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Décés d'Elizabeth « Betita » Martínez, militante des droits civiques.


Elizabeth Martínez. Photo non datée.


Féministe, militante des droits civiques, voix du mouvement Chicana qui cherchait à donner du pouvoir aux personnes, nées aux États-Unis et d'origine mexicaine, comme elle, Elizabeth « Betita » Martínez est décédée mardi dernier à San Francisco. Née le 12 décembre 1925 à Washington, elle avait 95 ans.

Sa mère, Ruth Sutherland (Phillips) Martínez, née aux États-Unis et aux yeux bleus, enseignait l'espagnol au lycée et était une pianiste et une joueuse de tennis accomplie. Son père, Manuel Guillermo Martínez, arrivé aux États-Unis en 1917 pendant la révolution mexicaine, a gravi les échelons, passant de commis à l'ambassade du Mexique à professeur de littérature espagnole à l'université de Georgetown. « Tous les soirs, pendant le dîner, il racontait qu'il avait vu Zapata entrer dans la capitale avec les campesinos, et cela m'a donné l'idée que je voulais une révolution ici même », confiait Elizabeth Martínez, qui allait ensuite développer ce qu'elle appelait une "conscience anti-impérialiste et pro-latino-américaine".

Enfant unique à Chevy Chase, dans le Maryland, une banlieue blanche de la classe moyenne de Washington, Elizabeth Martínez n'avait pratiquement aucune vie sociale. La famille blanche d'à côté ne laissait pas sa fille jouer avec elle. Elle fréquente ensuite le Swarthmore College en Pennsylvanie où elle obtient une licence en histoire et en espagnol en 1946. Elle est la première Latina diplômée de Swarthmore. A 16 ans, elle écrit un manifeste où elle se fixe une mission : « détruire la haine et les préjugés ».


A peine âgée de 20 ans, elle décroche un emploi au secrétariat de l'ONU, où elle fait des recherches sur le colonialisme en Afrique. Elle travaille ensuite au Museum of Modern Art, où elle assiste Edward Steichen, directeur de la photographie du musée, puis chez l’éditeur Simon & Schuster, et enfin au magazine The Nation, où elle signe ses premiers articles. Tout en assistant à certaines soirées chic de la Cinquième Avenue, elle fréquente artistes et écrivains, gardant un pied dans le monde des marginaux, des gauchistes et des rebelles du Lower East Side. Elle voyage à Cuba, où elle se déclare socialiste (ce qui attire l'attention du F.B.I.), et se rend à Moscou pour interviewer les principaux poètes russes.


Tout au long de son parcours, Elizabeth Martínez s'est vivement intéressée à la politique et aux droits civiques. Parmi les livres qu'elle a édités, citons The Movement : Documentary of a Struggle for Equality (1964), une histoire en images du mouvement des droits civiques, avec un texte de la dramaturge noire Lorraine Hansberry, et dont les droits d'auteur ont été reversés au Student Nonviolent Coordinating Committee, un groupe de défense des droits civiques.

Après l'attentat à la bombe de 1963 contre l'église baptiste de la 16e rue à Birmingham, en Alabama, qui tue quatre jeunes filles noires, Elizabeth Martínez participe au Freedom Summer dans le Mississippi, un des événements marquants du mouvement américain des droits civiques pour, notamment, faire inscrire le maximum de noirs sur les listes électorales. Au milieu des années 1960, elle ressent l'attrait des engagements révolutionnaires, quitte la plupart de ses emplois rémunérateurs et se consacre aux causes de gauche, rejoignant des groupes féministes et des organisations marxistes éphémères.

Rejetée par le Student Nonviolent Coordinating Committee, à New York, qui ne voulait que des dirigeants noirs, elle renoue avec ses racines latinos. Au Nouveau-Mexique, en 1968, elle fonde un journal bilingue, El Grito del Norte (Le cri du Nord), l'un des premiers journaux du mouvement latino. Son objectif initial était de lutter pour les droits fonciers des Chicanos au Nouveau-Mexique, mais ne tardera pas à s’intéresser à des luttes plus larges concernant la guerre au Vietnam, le socialisme à Cuba et le féminisme dans le monde entier. Elle participe ensuite à la création du Chicano Communications Center, qui utilisait le théâtre de rue politique, les bandes dessinées et d'autres formes de médias populaires pour transmettre les luttes des communautés traditionnelles du Nouveau-Mexique.

En 1976, elle publie 450 Years of Chicano History in Pictures, réimprimé plus tard sous le titre 500 Years of Chicano History in Pictures. Largement utilisé dans les écoles, ce livre présente cette histoire comme une histoire de résistance, d'exploitation économique et de luttes syndicales. A plus de 80 ans, elle écrit un volume complémentaire, 500 Years of Chicana Women's History (2008).

Mais son ouvrage le plus important restera De Colores Means All of Us (1998), qui présente un point de vue latino radical sur les questions de race et d’identité. Elizabeth Martínez a été l'une des premières à explorer la façon dont les questions de race, de classe, de pauvreté, de genre et de sexualité pouvaient être liées à des systèmes d'oppression qui se chevauchent, ce qui fait d'elle une voix fondatrice du concept d'intersectionnalité bien avant que ce terme ne soit en vogue. « Des droits civils et de la libération des Noirs aux droits des femmes et à l'abolition des prisons, je peux pratiquement raconter l'histoire de ma vie politique en utilisant les travaux de Elizabeth Martínez comme points d'ancrage », a ainsi écrit Angela Davis.


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