur à se raconter mille histoires. Des femmes prennent des poses paresseuses dans de luxueux hammams. Pourquoi sont-elles noires ? C'est paraît-il la couleur traditionnelle que la légende attribue aux djinns, esprits de la nature issus d'un feu sans fumée. Semblables à d'insaisissables êtres surnaturels, elles sont davantage fantasmes subliminaux que réalité charnelle. Abondance sans limite, impression d'embrasser des yeux un univers de trésors inépuisables, ce que l'enluminure avait de confidentiel s'expanse, déborde de partout et accède à la dignité des dimensions murales.
Xavier Bureau, janvier 2025
Œuvres de Mohammad Hossein Ariyaei à voir dans l'exposition La tendresse de l'eau, du 9 janvier au 15 février 2025 à la galerie Claire Corcia, 323, rue Saint-Martin, Paris 3ème. https://www.galerieclairecorcia.com
(*) - Le principe de "l'atelier du regard" est simple : sélectionner une image (photographie, tableau, etc.) et dire en quoi ce que nous voyons nous regarde (cf Georges Didi-Huberman). Propositions à adresser à contact@leshumanites.org
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