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Pourquoi le Groenland ? (le feuilleton des cryptomonnaies / 03)

Photo du rédacteur: Maria DamchevaMaria Damcheva

Magnat de la tech, issu de la "Mafia PayPal", Ken Howery a été nommé par Trump ambassadeur des Etats-Unis au Danemark.

Illustration issue du site innovations.fr


Le 7 janvier dernier, Trump choquait l’opinion publique mondiale - et le gouvernement danois - en affirmant haut et fort vouloir annexer le Groenland. Une idée qui lui trottine dans la tête depuis 2019, même si à cette époque-là le président des États-Unis avait été plus soft, ne voulant que l’« acheter ». Mais d’où lui vient cette idée ? Dans ce troisième épisode du feuilleton des cryptomonnaies, Maria Damcheva dévoile le dessous inquiétant du "paquet TESCREAL", méli-mélo de techno-idéologies aux allures néofascistes qui se cache, avec ses riches tenants, derrière l’expansionnisme retrouvé du crypto-duo Trump-Musk.

Et en complément : un article d'Associated Press sur les récentes élections au Groenland, avec un reportage photo d'Evgeniy Maloletka.


C’est quoi, cette bestiole (ou, comme aurait dit mon père : « Ça mange quoi, en hiver ? »)

 

En une phrase, ses auteurs le résument eux-mêmes dans le titre d’un article paru le 14 avril 2024 dans le volume 29, numéro 4 de la revue First Monday : "The TESCREAL bundle: Eugenics and the promise of utopia through artificial general intelligence" ("Le Paquet TESCREAL : l’eugénisme et la promesse de l’utopie grâce à l’intelligence artificielle générale") (ICI et ci-dessous en PDF -rapport intégral, en anglais).



Les auteurs de ce "paquet" ? La chercheuse en informatique Timnit Gebru et le philosophe Emile P. Torres, qui se spécialise en eschatologie et perspectives d’extinction de l’humanité, telle qu’on la connaît.

 

Déballons le paquet pour voir un peu ce qu'il contient et ce que suggère cette aimable idéologie qu’ont adoptée certains "gros noms" de la technocratie qui s’activent au démantèlement, par coupes sombres, du gouvernement fédéral américain.

 

Techno-délires à la sauce néonazie

 

TESCREAL = Transhumanisme, Extropianisme, Singularisme, Cosmonisme, Rationalisme, Altruisme efficace et Long-termisme. Voyons cela dans le détail...

 

  • Le transhumanisme : à la fois idéologie et mouvement prônant le droit de l’individu d’utiliser les sciences pour améliorer et accroître ses capacités physiques et mentales. Ce qui évoque immédiatement :

 

  • L’extropianisme (terme s’opposant à celui d’entropie) : il pose comme fondement la croyance en la capacité illimitée d’amélioration des systèmes qui permettraient le prolongement de la vie humaine, voire l’immortalité.

 

  • Le singularisme, dans la définition qu’on lui donne ici, pousse la notion d’individualisme jusqu’à celle de croyance dans une singularité technologique permettant la création d’une "super-intelligence". Celle-ci mènerait à son tour à la création d’entités géographiques ou "transmentales" hors des cadres restreints de sociétés humaines organisées autour d’un gouvernement.


  • Le cosmisme : ah, cadeau de la Russie, ou du moins, de certains de ses penseurs de la fin du XIXe siècle. Notion que Wikipedia résume ainsi : « Selon sa thèse fondamentale, les aspirations idéales de l'humanité, y compris la quête d'immortalité, ne se réaliseront ni par des transformations sociales ni par un développement spirituel de l'individu, mais par l'expansion de l'homme dans l'univers, en vue de le transformer puis de le "transfigurer" ».

 

Nous voilà en terrain familier avec le fantasme d’Elon Musk d’un transbordement d’humains choisis vers les cieux riants de la planète Mars… Première étape, nul doute, en route vers quelques exoplanètes d’une autre galaxie…

 

Mais ne nous arrêtons pas en si bon chemin. Le rationalisme dont il est question ici n’est pas le bon vieux rationalisme de Descartes. Il s’agit ici de nier l’utilité de toute autre faculté humaine - émotions, intuitions… - pour ne retenir que ce que la raison scientifique établirait comme valable. Ce qui nous mène tout droit à :


  • L’altruisme efficace, dont on comprendra immédiatement que le qualificatif annule la notion même de dévotion désintéressée envers autrui. L’altruisme "efficace", lui, pose comme principe que tout acte est souhaitable s’il peut avoir l’impact le plus important sur "le plus grand bien". Reste à définir ce "bien" qui s’avère être "le plus grand bien de l’élite cognitive". On comprend mieux la décision de couper les aides alimentaires et médicales des États-Unis aux pays en ayant le plus grand besoin, puisque ces pays n’abritent pas les "élites cognitives" en question. Adolf Hitler n’utilisait pas cette expression d’"altruisme efficace", mais il s’agit essentiellement du même état d’esprit.

 

  • Et finalement, le long-termisme qui pose comme devoir essentiel de privilégier, grâce à ce fameux altruisme efficace, le bien-être des générations futures (en réduisant le nombre "d’inutiles" encombrant présentement la Planète). Comme disait Goebbels à ses ouailles : « Je sais, ce qu’on vous demande de faire est pénible, mais c’est pour le bien de nous tous, alors, courage ! » Il disait aussi : « Nous ne cherchons pas la vérité, mais l’effet produit », ce qui n’est pas à oublier non plus.


La clique des TESCREAListes

 

Qui sont-ils, parmi les "techno-bros" à savourer ce cocktail toxique ?

 

En octobre 2023, le promoteur de "capital-rique" Marc Andreessen publiait le Manifeste techno-optimiste (ICI, en anglais), dans lequel il affirme notamment que « tout comme les requins, les sociétés croissent ou bien elles meurent » : « nous croyons que tout ce qui est bien se trouve en aval de la croissance », « nous croyons que c’est pour cela (grâce à la technologie) que nos descendants vivront dans les étoiles », « nous croyons que l’économie de marché est une machine à découvertes, une forme d’intelligence », ou encore : « les gens n’agissent que pour trois raisons - l’amour, l’argent ou la force. L’amour ne peut pas se reproduire à large échelle, on a tenté l’expérience de la force sans succès, alors tenons-nous en à l’argent. » Et ainsi de suite, l’avenir selon Andreessen appartenant à « la machine techno-capitaliste ». Simple coïncidence, sans doute, étant donné ses convictions et sa fortune personnelles.

 

Car les TESCREAListes ont cette particularité d’être très, très riches et de ne pas avoir à se préoccuper du comment cette richesse est produite, ni des soucis quotidiens dont se charge leur personnel. Elon Musk éprouve de fortes sympathies pour cette idéologie et nombreux sont ceux qui pensent que sa société Neuralink poursuit des buts en lien avec l’idéologie TESCREAL. Ses pratiques natalistes seraient aussi inspirées par cette idéologie (création d’une "élite cognitive"…) Peter Thiel en serait aussi, ainsi que Sam Altman et tout le conseil d’administration d’Open AI, la société-mère de ChatGPT.


Sam Bankman-Fried, ex-PDG de la plateforme d’échange de crypto-monnaie FTX, était un membre proéminent de la communauté d’altruistes efficaces. Selon The Guardian, depuis l’effondrement de FTX, les administrateurs de la faillite ont tenté de récupérer environ 5 millions de dollars qui auraient été transférés à une organisation sans but lucratif pour l’acquisition d’un hôtel historique qui avait été transformé en salles de conférences et d’ateliers associés au long-termisme, au rationalisme et à l’altruisme efficace. On y accueillit des eugénistes et d’autres conférenciers dont The Guardian a affirmé qu’ils avaient des passés racistes et misogynes (ICI).


Le philosophe Emile P. Torres et l’informaticienne Timnit Gebru ont affirmé que la campagne présidentielle de Trump en 2024 appuyait les idéaux TESCREAL, surtout en raison de la collaboration rapprochée avec Musk.


Le Groenland d’abord, la Galaxie après


C'est là qu'intervient, comme par hasard, cette histoire d’accaparer le territoire du Groenland… Certes, Trump en parle constamment en termes de nécessité pour la défense du territoire nord-américain (surtout depuis qu’il parle d’accaparer également le Canada) ; et il lorgne aussi les minerais que d’autres - Chine, Russie - ont autant à l’œil que lui. Mais il y a autre chose. On se souviendra peut-être de l’aimable Dryden Brown de Praxis (voir "Fuck démocratie", premier épisode de notre "feuilleon des crytomonnaies", ICI) et de son projet de "villes-réseaux" au bord de la Méditerranée. Malheureusement, les rives ensoleillées de la Méditerranée sont déjà assez occupées, et comme les projets de communautés humaines sur d’autres planètes le branchent aussi, il s’est dit : « et pourquoi pas un territoire hostile sur lequel réaliser des expériences de survie dans l’extrême, comme… comme le Groenland, par exemple ? ». Dryden soumet son offre d’achat au Danemark qui l’envoie bouler.


Dryden en parle alors à Peter Thiel, qui trouve l’idée intéressante et qui se dit qu’il faut une autre approche, par un ambassadeur américain au Danemark, par exemple. Et Trump qui accepte la proposition de Thiel de nommer Ken Howery ambassadeur au Danemark. Qui est donc ce Ken Howery ?


Ci-dessus, Ken Howery, xxxxx. (Photo Bart Nagel). Ci-dessous, captures d'écran du site de Founders Fund, fonds de capital-risque qu'il a créé avec Peter Thiel.




Comme l'écrit le site History Tools (ICI), Ken Howery est l'un des milliardaires de la "Mafia PayPal", cofondateur de PayPal avec Musk et Thiel, et son directeur financier d'origine. Après avoir vendu PayPal, Thiel et Howery ont cofondé le fonds de capital-risque "Founders Fund" (ICI) qui a investi dans des projets tels que Facebook, AirBnB, Spotify, Stripe, Palantir et peut-être leur plus grande mine d'or : SpaceX. (1)


Et voilà un autre fantasme à rajouter à la brochette des "cryptos-bros" survivalistes de l’extrême, pour le jour où la planète Terre ne méritera même plus à leurs yeux qu’on en parle… ou encore, qu’il faudra s’y consacrer à un survivalisme concret « avant le déluge », comme le chantait Jackson Browne (ICI).


Pour l’académicienne Brooke Harrington, auteure du livre Offshore Stealth Wealth and the New Colonialisme : « Les crypto-bros sont comme des chats domestiques qui s’imaginent en grands félins de la jungle. Ils ont toujours eu des humains pour les nourrir et changer leur litière, et croient que le monde qu’ils s’inventent entre eux leur fournira tous les mêmes avantages. »


Maria Damcheva


NOTES 


(1). The Trumpland Diary Network State, "Peter Thiel, Donald Trump, Silicon Valley’s Quest for Greenland  Shane Almgren", 12 mars 2025 (ICI).

 

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Complément

Les Groenlandais s'unissent pour repousser les Etats-Unis alors que Trump cherche à contrôler l'île arctique

(article de Danica Kirka pour Associated Press, publié le 25 mars 2025. Reportage photo Evgeniy Maloletka)


Des maisons recouvertes de neige sur la côte d'un bras de mer de Nuuk, au Groenland, le vendredi 7 mars 2025.

Photo Evgeniy Maloletka / AP


NUUK, Groenland (AP) - Lisa Sólrun Christiansen se lève à 4 heures du matin la plupart du temps et se met au travail pour tricoter d'épais pulls en laine convoités par les acheteurs du monde entier pour leur chaleur et leurs motifs colorés célébrant la culture traditionnelle inuite du Groenland. Sa routine matinale comprend une vérification rapide des nouvelles, mais ces jours-ci, le rituel brise sa tranquillité en raison de tous les articles sur les projets du président américain Donald Trump sur son pays d'origine. « Je suis submergée », déclarait Lisa Sólrun Christiansen au début du mois, alors qu'elle regardait la mer, où des icebergs d'un bleu incroyable flottaient juste au large. 


Lisa Solron Christiansen, 57 ans, tricote un pull en tenant sa petite fille Siilia, 2 ans,

chez elle à Nuuk, au Groenland, le jeudi 9 mars 2025. Photo Evgeniy Maloletka / AP


Fille de parents inuits et danois, Lisa Sólrun Christiansen, 57 ans, chérit le Groenland. Le fait que son père, artiste et enseignant, ait dessiné le drapeau groenlandais rouge et blanc est une immense fierté familiale. « Sur son lit de mort, il a beaucoup parlé du drapeau, et il a dit que le drapeau n'était pas le sien, mais celui du peuple », raconte-t-elle. « Et il y a une phrase à laquelle je ne cesse de penser. Il a dit : "J'espère que le drapeau unira le peuple groenlandais" ». 


Des membres du parti politique Inuit Ataqatigiit dansent avec des drapeaux nationaux lors d'une fête organisée

après les élections législatives à Nuuk, au Groenland, le mardi 11 mars 2025. Photo Evgeniy Maloletka / AP

Le navire militaire HDMS Ejnar Mikkelsen de la marine royale danoise patrouille près de Nuuk, au Groenland, le mercredi 5 mars 2025.

Photo Evgeniy Maloletka / AP


L'île de l'angoisse

Les Groenlandais craignent de plus en plus que leur pays, une région autonome du Danemark, ne devienne un pion dans la compétition entre les États-Unis, la Russie et la Chine, alors que le réchauffement climatique ouvre l'accès à l'Arctique. Ils craignent que l'objectif de M. Trump de prendre le contrôle du Groenland, qui recèle de riches gisements de minéraux et se trouve à cheval sur des routes aériennes et maritimes stratégiques, ne les empêche d'accéder à l'indépendance. Ces craintes ont été renforcées dimanche lorsque Usha Vance, l'épouse du vice-président américain JD Vance, a annoncé qu'elle se rendrait au Groenland dans le courant de la semaine pour assister à la course nationale de traîneaux à chiens. Par ailleurs, le conseiller à la sécurité nationale, Michael Waltz, et le secrétaire à l'énergie, Chris Wright, visiteront une base militaire américaine dans le nord du Groenland.


Cette annonce a ravivé les tensions apparues au début du mois lorsque M. Trump a réitéré son désir d'annexer le Groenland, deux jours seulement après l'élection par les Groenlandais d'un nouveau parlement opposé au rattachement aux États-Unis. M. Trump a même fait une allusion voilée à l'éventualité d'une pression militaire, en mentionnant les bases américaines au Groenland et en laissant entendre que « peut-être verrez-vous de plus en plus de soldats aller là-bas ».


Des personnes font la queue devant un bureau de vote pour voter lors des élections législatives, à Nuuk,

au Groenland, le mardi 11 mars 2025. Photo Evgeniy Maloletka / AP

Une femme vote lors des élections législatives à Nuuk, au Groenland, le mardi 11 mars 2025. Photo Evgeniy Maloletka / AP


La nouvelle de la visite a immédiatement suscité des réactions négatives de la part des politiciens locaux, qui l'ont décrite comme une démonstration de la puissance des États-Unis à un moment où ils tentent de former un gouvernement. « Il convient d'affirmer clairement que notre intégrité et notre démocratie doivent être respectées sans aucune ingérence extérieure », a déclaré le Premier ministre sortant, Múte Boroup Egede.


Le Groenland, qui fait partie du Danemark depuis 1721, se dirige vers l'indépendance depuis des décennies. C'est un objectif que la plupart des Groenlandais soutiennent, même s'ils ne sont pas d'accord sur le moment et la manière dont cela devrait se produire. Ils ne veulent pas échanger le Danemark contre un suzerain américain. La question est de savoir si le Groenland sera autorisé à contrôler son propre destin à un moment où les tensions internationales augmentent et où M. Trump considère l'île comme un élément clé de la sécurité nationale des États-Unis.


David contre Goliath


Bien que le Groenland n'ait qu'une influence limitée sur la plus grande superpuissance du monde, M. Trump a commis une erreur stratégique en déclenchant un conflit avec le Groenland et le Danemark au lieu de travailler avec ses alliés de l'OTAN à Nuuk et à Copenhague, a déclaré Otto Svendsen, un expert de l'Arctique au Centre d'études stratégiques et internationales à Washington. Selon lui, les actions de Trump ont uni les Groenlandais et favorisé un plus grand sentiment d'identité nationale. « Vous avez ce sentiment de fierté et d'autodétermination au Groenland qui fait que les Groenlandais ne sont pas intimidés par cette pression venant de Washington », déclare-t-il : « Ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour faire entendre leur voix ».


Le Danemark a reconnu le droit du Groenland à l'indépendance au moment de son choix dans le cadre de la loi de 2009 sur l'autonomie du Groenland, approuvée par les électeurs locaux et ratifiée par le parlement danois. Le droit à l'autodétermination est également inscrit dans la charte des Nations unies, approuvée par les États-Unis en 1945. 

Des enfants se tiennent debout dans la neige alors que des photos de candidats sur des panneaux sont visibles à l'extérieur d'un bureau

de vote lors des élections parlementaires, à Nuuk, au Groenland, le mardi 11 mars 2025. Photo Evgeniy Maloletka / AP


Le Groenland protège l'accès à l'Arctique à un moment où la fonte de la glace de mer a ravivé la concurrence pour les ressources énergétiques et minérales et a attiré une présence militaire russe accrue. La base spatiale de Pituffik, située sur la côte nord-ouest de l'île, assure les opérations d'alerte aux missiles et de surveillance de l'espace pour les États-Unis et l'OTAN. 


Un garçon jette de la glace dans la mer à Nuuk, au Groenland, le mardi 11 mars 2025. Photo Evgeniy Maloletka / AP

Des femmes portent des pancartes politiques pour les élections à Nuuk, au Groenland, le samedi 8 mars 2025.

Photo Evgeniy Maloletka / AP


Avant la réélection de Trump, les Groenlandais espéraient tirer parti de cette position unique pour aider le pays à accéder à l'indépendance. Aujourd'hui, ils craignent que cette position ne les rende vulnérables. Cebastian Rosing, qui travaille pour une entreprise de bateaux-taxis proposant des excursions dans le fjord de Nuuk, se dit frustré par le fait que Donald Trump tente de prendre le pouvoir au moment même où le Groenland a commencé à affirmer son autonomie et à célébrer ses origines inuites. « Il est tellement bizarre de défendre (l'idée) que notre pays est notre pays parce qu'il l'a toujours été », déclare-t-il : « Nous ne faisons que retrouver notre culture à cause du colonialisme ». 


Ce n'est pas que les Groenlandais n'aiment pas les États-Unis. Ils accueillent les Américains depuis des décennies. Les États-Unis ont effectivement occupé le Groenland pendant la Seconde Guerre mondiale, construisant une série de bases aériennes et navales. Après la guerre, le gouvernement du président Harry Truman a proposé d'acheter l'île en raison de « l'importance extrême du Groenland pour la défense des États-Unis ». Le Danemark a rejeté la proposition, mais a signé un accord de base à long terme.


Lorsque Trump a ressuscité la proposition au cours de son premier mandat, elle a été rapidement rejetée par le Danemark et considérée comme un coup d'éclat destiné à faire la une des journaux. Mais aujourd'hui, Donald Trump poursuit l'idée avec une énergie renouvelée. Lors d'un discours prononcé au début du mois, il a déclaré devant une session conjointe du Congrès que les États-Unis devaient prendre le contrôle du Groenland pour protéger leur sécurité nationale.


Des passagers marchent sur un quai après leur arrivée dans le village de Kapisillit au Groenland, le jeudi 6 mars 2025.

Photo Evgeniy Maloletka / AP

Un pêcheur navigue sur un bateau dans un bras de mer gelé à l'extérieur de Nuuk, au Groenland, le jeudi 6 mars 2025.

Photo Evgeniy Maloletka / AP


Malgré tout, Trump a ses admirateurs au Groenland. Et il n'y a pas de plus grand fan que Jørgen Boassen. Lorsqu'il s'est entretenu avec Associated Press, M. Boassen portait un T-shirt sur lequel figurait une photo de Trump, le poing en l'air et le sang coulant sur son visage après une tentative d'assassinat l'année dernière. En dessous, on pouvait lire le slogan "American Badass". Jørgen Boassen travaille pour une organisation appelée "American Daybreak", qui a été fondée par un ancien fonctionnaire de Trump, Thomas Dans, et qui promeut des liens plus étroits entre les États-Unis et le Groenland. L'ancien maçon, qui se décrit comme "110% Inuit", a une litanie de plaintes contre le Danemark, la plupart provenant de ce qu'il considère comme un mauvais traitement des populations locales pendant la période coloniale. Il cite notamment des femmes inuites qui affirment avoir été équipées de dispositifs de contrôle des naissances sans leur permission dans les années 1970. 


Jørgen Boasson, fan de Trump, posant pour une photo dans sa maison de Nuuk, au Groenland, le vendredi 7 mars 2025.

Photo Evgeniy Maloletka / AP


Trump doit agir pour sécuriser la porte arrière de l'Amérique, affirme Jørgen Boassen, car le Danemark n'a pas réussi à garantir la sécurité du Groenland. Mais même lui souhaite que le Groenland soit indépendant, qu'il soit un allié des États-Unis mais pas un 51e État. Ce qu'il a en tête ressemble davantage à l'accord de libre association tel que celui que les Îles Marshall ont négocié avec les États-Unis lorsqu'elles sont devenues indépendantes en 1986. Cet accord reconnaît l'archipel du Pacifique comme une nation souveraine qui mène sa propre politique étrangère, mais donne aux États-Unis le contrôle de la défense et de la sécurité.


« Nous sommes en 2025 », déclare Jørgen Boassen. « Je ne crois donc pas qu'ils puissent venir ici et prendre le contrôle ». Quoi qu'il arrive, la plupart des Groenlandais s'accordent à dire que le sort de l'île devrait dépendre d'eux, et non de M. Trump. « Nous devons rester unis », conclut Lisa Sólrun Christiansen, dans le cliquetis de ses aiguilles. 


Danica Kirka

(Cet article, soutenu par le Pulitzer Center for Crisis Reporting, fait partie d'une série d'articles d'Associated Press sur les menaces qui pèsent sur la démocratie en Europe).

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1 commento


wilputte.brigitte
il y a 19 heures

Des prédictions sur un futur de plus en plus sombre...

Les MAGAs en affirmant selon son gourou qu'ils veulent une "Amérique" [pourquoi pas USA car Amérique est le nom du continent] encore plus grande, ils sous-entendaient plus grande en territoire de contrôle... Pas en matières sociales, éducatives ou scientifiques, surtout pas des personnes intelligentes qui pourraient entraver de tels projets funestes!

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