Enfants d'Izioum, en Ukraine, par Evgeny Maloletka (Atelier du regard #02)

Izioum, en Ukraine, le 27 décembre 2024. Photo Evgeny Maloletka

Fin mars 2022, un mois après le début de la guerre lancée par Poutine en Ukraine, la ville d'Izioum était conquise par l'armée russe. Elle sera reprise par les forces ukrainiennes le 10 septembre 2022, dans le cadre de la contre-offensive d'été, qui mit les troupes russes en déroute. Après la libération de la ville, un charnier avec 447 cadavres est découvert à Izioum, dont 22 soldats et 5 enfants. 30 corps portent des signes de torture et certains corps ont été émasculés, tandis que d'autres fosses communes, minées, ne peuvent être fouillées.10 centres de torture y ont été découverts. Le photojournaliste Evgeny Maloletka, dont les humanités ont distingué le travail bien avant que lui soit attribué un Prix Pulitzer, commente pour notre "atelier du regard" une photographie prise à la la fin de l'année (2024), à Izioum.

Parfois, nous prenons des photos instinctivement, en sachant qu'il en sortira peut-être une bonne photo. Les enfants sont les fleurs de la vie. Ils sont heureux malgré l'horreur qu'ils vivent près de la ligne de front. Il y a de la joie dans leurs yeux et de la douleur dans leur cœur. Ils ne comprennent pas encore tout à fait ce qui leur arrive, mais ils sont manifestement plus âgés que d'autres enfants qui n'ont pas connu la guerre.

J'ai pris cette photo vendredi 27 décembre, un jour tout à fait ordinaire. Les bénévoles de Kharkiv ont apporté de nombreux cadeaux aux enfants. Mais avant la distribution, ils ont organisé un spectacle pour 50 enfants qui vivaient sous l'occupation, avaient perdu leur maison et, pour certains d'entre eux, même leurs parents. Au début, ils étaient assez timides et n'étaient pas prêts à communiquer, mais à chaque nouvelle partie du spectacle, ils devenaient de plus en plus intéressés. Une partie du spectacle consistait en une représentation musicale avec un générateur de bulles de savon. Les enfants voulaient vraiment toucher toutes les bulles de savon, comme des flocons de neige blancs et pelucheux. À ce moment-là, j'ai réalisé qu'ils s'étaient ouverts et qu'ils ne cachaient plus leurs émotions de joie et de bonheur enfantin.

J'espère qu'avec cette photo, l'histoire de ces enfants nous fait penser au moment où ils pourront à nouveau l'occasion de sourire.

Evgeny Maloletka

Basé à Kyiv, Evgeny Maloletka travaille comme photographe depuis 2010, et depuis mars 2023, pour Associated Press. Il fait partie de l'équipe d'AP qui a remporté en 2024 le prix Pulitzer pour son "reportage courageux dans la ville assiégée de Marioupol". Les humanités ont distingué son travail dès le début de la guerre en Ukraine (Lire ICI). En mars 2022, nousavions publié le témoignage exceptionnel du "coéquipier" de Evgeny Maloletka, Mstyslav Chernov "Marioupol : les derniers témoins de l'enfer".

UN "ATELIER DU REGARD" ? Qu'est-ce qui nous regarde dans ce que nous voyons ? (cf Georges Didi-Huberman). Telle est le fil conducteur lancé par les humanités pour un "atelier du regard" en forme de journal participatif, tout au long de l'année 2025. Choisir une image (photographie, peinture, autre) et la commenter façon haïku ou un peu plus longuement ; propositions à adresser à : contact@leshumanites.org

Parce que vous le valez bien, les humanités ce n'est pas pareil. Prochain objectif : pouvoir engager un(e) stagiaire étudiant(e) en journalisme. Dons ou abonnements ICI