top of page
La rédaction

En pièces détachées, un autre journal du dimanche (26 mai 2024)

Dernière mise à jour : 21 juin


Une cigale périodique adulte s'accroche à une fleur de pivoine, le vendredi 17 mai 2024 à Charleston, dans Illinois.

Photo Carolyn Kaster / AP


L'autre journal du dimanche des humanités / journal-lucioles ne disposant pas de moyens bolloréens, ni même de subventions onfraysques (*), nous sommes condamnés à suspendre jusqu'à nouvel ordre la mise en pages et l'édition d'un magazine au format flip-book. C'est donc en pièces détachées que se présente cette édition du 26 mai 2024.


(*) Lire ICI


Pour grandir, ou simplement continuer, les humanités, journal-lucioles, a besoin de vous.

Pour s'abonner : ICI. Pour s'inscrire à notre infolettre : ICI


Rappel

Déjà parus ce jour

"L'iranité", une forme d'ethnocide, par Michel Strulovici

La mort du président Raïssi, alias "le boucher de Téhéran", ne changera rien à l'affaire. Le régime des mollahs, auquel certains militants pro-palestiniens trouvent des vertus, survit au prix d'une terrible répression, confiée aux sinistres "gardiens de la révolution" et aux "tribunaux" : déjà 235 exécutions depuis le début de l'année 2024. Les minorités ethniques, comme les Kurdes, ou religieuses, comme les Baha'is, sont tout particulièrement dans le viseur de ce qu'il faut bien nommer un ethnocide.


Joseph Beuys, l'artiste et le coyote

Pour mémoire : il y a 50 ans, dans une galerie new-yorkaise, Joseph Beuys s'enfermait pendant une semaine avec un coyote. I Love America and America Loves Me : cette performance est restée dans l'histoire de l'art, tout autant qu'elle a forgé la légende de l'artiste. En revanche, on ne sait pas ce qu'est devenu "Little John", le coyote... Le critique d'art Anton Khitrov explique comment l'apprivoisement de l'animal "sauvage" s'inscrit dans la mythologie personnelle de Beuys, et pourquoi il est impossible de percevoir cette performance aujourd'hui de la même manière qu'il y a 50 ans.


En Poutinie, ça purge sec

Quelle mouche a donc piqué Vladimir Poutine, sitot "réélu" à la présidence de la Fédération de Russie ? Après la nomination d'un nouveau ministre de la défense, économiste de formation, plusieurs arrestations ont visé des généraux de haut-rang ainsi que des hauts fonctionnaires du ministère. La corruption, jusqu'ici tolérée voire adoubée, commencerait-elle à fragiliser l'économie de guerre ? Avec, en primes, d'autres nouvelles de cet étrange pays qu'est la Poutinie.



En rafales

Ce qui suit est un aperçu de ce qui pourrait être plus amplement développé au fil des humanités / journal-lucioles, si un jour des moyens...


Réparateurs de mondes


Faire classe dehors, c'est classe !

Le "choc des savoirs" (un slogan trouvé par McKinsey ?). On n'a pas besoin de "chocs", plutôt de douceurs et d'empathies. Plutôt que de se crisper sur un intitulé qui dissimule une volonté de ségrégation sociale et scolaire (une de plus) contre laquelle se hérissent les personnels de l’Éducation nationale qui ne se voient guère en agents du tri sélectif, Gabriel Attal et sa ministre de l’Éducation feraient mieux de porter intérêt à la pratique de la classe dehors, qui a plein de vertus (pédagogiques, écologiques, sociales).


Beaucoup d'enseignants sont pour, mais aussi des parents d'élèves qui, suite à une tribune parue dans Le Monde, lancent une pétition de soutien aux enseignants-pionniers qui se lancent dans l'aventure : "Sachez qu’il y a aujourd’hui dans chaque quartier, chaque école, des habitantes et habitants qui souhaitent voir les enfants sortir, aussi bien durant le temps de l’école qu’après la classe. Aussi sommes-nous prêts à vous accompagner dehors, à rassurer d’autres parents qui pourraient être encore hésitants. Nous savons qu’un enfant dans les bois ne perd jamais son temps. Au contraire, sortir à l’extérieur, a fortiori en nature, une demi-journée par semaine est fondamental pour la santé mentale et physique des plus jeunes. Il s’agit aussi d’un enjeu de société : la nature est essentielle à la bonne santé de tous et au plein développement des enfants."



Ne pas perdre le Nord

Théo et Yohan, deux étudiants passionnés, ont entrepris un projet de film-documentaire intitulé Ne perdons pas le Nord, explorant les modèles écologiques scandinaves. Après un voyage en Suède et en Norvège au printemps 2023, durant lequel ils ont rencontré des acteurs de la transition écologique, ils sont déterminés à partager cette aventure à travers un film d’1 heure 20. Leur ambition est de diffuser ce documentaire dans diverses institutions éducatives, cinémas et festivals afin de sensibiliser, inspirer et fédérer autour des enjeux environnementaux. Cependant, pour pouvoir finaliser la post-production et financer la composition musicale du film, ils ont besoin de fonds. Pour cela, ils ont lancé une campagne de financement participatif.


Les déserts médicaux... et l’Équateur.

La France manque de médecins, notamment en milieu rural (les fameux "déserts médicaux") ? Ça tombe bien. Ana Cristina Avila Ordoñez, mariée à un Français, s'est installée il y a trois ans dans la Nièvre, à Magny-Cours. Médecin généraliste avec une spécialité en oncologie clinique, elle ne demande qu'à pouvoir exercer. Mais ça tombe mal, Ana Cristina est équatorienne, et pouvoir exercer en France, c'est la croix et la bannière. Elle va partir exercer son métier en Espagne. En France, les étrangers ne sont pas bienvenus, fussent-ils médecins. Madame Le Pen est déjà au pouvoir. Ne serait-il pas temps de l'en déloger ?


Un peu de sport (mais si !)

« Ô mes sœurs ne craignez pas de développer un peu vos biceps, d'avoir la taille... pas trop mince, et des mains capables de saisir une carabine ou de diriger un cheval ! » Lancé en 1911 par la duchesse d'Uzès, cet appel marque un jalon important de l'histoire du sport au féminin. C'est cette histoire contrariée, voire empêchée, au cours de laquelle les femmes ont parfois dû forcer les portes des bastions masculins, que retrace l'exposition À nous les stades ! Une histoire du sport au féminin, à découvrir en accès libre et gratuit sur le site François-Mitterrand de la Bibliothèque nationale de France. De l'alpiniste Henriette d'Angeville, qui escalade le mont Blanc en 1838, à la patineuse Sarah Abitbol, dont le livre Un si long silence marque en 2020 l'émergence d'un #metoo du sport français, l'exposition donne autant à voir les exploits des sportives que l'évolution de la condition féminine depuis la fin du XIXe siècle, avec ses combats, ses obstacles, ses victoires. À travers les destins de Violette Morris, Marie Marvingt, Alice Milliat, Kiki Caron, Laure Manaudou, Marie-José Pérec, Catherine Destivelle et quantité d'autres moins connues, c'est l'histoire concrète et physique des femmes en France qui se raconte.

  • A suivre en direct sur Youtube la table ronde « Le sport au prisme du genre » qui invite, le 5 juin prochain, trois spécialistes à évoquer l'histoire et les enjeux de la pratique du sport féminin.

 

Nouvelle Calédonie : qui est Louis Le Franc ?

Voilà qui ne s'invente pas : depuis le 6 février 2023, le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie (photo ci-dessus) s'appelle Louis Le Franc, un nom qui n'a rien de colonialiste. Sans doute est-il "franc du collier", sera-t-il Franc du Caillou ?. Ce n'est peut-être pas un mauvais bougre, on n'en sait rien. Il paraît qu'il fut "très apprécié" comme préfet d'Indre-et-Loire (entre juin 2015 et octobre 2017), et il fut aussi chargé de restaurer la "paix civile" à Wallis-et-Futuna, lors de la crise coutumière de 2005, avant d'être nommé conseiller technique de l'Outre-mer au cabinet du président Jacques Chirac. Donc, il a de la bouteille et du galon. Officier de l'armée active, option artillerie, diplômé de Saint-Cyr, c'est un "grand serviteur de l’État, chargé en Nouvelle-Calédonie de veiller au "maintien de l'ordre républicain". Il fait ce qu'on lui dit de faire, et on imagine qu'avec Emmanuel Macron, président-girouette de l'En-même-temps, la tâche ne doit pas être facile.



De retour de son voyage express-que-je-suis-pressé en Nouvelle-Calédonie, dans l'une de ces formules creuses dont il a le secret, Emmanuel Macron a exclu que "l'apaisement" passe par un "retour en arrière" institutionnel. Mais de quel "retour en arrière" parle-t-il ? Et puis, c'est assez drôle de voir un pyromane-incendiaire appeler à "l'apaisement constructif"... En d'autres termes, Emmanuel Macron ne reviendra pas sur qu'il a décidé tout seul sans écouter quoi qui que ce soit. Il laisse un mois aux "autres" pour se rendre compte qu'il est le génie incarné. La "stratégie de l'ultimatum", qu'il appelle ça. Pas sûr qu'en Nouvelle-Calédonie, même avec le dévoué Louis Le Franc, ça passe.


Dans Les Échos (25 mai), Jacques Attali, alias "Monsieur je sais tout sur tout et même davantage", voit dans la crise en Nouvelle-Calédonie "un enjeu existentiel", rien de moins. Le grand manitou n'a pas faux quand il pointe l'importance stratégique du nickel, et l'autre stratégie, maritime et d'influence,que représente "le Caillou" pour la France, mais il me se met le doigt dans l’œil lorsqu'il écrit que "la crise calédonienne est un signal de remise en cause de l'égalité des citoyens". Jacques Attali brocarde là, allègrement, deux facteurs qui ne sont pas minces : les accords de Nouméa, qui ont reconnu un "droit coutumier", et les droits des peuples autochtones, tels que reconnus par une résolution des Nations Unies (que la France, certes, s'est obstinée à ne pas ratifier).




A Mayotte, place nette

Pendant ce temps, à Mayotte, l'opération "place nette" se poursuit. Appuyés par la Gendarmerie nationale, les services de l’État ont mené cette semaine une opération de lutte contre la pêche illégale. Elle a permis de détecter et supprimer un chantier illégal de construction de pirogues en résine dans le nord de l'île. Des prirogues en résine ! C'est vrai qu'il y a péril en la demeure pour "l'ordre républicain" !


Une histoire, celle de Pauline, esclave. Sur franceinfo.tv, on pourra aussi lire l'histoire de Pauline, connue sous le nom de Pauline Villeneuve, née esclave en Guadeloupe, en 1697. De son enfance, de son temps passé sur l'île, peu d'informations sont connues. Toutefois, le combat qu'elle a mené pour son émancipation et sa liberté font d'elle un personnage historique important, ouvrant des débats juridiques sur la condition des esclaves en France. 


Et encore : derrière les barreaux de l’histoire : la vie des esclaves en prison révélée par Bruno Maillard.

Pour réprimer les esclaves délinquants ou insoumis, la France a choisi la prison. Les femmes comme les hommes sont couverts de chaînes et contraints à des travaux épuisants, avant d’être éventuellement remis à leur maître, au terme de leur peine. L’État colonial français est alors le garant de l’esclavagisme. Le livre de Bruno Maillard nous fait pénétrer pour la première fois dans l’un des recoins les plus sombres d’une société esclavagiste. S’appuyant sur des archives inédites, il jette une lumière crue sur la vie des esclaves dans les prisons à La Réunion entre 1767 et 1848.


Nouvelles de la Macronie


Devant l'abondance du sujet, on remet à une prochaine infolettre.

On ne sait pas encore si le récent débat Attal / Bardella devra figurer en pages sportives, rubrique "combats de coqs".

Pour aujourd'hui, juste cette information : au lendemain de la Journée mondiale de la biodiversité, les députés macronistes ont fait passer en catimini, le 24 mai à l'Assemblée nationale, un amendement qui limite les poursuites pour atteintes aux espèces protégées. « Votre proposition est indigne face à l’effondrement de 69 % des populations d’animaux sauvages en cinquante ans », s’est offusquée l’élue écologiste de la Drôme, Marie Pochon, qui annonce que son groupe saisira le Conseil constitutionnel si le texte est définitivement adopté. De la part des députés macronistes, c'est un peu imprudent : qui saura les protéger quand ils feront eux-mêmes partie des espèces en voie de disparition ?


Le lit asséché de la rivière Sindphana dans le district de Beed, en Inde, le dimanche 5 mai 2024. Photo Rafiq Maqbool / AP



Écologies et Climat


Alors là, ça déborde carrément. Infolettre spéciale jeudi prochain. Et il n'y a pas que des bonnes nouvelles. Une bonne nouvelle quand même...

Au nom des océans : le tribunal maritime des Nations Unis a tranché mardi dernier en faveur d’un collectif de petits pays insulaires qui lui demandaient de renforcer les obligations climatique des États signataires de la Convention de l’ONU sur les droit de la Mer. Dans un avis lu publiquement, la juridiction a estimé que ce traité imposait une « obligation spécifique de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution marine due aux émissions de gaz à effets de serre ». Les 169 États parties à cette convention, qui a créé ce tribunal basé à Hambourg, en Allemagne, devront tout faire pour réduire leurs émissions afin « d’atteindre l’objectif des Accords de Paris de limiter le réchauffement à 1,5 degrés », ont détaillé les juges.


« C’est une victoire historique pour les petites nations insulaires, qui prouvent leur leadership sur ce défi crucial pour l’avenir de l’humanité », s’est félicité dans un communiqué la COMIS, l’alliance qui regroupait les requérants. Les États insulaires (Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Niue, Palaos, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Tuvalu et Vanuatu), menacés par la montée des eaux, ont saisi cette juridiction pour imposer aux pays pollueurs d’accélérer leur lutte contre le réchauffement climatique. Leurs dirigeants avaient plaidé leur cause devant les juges en septembre dernier. « Sans une action rapide et ambitieuse, le changement climatique pourrait empêcher mes enfants et petits-enfants de vivre sur l’île de leurs ancêtres, notre maison », avait déclaré le Premier ministre d’Antigua-et-Barbuda, Alfonso Browne.


Selon le tribunal, les États doivent aussi « protéger et préserver l’environnement marin des impacts du changement climatique et de l’acidification des océans » et « restaurer » les écosystèmes déjà détruits. Et les mesures doivent se baser sur « les meilleurs connaissances scientifiques », et être appliquées avec une « diligence élevée », en raison des « risques aigus de préjudice grave et irréversible au milieu marin que font peser ces émissions ». Elles sont totalement indépendantes des promesses que les États ont exprimé lors des COP, car le droit international de la Mer comporte des exigences spécifiques, a également précisé le tribunal.


Cette décision inédite analyse sous un nouveau jour la notion de « pollution marine » citée dans la Convention, en y intégrant les gaz à effets de serre. Signée en 1982, le traité impose en effet aux États signataires de « prendre des mesures pour prévenir, réduire et contrôler la pollution du milieu marin, ainsi que protéger et préserver cet environnement ». Est considérée comme « pollution marine » toute « introduction par l’homme, directement ou indirectement, de substances ou d’énergie dans le milieu marin (…) qui entraîne ou est susceptible d’entraîner des effets délétères », selon ce texte. Selon cette définition « les émissions de gaz à effets de serre constituent bien une pollution marine », a tranché le tribunal. Ces derniers contribuent au réchauffement et à l’acidification des océans, deux phénomènes détruisant les écosystèmes.


« Pour la première fois, une Cour internationale reconnaît que le destin de deux biens communs, les océans et l’atmosphère, sont liés et mis en danger par la crise climatique », a commenté Nikki Reisch, responsable du Centre pour le développement du droit international de l’environnement (Ciel). Certaines puissances, comme les États-Unis ou la Turquie, ne sont toutefois pas partie à la Convention de l’ONU sur les droits de la mer. Reste que cette décision pourrait être la première d’une série, alors que les actions en justice devant les tribunaux internationaux se sont multipliés ces dernières années.


La Cour internationale de justice (CIJ) examine actuellement une demande du Vanuatu pour clarifier les « obligations » des États en matière de changement climatique. Et en janvier 2023, la Colombie et le Chili ont sollicité un avis de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme sur les obligations étatiques en matière de lutte contre l’urgence climatique, au regard du droit international des droits humains.


Et aussi :




Cultures


Livres brûlés et abimés dans une imprimerie de Kharkiv bombardée par la Russie, le 23 mai 2024.


Une imprimerie bombardée, c'est aussi la culture que Poutine assassine.

L'imprimerie Factor est l'un des plus grands complexes d'impression à cycle complet d'Europe. Elle fait partie du grand holding Factor, qui comprend, entre autres, Vivat, l'une des principales maisons d'édition ukrainiennes, qui possède sa propre chaîne de librairies. Factor compte parmi ses clients non seulement des éditeurs ukrainiens, mais aussi des éditeurs internationaux : Penguin Random House, Simon & Schuster, Hachette Book Group, Macmillan Publishers. Le 23 mai, un bombardement russe a détruit, à Kharkiv, l'imprimerie Factor. Et tué sept personnes qui, ce jour-là, imprimaient des livres pour enfants. C'est là qu'avait été imprimé le journal posthume du poète Volodymyr Vakulenko, dont le corps horriblement torturé a été retrouvé dans une tombe de la forêt d'Izioum à l'automne 2022. Ce journal avait été retrouvé par l'écrivaine ukrainienne Victoria Amelina, enterré au pied d'un arbre.

Victoria Amelina elle-même a été tuée dans un bombardement à Kramatorsk le 27 juin 2023.


Les éditions du Vieux Lion publient ces jours-ci, en Ukraine, un recueil de poèmes inédits de Victoria Amelina (couverture ci-dessus) dont nous avons, en premier, parlé en France. On en reparle très vite.



Danse et cosmos

Planètes, chorégraphie de Jérôme Brabant. Photo Vincent VDH


Le cosmos, c'est plus grand que nous.

Au Manège-Scène nationale de Reims, le chorégraphe Jérôme Brabant vient de créer Planètes. Une sorte de constellation respirante. On en reparle très vite.


En poésie, un chemin d'encre

France-Culture s'apprête à supprimer l'unique émission de poésie qui subsistait sur le service public. "Cette émission, même dans son format resserré à une demi-heure hebdomadaire, offrait la seule fenêtre médiatique sur un champ essentiel de la création littéraire, vivier d’écrivains, espace de recherche, d’ouverture. Son animatrice possède une connaissance rare de ce vaste domaine et a toujours su ouvrir la porte à toutes et tous, dans des entretiens qui permettaient, contrairement à tant d’autres émissions, d’évoquer en profondeur la question de la langue, de la création. Poésie et ainsi de suite n’a cessé d’interroger le champ poétique en variant les approches et les esthétiques, les époques abordées, des grands classiques au champ contemporain dans toutes ses nuances, s’ouvrant à la relation avec les autres arts comme à la poésie étrangère, dans des épisodes denses en lien avec l’actualité poétique, littéraire, artistique, sociétale.(...)"


Bernard Noël, à Mauregny-en-Haye, en mai 2016. Photo Jean-Marc Adolphe


Aux humanités, tant qu'humanités dureront (ce qui n'est pas gagné), personne n'y censurera la poésie. Avec Bernard Noël, aujourd'hui, un chemin d'encre...


En 2006, Bernard Noël entreprend l'écriture d'un poème en vers de "plus ou moins dix-sept pieds" qu'il compte poursuivre jusqu'à son décès. Il lui donne d'abord pour titre Le Jardin d'encre et le rebaptise par la suite Le Chemin d'encre. Il en arrêtera finalement l'écriture en 2018, trois ans avant sa disparition. Beaucoup le considèrent comme son chef-d'œuvre poétique. Au fil du temps, les éditions Cadastre8zéro ont publié plusieurs états de ce poème dans des versions bilingues, avec des illustrations de François Rouan. Elles proposent aujourd'hui le texte seul, ainsi que le voulait l'auteur "après sa fin" : https://cadastre8zero.com/les-livres/le-chemin-d_encre/

 

L'ouvrage sera présenté au Marché de la poésie, à Paris, le 19 juin.


Extrait :

et maintenant il n’y a plus moyen de rapiécer le jour

tout ce qui promettait une vie meilleure a détourné la tête

le silence règne du côté gauche et cela met toujours plus de

blancs dans la pensée dans les yeux qui ne voient plus le sens

le passé est revenu en force il a changé de nom il a cassé

les vieux jouets sociaux on en devine encore quelques traces

petits coups de pinceaux qui autrefois furent des mots

le regard n’y cueille que des restes puis reprend l’air

il ne sait plus que fut cet acte au fond de lui qui parle

avec du silence parfois cela fait un nœud dans la gorge

et c’est la brusque certitude d’une pendaison intérieure

il faut vivre ensuite malgré ce mort en soi devenir

le tombeau qui fait semblant d’être un corps ordinaire

on regarde alors sa peau comme le bord d’une misère

et maintenant les images s’y mettent qui collent les paupières

puis derrière elles mangent toute l’intimité ce peu d’espace

où survivait autour du mort un râle de révolte



76 vues0 commentaire

コメント


bottom of page