Oxana Nikitas tient dans ses bras sa fille Nika, 3 ans, alors qu'elles attendent un bus après avoir traversé
la frontière de l'Ukraine à Medyka, en Pologne. Photo Erin Schaff.
Fuir, fuir... Selon les estimations de l'ONU, les réfugiés d'Ukraine seront bientôt 5 millions. Sous les bombes de Poutine, qui "ne visent pas les populations civiles", un exode massif.
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« Voyage dans le voyage. Errance dans l’errance. L’homme est, d’abord, dans l’homme, comme le noyau dans le fruit,
ou le grain de sel dans l’océan. Et, pourtant, il est le fruit. Et, pourtant, il est la mer. »
(Edmond Jabès, Un Étranger avec, sous le bras, un livre de petit format, Gallimard, 1991)
Ils et elles sont un plus un, des dizaines, des centaines, des milliers, des dizaines et des centaines de milliers, bientôt cinq millions. Prenant d’assaut trains, bus, voitures, routes, pour échapper au fracas des bombes. Pour fuir ce qui était hier encore semblait impensable.
Alors que Grozny, Alep, Kharkiv, Marioupol, et bientôt Kiev et sans doute Odessa, sont désormais jumelées dans la même fureur destructrice d’un tyran sans foi et loi, les voilà à leur tour découvrant les routes de l’exode, rejoignant celles et ceux qui, d’Afrique ou de Moyen-Orient, de Tchétchénie ou d’Afghanistan, sont contre leur gré partis en éclaireurs ; en éclaireurs n’ayant trouvé au bout de la route que l’obscurité d’une solidarité au rabais, n’ayant trouvé que l’égoïsme occidental des puissants, tellement repus de leur « puissance ».
Un exode, donc.
Voici presque 50 ans, en août 1952, l’Exodus 1947 était détruit par un incendie dans le port d’Haïfa.
Exodus 1947 (en hébreu Yetzi'at Eiropa Tashaz, c'est-à-dire Exode d'Europe 5707 suivant le calendrier hébraïque) est le nom de ce bateau qui, en 1947, transporta clandestinement des Juifs survivants de la Shoah vers la Palestine alors sous mandat britannique. Pourquoi clandestinement ? Les Britanniques limitaient l'immigration juive en Palestine afin d'éviter les tensions avec les populations arabes. Pour sa part, le Mossad Le'aliyah Bet, une branche de La Haganah, l'organisation sioniste la plus importante en Palestine entre 1920 et 1948, organisait des opérations destinées à faciliter le voyage des migrants vers la Palestine. Elle avait ainsi secrètement armé le President Warfield, au départ du port de Sète. Le 11 juillet 1947, 4.500 personnes embarquent à bord, avec pour destination officielle la Colombie. Le cap est ensuite mis sur la Palestine et le navire rebaptisé Exodus 1947.
Alors qu'il approche des côtes de la Palestine, la marine royale britannique prend en chasse le navire et l'arraisonne. Les passagers de l'Exodus sont alors envoyés à Chypre, puis embarqués sur trois navires, et renvoyés, après une escale en France, dans la zone sous contrôle britannique en Allemagne. La dureté de la répression anglaise, critiquée par la presse, aura une grande influence sur la reconnaissance de l'État d'Israël, en 1948.
Dix ans plus tard, le romancier américain Leon Uris, qui avait couvert le conflit israélo-arabe en tant que correspondant de guerre en 1956, donne le nom du navire au livre qu’il publie en 1958 : le fil conducteur de l'histoire est Ari Ben Canaan qui fomente un complot visant à transporter des réfugiés juifs d'un camp de détention britannique établi à Chypre et à les installer en Palestine. Et deux ans plus tard, en 1960, Otto Preminger s’inspire du livre de Leon Uris pour réaliser Exodus, avec Paul Newman dans le rôle d’Ari Ben Canaan
Plus loin encore dans l’Histoire, Le livre de l’Exode est le deuxième livre de la Bible et de l'Ancien Testament. Il raconte l'exode hors d'Égypte des Hébreux sous la conduite de Moïse, le don des Dix Commandements et les pérégrinations du peuple hébreu dans le désert du Sinaï en direction de la Terre promise. Son titre originel en hébreu est Shemot, littéralement « les Noms », le livre commençant par Weelleh Shemot : « Voici les noms » des enfants d'Israël qui sont descendus en Égypte). Les traducteurs grecs de la Bible hébraïque ont choisi dans la Septante (traduction en grec de l’Ancien Testament) le terme « Exode » qui provient des mots grecs ex (ἐξ), « au-dehors » et hodos (ὁδός), « route ». Le mot grec employé dans la Septante est « ΕΞΟΔΟΣ » (Ἔξοδος).
Vladimir Poutine voulait, disait-il, « dénazifier » l’Ukraine (avec l’appui, hors armée, soit dit en passant, de cette milice Wagner dont le chef, Dmitri Outkine, qui arbore fièrement des tatouages hitlériens, fut décoré par Poutine en 2016, de l'ordre du Courage par Vladimir Poutine, pour avoir activement et salement participé à la bataille d'Alep en Syrie). Parmi les photos du jour : celle d’un groupe de réfugiés juifs ukrainiens dans l’attente d’un bus à Chisinau, en Moldavie, et cette autre photo où toujours en Moldavie, le grand rabbin Pinhas Zaltzman, aide ces mêmes réfugiés dans les formalités nécessaires pour leur permettre de rejoindre Israël.
Des réfugiés d'Ukraine attendent un bus après avoir franchi la frontière polonaise à Medyka, lundi.
Photo Maciek Nabrdalik
Des réfugiés traversent la Pologne depuis l'Ukraine à Medyka, lundi. Photo Erin Schaff
Des habitants d'Irpin fuient les violents combats sur un pont détruit après que les forces russes
soient entrées dans la ville. Photo Chris Mcgrath
Réfugiés de Kharkiv arrivant à la gare de Lviv. Photo Ivor Prickett
Réfugiés juifs ukrainiens à Chisinau, en Moldavie, attendant les bus qui les amèneront à l'aéroport de Roumanie où ils s'envoleront ensuite pour Israël. Photo Ivor Prickett
Pinhas Zaltzman, le grand rabbin de Moldavie, aide à trier les papiers dont les réfugiés juifs d'Ukraine auront besoin pour monter dans les avions qui les emmènent en Israël. Photo Ivor Prickett
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