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Dziga Vertov et Alexandre Dovjenko, cinéastes ukrainiens ?

Dernière mise à jour : 16 mars

"La Terre", d'Alexandre Dovjenko (1930), capture d'écran


Il faut remercier Vladimir Poutine. Grâce (si l'on peut dire) à sa monstrueuse guerre d'agression, celles et ceux qui l'ignoraient ont découvert que l'Ukraine n'est pas une "petite Russie", alias cul de basse fosse, mais un pays à part entière, riche d'une langue, d'un patrimoine et d'une culture, quand bien même cette culture a été censurée, étouffée, violée, torturée, par les tsars de la "grand Russie", de Pierre 1er à Poutine en passant par Staline. Nous avons déjà commencé à le faire : dans les prochaines semaines, nous allons contribuer à rendre à l'Ukraine ce qui lui appartient, en dérussifiant certains artistes qui apparaissent encore aujourd'hui comme des parangons de la "grande culture" russe (ou soviétique), tout en ramenant à la lumière des noms jetés aux oubliettes. Pour commencer, profitez-en, c'est gratuit : les humanités vous offrent une longue séance de ciné-club avec La Terre d'Alexandre Dovjenko (1930) et le magnifique et trop méconnu Enthousiasme : la symphonie du Donbass (1931) de Dziga Vertov.


Avec Eisentein, Alexandre Dovjenko passe pour être l'un des maîtres du cinéma soviétique (donc russe). Ce qui n'est pas complètement faux, sans être vrai pour autant. Né le 10 septembre 1894 à Sosnytsia, petite commune urbaine de l'oblast de Tchernihiv, en Ukraine, issu d'une famille de paysans ukrainiens, de cosaques venant de la province voisine de Poltava qui émigrèrent à Sosnytsia au XVIIIe siècle, il intègre en 1911 l'université pédagogique de Hloukhiv dans l'oblast de Soumy, où il découvre la littérature ukrainienne. Diplômé en 1914, Dovjenko devient enseignant à l'école primaire de l'oblast de Jytomyr où il enseigne aussi bien les sciences naturelles que la gymnastique et le dessin. À côté de ses activités pédagogiques qu'il assure pendant quatre ans, il travaille comme caricaturiste dans la presse centrale de l'Ukraine soviétique. À cette époque il se sent proche du mouvement national ukrainien. En 1917, il s'installe à Kyiv où parallèlement à son travail d'enseignant il étudie à l'université économique nationale. Lors de la guerre civile russe il sert dans le bataillon des haïdamaks de l'Armée de la République populaire ukrainienne.

Dovjenko débute dans la cinématographie en 1925 comme auteur de scénarios et se met à la réalisation de films à l'âge de 32 ans. Il fut notamment le mentor de la jeune réalisatrice ukrainienne Larissa Chepitko, « méconnue, peut-être parce qu'elle était une femme, et peut-être aussi parce que ses films étaient censurés la plupart du temps par les autorités soviétiques ». En février 1935, Staline remet à Dovjenko "l'ordre de Lénine" et lui suggère de créer un film mettant en scène un Tchapaïev ukrainien en évoquant le nom de Nikolaï Chtchors, un militaire de la guerre civile russe alors pratiquement oublié. Après avoir soumis plusieurs versions de scénario à la direction générale du cinéma et au Politburo, et avoir pris d'autres conseils auprès de Staline, il réalise son film en 1939, avec Evgueni Samoïlov dans le rôle titre. En 1941, il est correspondant de guerre. Il prépare le film documentaire La Bataille pour notre Ukraine soviétique qu'il tourne en 1943. Mais le film déplaît à Staline, et il est convoqué à une réunion du Politburo, le 31 janvier 1944, où il se voit sévèrement reprocher le contenu révisionniste de son œuvre. À partir de cette date, il est disgracié par le régime soviétique.


La Terre, d'Alexandre Dovjenko (1930)


(ou avec sous-titres en français, ici : https://dai.ly/x3xyjx7)


Dziga Vertov, de son vrai nom Denis Arkadievitch Kaufman, né à Białystok le 2 janvier 1896, mort à Moscou le12 février 1954, n'était sans doute pas ukrainien. Cependant, pour Jason Blevins, directeur de la création vidéo au quotidien Kyiv Independent, « Enthousiasme : la symphonie du Donbass a été tourné dans le Donbass en 1929 pour promouvoir le premier plan quinquennal de Staline. Son réalisateur, Dziga Vertov, est connu pour son précédent film muet, L'homme à la caméra (1929), qui captait la vie quotidienne des habitants de Moscou, de Kyiv et d'Odessa. Ce film a été le premier projeté dans mon école de cinéma comme exemple de narration purement cinématographique par le biais de la caméra et du montage. Il n'y avait pas d'intertitres pour communiquer les dialogues. C'était du pur cinéma. Enthousiasme est le premier film sonore de Vertov, mais il n'est pas moins expérimental que L'Homme à la caméra. Le film juxtapose les campagnes antireligieuses et de propagande du nouveau gouvernement soviétique avec la pénible industrie du charbon de la région ukrainienne du Donbass. Ce qui rend le film particulièrement intéressant en 2025, c'est l'apparition de la langue ukrainienne tout au long du film - sur les bannières, les affiches de propagande et l'architecture. La Russie a toujours affirmé que cette région était ethniquement russe et que la "junte de Kyiv" mise en place après le "coup d'État de 2014" discriminait la population russophone locale. Cependant, ce que nous pouvons voir dans ce film est un Donbass ukrainien, il y a près de 100 ans. »


Dziga Vertov : Enthousiasme : la symphonie du Donbass



 

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