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Curupira pourra-t-il sauver la planète ?

Photo du rédacteur: Jean-Marc AdolpheJean-Marc Adolphe

Dernière mise à jour : 13 févr.



Curupira, une créature mythologique amazonienne choisie pour être la mascotte de la prochaine COP 30 Climat à Belém, au Brésil.


Pendant que la planète brûle à force de tant se réchauffer, que Trump-le-pyromane censure par décret un rapport sur lequel travaillaient depuis plusieurs mois 150 scientifiques et experts de l'environnement, le Brésil se prépare à accueillir la trentième COP Climat, en novembre prochain à Belém. Et voilà qu'entre en scène une créature mythologique amazonienne, dont on n'a pas fini de parler... (avec, en prime, un film et un conte)


On a le temps d’en reparler : la 30ème COP sur les changements climatiques n’aura lieu qu’en fin d’année, du 10 au 21 novembre 2025 à Belém, dans le nord du Brésil, capitale de l'État du Pará, aux portes de l’Amazonie. Mais la tension monte déjà. « Cette grand-messe s’avère cruciale puisqu’elle doit aboutir à un accroissement des efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre de tous les pays, au moment des dix ans de l’accord de Paris », écrivaient voici quelques jours  Audrey Garric et Bruno Meyerfeld dans Le Monde. « Elle doit également déboucher sur davantage de financements en faveur des pays du Sud pour les aider à faire face aux impacts des dérèglements climatiques. Une gageure dans un monde polarisé où le populisme progresse en faisant reculer l’écologie, sur fond de guerres et d’austérité budgétaire ». (1)


« On vit une attaque historique contre l’action climatique, portée par une alliance entre Donald Trump, d’une brutalité inouïe, et le secteur pétrolier », ajoute Laurence Tubiana, l’architecte de l’accord de Paris et directrice de la Fondation européenne pour le climat. Alors que Trump, tout à son "Drill, baby, drill" (lire ICI)  vient précisément, comme prévu, de retirer les États-Unis de l’accord de Paris, une analyse de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), se basant sur six grandes bases de données internationales, vient de montrer que 2024 a été la première année calendaire au-dessus d’un niveau de réchauffement de 1,5°C. « Si l’anomalie de 1,5°C continue au-delà de 18 mois consécutifs, il est quasiment certain que le seuil de l’accord de Paris sera franchi », même dans un scénario d’émissions de gaz à effet de serre intermédiaire, précise Alex Cannon, du ministère canadien de l’Environnement et du changement climatique.


« A moins d’entreprendre des mesures urgentes, on ne se souviendra pas de 2024 comme d’une anomalie mais comme le début d’une nouvelle ère climatique, caractérisée par des risques croissants », ajoute pour sa part l’écologue américain William Ripple, qui enseigne au département des écosystèmes et de la société forestière de l'université d'État de l'Oregon.

Seuls 10 signataires de l’accord de Paris ont soumis à la date butoir du 10 février leur stratégie actualisée de réduction des gaz à effet de serre d’ici à 2035.

Malgré cette "urgence climatique", il semble, pour beaucoup d’États, urgent… d’attendre. Ceux-ci avaient jusqu’à lundi dernier, 10 février, pour rendre leur nouvelle feuille de route climatique. Or,  selon une base de données de l’ONU, seuls 10 signataires de l’accord de Paris ont soumis leur stratégie actualisée de réduction des gaz à effet de serre d’ici à 2035. Parmi les grands absents : la Chine, l’Inde ou encore… l’Union européenne, confrontée à une montée de partis d’extrême droite hostiles aux politiques en faveur du climat.

Selon l’ONU, les précédentes feuilles de route entraînent le monde, déjà plus chaud de 1,3°C, vers un réchauffement catastrophique de 2,6°C à 2,8°C. A ce niveau, les canicules, sécheresses et précipitations extrêmes, déjà en augmentation, deviendront extrêmes, accompagnées d’une multiplication des disparitions d’espèces et d’une hausse irréversible du niveau des mers.


Trumpland ? On n’en parle même pas : c’est plutôt une feuille de déroute. Le nouvel "agent orange" des États-Unis (Trump, en clair), qui a déjà gelé tous les crédits en faveur des énergies renouvelables, a brutalement mis fin le 30 janvier, par décret, aux travaux de plus de 150 scientifiques et autres experts de l’environnement, qui devaient rendre dans moins d’un mois un rapport élaboré sous les auspices du Programme américain de recherche sur le changement climatique, appelé "National Nature Assessment", visant à mesurer l'état des terres, de l'eau et de la faune du pays. Le directeur du projet, Phil Levin un prestigieux scientifique de l'environnement, a appelé ses collègues à passer outre l’oukase de Trump et à chercher les moyens pour achever et publier ce rapport. (2)


A Belém, devant le célèbre marché de Ver-o-Peso, le plus grand marché en plein air d'Amérique latine. Photo Socorro Coutinho.


Belém se prépare à accueillir dignement la prochaine COP Climat


Nonobstant ces vents contraires qui soufflent sur des braises déjà ardentes, la ville portuaire de Belém, au Brésil, sur l'estuaire des fleuves Tocantins et Pará, aussi connue comme la "Cité des Manguiers" (Cidade das Mangueiras en portugais), se prépare à accueillir dignement la prochaine COP. Le défi est de taille. Car l’ancienne capitale (avec Manaus) du boom du caoutchouc (3), a perdu de son lustre d’antan. Le centre-ville historique est largement décrépi, et les favelas ont proliféré : plus de la moitié de la population (1,3 million d’habitants) vit aujourd'hui dans un bidonville.


Mais là, on met les bouchées doubles. 4 milliards de réals (environ 840 millions d’euros) sont investis pour transformer la ville : planification urbaine, programmes de mobilité et d’assainissement, etc. Parmi les chantiers les plus emblématiques : les anciens entrepôts portuaires de la Companhia Docas do Pará vont accueillir un complexe de loisirs et de gastronomie (qui comprendra un musée de l'Amazonie et un « parc de la bioéconomie » ; et le fameux marché de Ver-o-Peso, le plus grand marché en plein air d'Amérique latine, qui va faire l’objet, pour la première fois depuis près de 400 ans, d'importants travaux d'assainissement…


A gauche : André Corrêa do Lago, président de la future COP 30 à Belém (photo José Cruz/Agência Brasil).

A droite : Ana Toni, directrice exécutive de la COP (photo DR).


Les deux pilotes de la COP 30 viennent d’être choisis par le gouvernement brésilien. La présidence a été confiée à André Corrêa do Lago, actuel secrétaire au climat, à l’énergie et à l’environnement au sein du ministère des affaires étrangères brésilien. Ancien ambassadeur (au Japon et en Inde), ce francophile passionné d’architecture a été chargé des négociations climatiques à la tête de la délégation brésilienne lors des deux dernières COP. Autant dire qu’il connaît son sujet. Et la directrice exécutive de la COP sera une femme, Ana Toni, secrétaire chargée du changement climatique au ministère de l’environnement. Un duo à l’opposé de ce qu’on a connu lors des dernières COP Climat à Bakou, Dubaï (Émirats arabes unis) et Charm El-Cheikh (Égypte).


Image illustrative de Curupira avec les pieds tournés vers l'arrière, sa principale caractéristique


Celui qui risque d’être le grand héros de la COP 30 à Belém est toutefois plus inattendu. Son nom ? Curupira. Signe distinctif : il a les pieds tournés vers l’arrière, pour mieux brouiller les pistes, afin d'égarer les gens qui essayent de le suivre à la trace, et surtout ceux qui nuisent à son habitat. Ce personnage de la mythologie amérindienne d’Amazonie s’apparente à un gardien vigilant de la forêt. Curupira y exerce son action protectrice en égarant chasseurs et autres intrus qui portent atteinte à son univers. Selon l'une des versions proposées par un folkloriste italo-brésilien, Ermanno Stradelli, le nom de Curupira provient de tupi "kuru'pir", de "curu" (contraction de "corumi" : enfant) et "pira" : corps, désignant ainsi "corps d'enfant". Curupira est souvent représenté comme un nain fort et agile aux cheveux roux, aux dents vertes, qui court si vite que personne ne peut l'attraper. (4)


A la COP, Curupira sera partout, vu qu’il vient d’être choisi pour en être la mascotte, comme vient de le révéler le site brésilien Seles Nafes. Pour sauver la planète, un peu de magie amazonienne ne sera pas de trop.

 

Jean-Marc Adolphe et Nadia Mével


Notes

(1). A la COP30, les États doivent adopter une enveloppe de 1.300 milliards de dollars par an, d’ici à 2035, de financements climatiques à destination du Sud.

(2). Lire sur The New York Times (10/02/2025) : “Trump Killed a Major Report on Nature. They’re Trying to Publish It Anyway" (ICI).

(3). La production du caoutchouc a fait autrefois la fortune de l'Amazonie brésilienne, en particulier de Manaus et de Belém. Mais au cours du XXe siècle elle a été supplantée par les cultures de masse de l'hévéa (arbres dont on tire le latex, le suc végétal servant à fabriquer le caoutchouc naturel), en Asie notamment.

(4). "Curupira", c'est aussi le nom donné à des petits boîtiers développés par une université brésilienne, qui sont testés pour prévenir automatiquement de la mise en marche d’outils susceptibles d’abattre les arbres de la forêt primaire.

 

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Compléments


Curupira, bête des bois (35')

Documentaire réalisé par Félix Blume (2019)

[en France, le film a été projeté au Musée Réattu, Arles, au Domaine de Kerguéhennec, à l'Espace d’art contemporain Les Rochesau festival Reflets – Cinéma Ibérique et Latino-Américain, au Muséum D’Histoire Naturelle, aux Instants Vidéo numériques et poétiques, à La Chouette de Villefranche, aux festivals Le Mans Sonore, Concerts Dispersés, Son Mire, Sonic Promenade, Les Nuits des forêts, Kinoramax, Les Siestes Électroniques].


Au cœur de l’Amazonie, les habitants de Tauary nous invitent à écouter les sons de leur forêt, avec ses oiseaux et ses animaux. Certains sons étranges apparaissent pourtant : une créature rôde entre les arbres. Parmi ceux qui l'ont déjà entendue, très peu l’ont vue, et ceux qui l’ont rencontrée n’en sont jamais revenus. Elle charme, elle enchante, elle rend fou, elle emmène les gens, elle les pousse à se perdre : chacun la raconte à sa manière et tente de décrypter ses appels. Curupira, bête des bois nous emmène à la recherche de cet être : une réflexion sur les mythes et sur leur place dans le monde contemporain, un thriller sonore en pleine jungle.



Un conte

Curcupira marchait dans la forêt quand il rencontra un chassur indidien profondément endormi... Ci-dessous en PDF, extrait du site www.capoeira37.com



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