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Des oiseaux au micro, une fleur au logo



Second pays au monde en termes de biodiversité au kilomètre carré, la Colombie entend bien valoriser son patrimoine naturel à l'occasion de la COP 16 qui se tient à Cali. Pour l'occasion, toute la faune du pays a été convoquée pour interpréter l'hymne national (à écouter ci-dessous), et une fleur endémique, l'Inírida, longtemps qualifiée de "mauvaise herbe", a été choisie comme emblème de la COP. Questions subsidiaires : le crapaud de mer et le colibri émeraude toucheront-ils des droits d'auteur, et les communautés autochtones qui ont su préserver l'Inírida, seront-elles soutenues pour continuer à protéger les écosystèmes nécessaires à son épanouissement ?


La COP 16 Biodiversité se tient jusqu'au 1er novembre à Cali, une des principales villes de Colombie, le deuxième pays au monde pour la richesse de sa biodiversité au kilomètre carré : 67.000 espèces de faune et de flore recensées, 311 types d'écosystèmes continentaux et marins, tandis que 53 % du territoire est couvert par différents types de forêts (l'Amazonie couvre 35% du territoire soit 476.000 km2). Un groupe d'assurances, SURA, partenaire de la COP 16, a produit pour l'occasion une nouvelle version de l'hymne national colombien, interprété par... certains des animaux les plus représentatifs de la faune du pays. On y trouve plus de 40 espèces de mammifères, d'amphibiens et d'oiseaux. Il y a le jaguar, le crapaud de mer (Rhinella marina), l'épervier (accipiter nisus), le merle bleu royal (Buthraupis montana), le colibri émeraude (chrysuronia versicolor), le pisingo (dendrocygna autumnalis), le lagunero turpial (gymnomistax mexicanus), le saphir à gorge blanche (hylocharis cyanus), la fauvette à queue jaune (icterus mesomelas), le soldadito (leistes militaris), le manakin à barbe blanche (manacus manacus), le pigeon à ventre rouge (pteroglossus castanotis), le toucan des Caraïbes (ramphastos sulfuratus), le héron siffleur (syrigma sibilatrix), le siriri (tyrannus melancholicus), le courlis cendré (vanellus chilensis) et bien d'autres encore. Mais aussi des sons ambiants captés à l'embouchure du fleuve San Diego, au sommet du páramo Chingaza, dans les forêts de la réserve Rey Zamuro et du Rancho Camana, car l'hymne couvre une grande partie du pays, des plaines orientales à la Sierra Nevada de Santa Marta, en passant par le Meta et le Cundinamarca.



« Nous avons fait un casting de voix dans un studio de plus d'1 million de kilomètres carrés » : la production a été réalisée par le compositeur Miguel de Narváez avec une équipe de biologistes et d'experts en biodiversité de différentes régions, qui l'ont conseillé et accompagné dans la recherche des sons dans divers parcs naturels. Making off ci-dessous :


 

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Fleur d'Inírida, la "mauvaise herbe" devenue l'emblème de la COP 16 Biodiversité

Elle, c’est une star : elle a été choisie comme symbole et logo de la COP 16 Biodiversité, qui se tient à Cali jusqu’au 1er novembre. Pensez donc : elle ne meurt jamais. Avec ses étoiles rouges aux pétales durs et pointus, cette plante sylvestre était pourtant volontiers qualifiée de « mauvaise herbe ». Schoenocephalium teretifolium, de son nom scientifique, voici donc la fleur d'Inírida, chargée d’incarner, pour la COP Biodiversité, un message de « paix avec la nature ».

Fleur d'Inírida. Photo : Institut SINCHI


C’est une endémique, Inírida : on la trouve que dans le département de Guainía, en Colombie, niché sous les jungles de Vichada et de Guaviare ; là que quelques familles autochtones l’ont miraculeusement protégée et protégée, conscientes que cette "mauvaise herbe" n’était pas si mauvaise que ça.  En langue yurí, un peuple indigène amazonien autrefois localisé autour du fleuve Negro dans le Putumayo et aujourd'hui dispersé, Guainía signifie « terre aux nombreuses eaux ». Or, la fleur Inírida est une espèce clé qui permet d'abriter le plus d'humidité possible. La région de Guainía est également connue pour ses petites rivières colorées qui traversent la jungle jusqu'à ce qu'elles se jettent dans la plus grande branche qui rejoint le fleuve Amazone. « En hiver, ces cours d'eau retiennent beaucoup d'eau et sont de couleur rouge », précise Alexi Fernando Rodríguez Cuiche, qui appartient à la communauté Puinave, et qui anime un site internet pour promouvoir des itinéraires d'écotourisme. « Les eaux cristallines », ajoute-t-il, « sont colorées par le tanin des feuilles ligneuses, c'est-à-dire qu'avec la fleur, une diversité végétale se multiplie dans laquelle on peut voir des pigments naturels qui augmentent l'unicité et la beauté des paysages. »


"Rivière de couleurs" dans la jungle du Guaviare. Photo DR


Voilà pour le tableau idyllique. Mais il y a l’envers du tableau, que dévoile un reportage de l’excellente revue colombienne Consonante, qui défend un projet de journalisme participatif soutenu par la Fondation pour la lbierté de la presse. Pendant des années, de 1989 à 2005, la vente de la fleur Inírida a été interdite, privant ainsi de ressources les communautés qui en prenaient soin. Aujourd'hui, quelques familles vivent de son exportation, mais « toutes les familles ne sont pas en mesure de commercialiser la fleur alors que la plupart d'entre elles sont responsables de son entretien et de sa préservation » indique Alexi Fernando Rodríguez Cuiche. Et surtout, « en tant que communauté, nous aimerions savoir quel impact va avoir ce symbole de la COP et de quelle manière les grandes entreprises vont ensuite poser leurs yeux sur nous ».

Membre de la communauté Kamsá (ou Kamëntsa, dont la population estimée est de moins de 5.000 personnes, chercheuse et défenseuse de l'environnement, Rosa Agreda travaille pour la Corporation pour le développement durable du Nord et de l'Est de l'Amazonie (Corporación para el Desarrollo Sostenible del Norte y el Oriente Amazónico), qui opère dans les régions de Guainía, Guaviare et Vaupés. La fleur d'Inírida, explique-t-elle, a également des connotations liées au cycle menstruel des femmes, avec des légendes associées à la fertilité et aux changements dans les cycles de la terre. « Reconnaître l'essence ancestrale de l'espèce nécessite des ressources dont ne dispose pas l’unité de recherche pour laquelle je travaille, qui est pourtant une entité publique », confie-t-elle, « et bien qu'il s'agisse du symbole de la COP16, nous n'avons pas été inclus en tant que gardiens de cette ressource. Ou, du moins, nous n'avons reçu aucun encouragement pour sa préservation, pour l'éducation à l'environnement ou pour en prendre soin en tant que symbole de la biodiversité à l'avenir ».

Rosa Agreda est en pourparlers avec des chercheurs de l'Institut amazonien de recherche scientifique SINCHI, à Guainía, ainsi qu'avec des groupes de la Corporation autonome régionale dans les réserves indigènes où pousse la fleur, et un soutien financier est nécessaire pour la recherche sur la reproduction de la « fleur éternelle ». « La plupart des investissements ont été dirigés vers les régions où les taux de déforestation sont les plus élevés. Au train où vont les choses, les communautés disent : 'Nous prenons soin de nous et rien ne vient, mais l'État paie ceux qui détruisent tout. »

« Pendant plusieurs générations, nous avons pris soin de ces territoires et il est important de reconnaître ces personnes qui ont pris soin des savanes et de la fleur pendant des milliers d'années »

Dans la langue curripaco, la fleur est connue sous le nom de liwi, dans la langue puinave sous le nom de shugsu, et a été utilisée de manière ancestrale comme médicament. C'est pourquoi, dans les temps anciens, la fleur n'était pas touchée et seule l'eau stagnant dans son bourgeon était bue par les femmes. « Pendant plusieurs générations, nous avons pris soin de ces territoires et il est important de reconnaître ces personnes qui ont pris soin des savanes et de la fleur pendant des milliers d'années », déclare Argelino Agapito, cultivateur de l'espèce.

Pour lui, en tant que planteur, la fleur doit pousser à l'endroit même où elle est née. S'il est possible de trouver un moyen de la reproduire, il faut respecter le caractère endémique de la plante, qui pousse dans des conditions spécifiques de température, de ph du sol et de tenue sur ses sables. « C'est essentiel pour continuer à conserver cette espèce, maintenant qu'il y a une possibilité de l'utiliser pour la sylviculture », dit-il. Pour lui, la décision d'utiliser cette fleur comme symbole de résilience est logique. « En effet, lorsque la fleur atteint sa maturité, elle tombe avec la tige et ses structures repoussent à l'endroit où la plante mère est tombée ».


L'important, pour lui, est que le symbole séduise suffisamment pour laisser en Amazonie des ressources qui ne servent pas uniquement à la conservation de cette espèce de flore. « Elle naît dans différents écosystèmes de la forêt ; la fleur ne pousse pas sans la forêt et la forêt a besoin de la fleur, c'est pourquoi ce discours inclut la conservation de la forêt parce que le scénario est une intégration de la biodiversité ».


Alexi Fernando Rodríguez Cuiche aimerait pour sa part que l’attention portée à la fleur d'Inírida lors de la COP 16 Biodiversité puisse inciter des personnes à investir dans des projets d'écotourisme existants, au lieu d’ouvrir la voie à des projets fonciers et spéculatifs : « ces territoires sont pratiquement vierges et ont été protégés par ceux d'entre nous qui sont nés et ont grandi ici. De nombreuses familles étaient auparavant impliquées dans l'exploitation minière illégale et se sont reconverties dans des projets d'écotourisme, qui profitent également à la nature », explique-t-il.  


A SUIVRE...

La revue Consonante, dont est issu le reportage ci-dessus sur la fleur d'Inírida, vient par ailleurs débuter une série intitulée "Corps d'eau", qui présente les voix, les luttes et les pétitions des communautés qui exercent leur souveraineté territoriale autour des fleuves de Colombie. Premier extrait sonore ci-dessous, suites à venir sur les humanités...



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