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Photo du rédacteurJean-Marc Adolphe

De la Syrie à la Géorgie, un Poutine aux abois

Le 9 décembre à Tbilissi, des manifestants brûlent un cercueil où ils ont placé un mannequin à l'effigie de Bidzina Ivanishvili,

l'oligarque pro-russe qui contrôle le parti Rêve géorgien. Photo Mariam Nikuradze/OC Media


Après le fiasco russe en Syrie, et l'incertitude qui pèse sur la base militaire de Tartous, la Géorgie, où l'armée du Kremlin dispose de bases militaires sur la mer Noire, est un autre "front d'inquiétude" pour Vladimir Poutine. Alors qu'à Tbilissi, les manifestations ne faiblissent pas, le gouvernement pro-russe frauduleusement au pouvoir se livre à la "terreur psychologique". Avant d'essayer la terreur tout court ?


En direct de Tbilissi, 10 décembre. Tous les yeux sont tournés vers Damas et la Syrie. Bientôt sur les humanités : un voyage historique aux origines de la prison, pardon « l’abattoir humain », de Saydnaya (lire sur France info). Pris de court par la fulgurante avancée des rebelles, Assad n’a pas eu le temps, pour effacer les preuves de l’enfer concentrationnaire, de demander à tonton Poutine de bombarder ce monument de terreur ; comme Vladimir l’avait fait, en Ukraine, en juillet 2022, avec la prison d’Olenivka (53 morts, qui s’en souvient ?, voir ICI, ICI et ICI). Et d’ailleurs, aussi dans les prochains jours sur les humanités, des révélations en partie exclusives sur les liens de Bachar al-Assad avec la Russie de Poutine (et vive-versa).

 

En attendant, ne pas déserter la Géorgie, où se poursuivent manifestations, arrestations et violences policières. La tension devrait encore monter d’un cran d’ici le14 décembre, date de la prochaine « élection présidentielle ». Je mets entre guillemets, puisque le parti au pouvoir a changé les règles de ladite élection, qui ne sera plus au suffrage universel, mais réservée à 300 "délégués" triés sur le volet.


A gauche : Bidzina Ivanishvili, l'oligarque pro-russe qui contrôle le parti Rêve géorgien.

A droite : Sergueï Narychkine, directeur du service russe du renseignement extérieur. Photos DR


Le directeur du service russe du renseignement extérieur (SVR), Sergueï Narychkine, se félicite d’ores et déjà de la victoire annoncée du candidat de Rêve Géorgien, l’ex-footballeur Mikhaïl Kavelashvili (qui se répand en diatribes anti-occidentales alors qu’il a fait l’essentiel de sa carrière, fort bien payé, à Manchester et en Suisse). Dans un communiqué, Narychkine déclare qu'« ayant pris conscience de la nocivité d'une orientation aveugle vers l'Occident, les autorités géorgiennes ont décidé d'agir dans leur propre intérêt et s'éloignent désormais consciemment de l'agenda transhumaniste ultra-libéral imposé de l'extérieur, qui est infiniment étranger aux valeurs géorgiennes traditionnelles ».

 

Plus que « l'agenda transhumaniste ultra-libéral », les Géorgiens craignent surtout les fourches caudines des « valeurs traditionnelles » russo-poutiniennes (« valeurs traditionnelles » qui incluent la torture version Assad). Les manifestations ne vont donc pas faiblir. Et la terreur semée par les « hommes en noir » (voir ICI) n’a pas suffi à dissuader les manifestants, à Tbilissi comme à Batoumi et d’autres villes du pays.


Mais Poutine ne semble avoir encore bien compris les leçons du fiasco du soutien russe en Syrie. En Géorgie, les services russes du FSB continuent à vouloir entraver par tous les moyens les aspirations démocratiques et pro-européennes de la population. Un coup de semonce vient d’être adressé par l’intermédiaire du Service de sécurité de l'État (SSG), équivalent géorgien du FSB, qui a fait savoir, ce mardi 10 décembre, que les manifestants (naturellement téléguidés par une puissance étrangère), auraient « planifié le meurtre de deux ou trois personnes » : des « sacrifices » qui seraient mis en scène et déguisés afin d’incriminer le gouvernement et de relancer ainsi un élan de protestation qui serait en train de « s’estomper », et de préparer un « coup d’État ».

 

Bases militaires russes en Abkhazie, en Géorgie occupée.


Comment faut-il entendre un tel "avertissement" ? Soit il s’agit, comme l’a dénoncé l’encore Présidente (jusqu’au 14 décembre, donc) de Géorgie, Salomé Zourabichvili, d’un acte de « terreur psychologique » pour dissuader les manifestants. Soit il s’agit d’un plan qui pourrait effectivement être exécuté par ces fameux « hommes en noir » à la solde du régime, afin d’accentuer le chaos et de justifier ainsi l’intervention des troupes russes positionnées en Abkhazie et en Ossétie du Sud, les deux régions de Géorgie occupées par la Fédération de Russie depuis la guerre russo-géorgienne de 2008.


Environ 8.000 militaires russes (1) sont basés à Tskhinvali et Java, en Ossétie du Sud, et à Goudaouta, sur les rives de la mer Noire, en Abkhazie. Après le fiasco syrien et l’incertitude sur la base navale de Tartous, Poutine n’est certainement pas disposé à ce qu’en Géorgie, le « transhumanisme ultra-libéral » vienne à terme lui confisquer les bijoux de famille de sa « grande armée ». L’actuel et frauduleux gouvernement géorgien n’est pour lui qu’un pion dans une bien plus vaste partie d’échecs. Il paraît que Poutine, grand amateur de judo, était plutôt doué sur les tatamis. Mais avec l’âge… Quant aux échecs, ça n’a jamais été son fort. Là, il vient perdre son cheval de Damas. Il a quelques fous, comme Douguine, mais pas de Reine. Le mieux serait de sacrifier tout de suite le Roi.

 

Jean-Marc Adolphe


(1) - Le chiffre exact est incertain, car certaines de ces unités ont été déployées sur le font ukrainien à partir de 2022.

 

Parce que vous le valez bien, les humanités, ce n'est pas pareil.

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Ci-dessous : Manifestation de soutien à la Géorgie, le 8 décembre 2024, place du Panthéon à Paris. Photo Gvantsa Demetrashvili


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תגובה אחת


wilputte.brigitte
il y a un jour

Merci pour cet excellent article qui met bien en lumière pour qui l'ignorerait encore les filons de déstabilisation poutinienne. Quant aux bases maritime et aérienne de Syrie d'après les infos (images) de FR2, l'armée Israélienne s'en serait chargée...?

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