top of page

En hommages à David Lynch (atelier du regard #11)

Photo du rédacteur: La rédactionLa rédaction

David Lynch, sur le tournage de Twin Peaks. Photo DR


Maintenant il est mort. On ne verra pas le prochain film de David Lynch. Mais il reste ceux d'avant. Avec insistance, le cinéma de David Lynch, tellement visionnaire, nous regarde encore.

Justement, qu'est-ce qui nous regarde, dans les films de David Lynch que nous voyions et que nous reverrons sans doute ? Cette onzième séquence de notre atelier du regard, en hommage à David Lynch, est un peu particulière. Il ne s'agit pas de telle ou telle proposition qui aurait été adressée à la rédaction des humanités, mais d'un montage, composé à partir de réactions ou témoignages glanés sur les réseaux sociaux, parmi abonnés et/ou amis des humanités.


"J'ai appris qu'il y a juste sous la surface un autre monde, et des mondes encore différents quand vous creusez plus profondément. Je le savais quand j'étais petit, mais je n'ai pas pu trouver la preuve. C'était juste une sorte de sentiment. Il y a de la bonté dans le ciel bleu et les fleurs, mais une autre force - une douleur sauvage et la pourriture - accompagne aussi tout." (David Lynch)


David Lynch. Photo Josh Telles


David Lynch avait la gueule de ses films et il a fait les films de sa gueule. Et il a bien fait.

Vincent Présumey


The Air is on fire, vidéo réalisée lors de l'exposition David Lynch à la Fondation Cartier (2007), partagée par Franck Yeznikian sur sa page Facebook.


Il y a 17 ans, un soir, un copain me lance :

«-Il y a un vernissage de lithographies de David Lynch dans le 14e, on y va ? »

David Lynch. Mon héros. Mon dieu. Le plus grand des plus grands. Et en plus, tellement beau avec ses millions de cheveux ! À Paris !

« -Il sera là ? On va le voir en vrai ? »

«-Nan… juste les lithos. »

Me voilà donc dans cette galerie, à regarder les lithographies, en espérant un jour, être assez riche pour m’en offrir une petite dizaine d’un coup.

Et là, une énorme voiture noire, tout droit sortie de Mulholland Drive débarque, et qui en sort ? Un homme avec un imper tout gris, aux grosses chaussures : David Lynch, bien sûr. Le vrai.

Dans la galerie, tout le monde le fixe, mais personne n’ose l’approcher. Il entre, tranquille, salue vaguement la petite foule. Et puis, chacun se remet à discuter, faisant mine de l’ignorer (comme si de rien n’était, évidemment).

Moi, je suis près du bar. Il arrive près de moi chercher un verre… Il prend une bouteille de vin blanc, me regarde et, avec sa voix de Gordon Cole, agent du FBI tout droit sorti de Twin Peaks, il me lance comme si j’étais sourd :

«- DO YOU WANT SOME WHITE WINE? »

Je réponds, la gorge serrée :

«-Euh yes, thank you very much. »

Il me sert à ras bord.

Je m’apprête à lui dire un truc, quelque chose, n’importe quoi… quand une femme géante, incroyablement apprêtée, surgit devant nous, essoufflée. Mini-jupe rouge vif, talons démesurés, grosses lunettes, chevelure tentaculaire. Elle s’arrête net devant lui, complètement figée, et le fixe en tendant vaguement ses mains vers lui.

Elle commence à trembler de tout son être et à bafouiller un étrange : « Bl… khhlllb… je… euh… klll… Vous…»

D’un geste parfaitement naturel, il lui attrape les deux mains, l’empêche de trembler et lui dit avec le même ton ferme et jovial de Gordon Cole :

«-Everything is gonna be all right. DO YOU HEAR ME? EVERYTHING IS GONNA BE ALL RIGHT»

David Lynch est mort mince !


Riad Sattouf, partagé par Hélène Dussauchoy


Photo Sandro Miller


Pensée souvenir...

Hommage connexion d'une enfant que je ne suis plus à David Lynch, je ne sais pas pourquoi. Blue Velvet est le premier film vu qui m'a fait voir tous les autres en arrière en avant et dans tous les sens.

Une anecdote. Une petite chose qui bouleverse tout. Enfant, 6 ans peut être, peut-être 5 peut être 7 maxi, mais c'est très présent. Nous rentrons de l'école, à la campagne, dans les années 1960, 2 kilomètres à pied, en bande, tous les élèves des hameaux de l'école de Saâcy-sur-Marne. Un scarabée est signalé en hurlant, qui traverse la route (route étroite). Avec le scarabée une légende qui dit que la bête en carapace envoie un liquide qui rend aveugle celui qui le dérange, une vérité pour tous les enfants, on ne sait pas d'où elle sort, mais justement le scarabée sort et traverse la route. Très lentement pourtant, et c'est l'hystérie autour, hystérie plutôt joyeuse, et quasi tous les enfants négocient le passage, c'était pas bien compliqué. Sauf une, paralysée qui ne peut enjamber le chemin qu'emprunte le scarabée tout noir. Terrorisée, je ne sais vraiment pas pourquoi je me retrouve à genoux. À genoux de trouille sans doute, je me trouve ayant perdu mes pieds et un peu de hauteur, quasi nez à nez avec l'animal noir. Et je le regarde, avancer si lentement, pattes nombreuses, je l'ai suivi du regard, je me suis penchée vers la chose, à quatre pattes, j'ai vu que l'armure avait des reflets bleus et verts, me suis surprise à l'observer dans sa lenteur et urgence à traverser la route, compris que je pouvais l'écrabouiller, compris que je ne le ferai pas, que je n'avais plus peur, et j'ai continué de la regarder aller à l'herbe de l'autre côté, que je ne la verrai plus que je pouvais continuer mon chemin mais qu'elle serait toujours là. Voilà, l'enfant s'est remise debout et est rentrée à la maison, silencieuse.

J'ai toujours, allez comprendre, associé ou revécu cette expérience, peut être une enfance, dans les films de David Lynch, avec un supplément adulte perdue, dans l'trou. C'est dire comme vous m'accompagnez.

Merci pour la vie.


Marie Matheron

Sweet dreams, mr David Lynch

Léa Cornetti, fusain sur papier, 16/01/2025


 

Parce que vous le valez bien, les humanités ce n'est pas pareil. Pour que le chemin continue de faire chemin, dons ou abonnements ICI


Mots-clés :

263 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

コメント


bottom of page