A partir du 15 février, l’Assemblée constituante (ou Convention constitutionnelle) délibérera des propositions d’écriture d’une nouvelle constitution chilienne, élaborée par plusieurs commissions.
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Au Chili, après l’élection le 4 janvier dernier de María Elisa Quinteros et de Gaspar Dominguez à la présidence et à la vice-présidence de l’Assemblée constituante (lire ICI), la nouvelle Constitution sera dévoilée dans les prochaines semaines. Les citoyen.ne.s ont jusqu'au 20 janvier pour valider des initiatives populaires (à partir de 15.000 signatures en ligne), tandis que les membres élu.e.s de l’Assemblée constituante (ou Convention constitutionnelle) ont jusqu'au 1er février pour soumettre leurs propositions d'articles constitutionnels.
Sept commissions thématiques sont chargées de faire avancer les travaux de l’Assemblée constituante. Une véritable course contre la montre est engagée : le 15 février doit débuter en séance plénière la délibération des rapports des différentes commissions. Un quorum de deux tiers sera nécessaire pour approuver les normes constitutionnelles et les incorporer dans la nouvelle Constitution, à travers un processus d'harmonisation.
Parmi les propositions constitutionnelles les plus en vue : la suppression de la Cour constitutionnelle [La Cour constitutionnelle du Chili est un organe juridictionnel de l'État, une juridiction collégiale, autonome et indépendante de toute autre autorité ou pouvoir, dont la fonction principale est d'exercer le contrôle de la constitutionnalité des lois. Elle est composée de dix membres, appelés ministros titulares, dont l'un est son président, et de deux ministres suppléants. Créée à l'origine par une réforme de la Constitution de 1925, elle a été dissoute par la junte militaire. La Constitution de 1980 l'a rétablie en tant qu'organe constitutionnel national, et elle a été substantiellement modifiée par la réforme constitutionnelle de 2005], une double-présidence paritaire et l’accès au numérique ne sont que quelques-unes des questions qui seront abordées par les élu.e.s de l’Assemblée constituante.
1) Système politique, gouvernement, législature et système électoral
La Commission du système politique fait partie de celles qui ont travaillé le plus rapidement. Cette commission est coordonnée par Ricardo Montero (photo de gauche) (Parti socialiste) et Rosa Catrileo (Mapuche) (photo de droite). Elle a été la première à donner un espace à chaque membre de l’Assemblée constituante pour présenter ses principales positions sur les questions abordées. La majorité des membres de la convention se sont prononcés en faveur d'une réduction des pouvoirs du président, afin d'évoluer vers un présidentialisme atténué.
Des personnalités telles que les anciens présidents Ricardo Lagos et Michelle Bachelet, ainsi que l’actuelle présidente du Sénat, Ximena Rincón, et le Contrôleur général de la République, Jorge Bermúdez (Le Bureau du Contrôleur général de la République est l'institution suprême de contrôle du Chili, autonome et de nature constitutionnelle, chargée d'exercer le contrôle de la légalité des actes de l'Administration publique, lire ICI),ont été invitées à faire part de leurs propositions.
Certains considèrent cette commission doit concevoir « l’ossature » de l'État dans la nouvelle Constitution. Elle devra, entre autres, discuter de questions telles que l'organisation de l'État, le régime politique, le système électoral et les organisations politiques, et examinera également les questions relatives à la sécurité publique, à la défense nationale, au rôle des forces armées, aux relations extérieures et à l'État plurinational.
Dans les semaines à venir, les 25 membres de cette commission devront délibérer sur certaines des propositions de loi qui ont déjà été présentées, comme celle qui vise à établir que la présidence de la République doit être conçue comme un binôme paritaire ; ou les propositions qui favorisent un Congrès monocaméral [il y a actuellement au Chili, comme en France, une Chambre des députés et un Sénat].
A la tête de cette commission :
Ricardo Montero Allende, 37 ans, avocat, Parti socialiste, élu dans la région du Maule. Il a été directeur de cabinet du ministre de la Défense (2014-2015) puis du ministre de l’Intérieur (2015-2017) sous la présidence de Michelle Bachelet.
« En tant qu'avocat », dit-il, « ma motivation a toujours été de travailler pour la justice sociale, de travailler pour donner à chaque personne ce à quoi elle a droit et mérite en tant qu'être humain. (…) La justice doit commencer par la fin des abus et la réduction de l'inégalité brutale qui nous affecte tous et nous empêche d'avancer en tant que société. (…) Notre nouvelle Constitution doit être construite avec précision, soin et dévouement, tout comme les artisanes de Rari [reconnues depuis 2010 comme Trésor Humain Vivant, voir sur YouTube : https://youtu.be/JGt5BaM5avs ] construisent leurs œuvres belles et bien faites. Notre Constitution doit être ferme et résistante, comme la poterie du Pilén [voir ICI], pour qu'elle puisse durer de nombreuses années et préserver l'avenir de nos enfants. »
Rosa Catrileo, 40 ans, avocate, Mapuche. Née dans la communauté Ayllan Marillan de Temuco, elle se consacre au travail avec les communautés et les individus Mapuche. Elle s'est concentrée sur le développement de la langue et de la culture indigènes, et a travaillé pour les droits à l'éducation linguistique.
Elle dit notamment : « Je pense qu'il est parfait que les voix, les pensées et les opinions des femmes soient reflétées dans cette nouvelle Constitution. Nous, les femmes exclues, donnons vie à ce processus d'Assemblée Constituante. Les femmes indigènes, les femmes qui travaillent, celles d'entre nous qui ont été des travailleuses saisonnières et des nourrices, celles d'entre nous qui ont vendu de la coriandre dans les foires, nous avons donné notre empreinte à ce processus. »
2. Principes constitutionnels, Démocratie, Nationalité et Citoyenneté
Cette commission chargée de rédiger le premier paragraphe de la nouvelle constitution et peut-être même établir un préambule. La commission compte 19 membres, coordonnés par Beatriz Sánchez (Frente Amplio, coalition de la gauche modérée, photo de gauche) et Éricka Portilla (Parti communiste, photo de droite).
Le règlement prévoit que cette commission doit aborder au minimum sept thèmes: préambule, principes, nationalité et citoyenneté, mécanismes de participation, intégration des sources du droit international et mécanismes de démocratie directe et participative.
Les membres de la Convention ont convenu que le sujet principal serait celui des principes constitutionnels. Dans ce contexte, la discussion a été organisée en trois blocs.
Le premier porte sur les principes constitutionnels et les fondements du droit international. Dans le second, sera traité tout ce qui concerne la démocratie et les mécanismes de participation. La troisième section traitera des questions liées à la nationalité et à la citoyenneté.
Certaines des propositions de normes qui ont été avancées sont que la nouvelle Charte fondamentale devrait établir la famille (au sens large) comme le noyau fondamental de la société ou encore que le but de l'État est de « promouvoir l'intérêt général de la société et de ses membres dans le cadre d'un respect sans restriction des droits fondamentaux ».
A la tête de cette commission :
Beatriz Sánchez, 52 ans, journaliste, féministe, élue du Frente amplio. Elle a notamment reçu le prix "Meilleure journaliste de télévision" en 2014. Candidate à l’élection présidentielle de 2017, elle était arrivée en troisième position avec plus de 20% des voix au premier tour.
Ericka Portilla, 37 ans, membre du Parti communiste. Avocate de l’Université d’Atacama, elle a été responsable des transports et des télécommunications de la région d'Atacama en 2014-2016, puis a occupé le poste de gouverneure provinciale de Copiapó. Elle écrit notamment : « La nouvelle Constitution doit protéger l'environnement dans une nouvelle perspective, qui modifie la relation actuelle entre les Chiliens et leur environnement naturel, en passant d'un paradigme anthropocentrique à un paradigme écocentré, en étant conscient que les êtres humains font partie de la nature et de l'environnement et n'en sont pas les propriétaires. La protection de la nature doit se manifester en la comprenant comme un sujet de droits, permettant à tout homme ou femme chilien.ne, individuellement ou en tant que communauté, d’avoir recours aux institutions pour le sauvegarder et le protéger. »
3. Forme de l'État, ordre, autonomie et décentralisation
Cette commission qui pourrait générer de plus grands accords, car elle a une particularité : ses 25 membres sont issus de régions autres que la région métropolitaine [celle de Santiago] et prônent une plus grande décentralisation. La plupart de ses travaux se sont déroulés en dehors de Santiago, car la réglementation établit que cette commission doit se réunir au moins une fois dans chaque région du pays. Cette commission est coordonnée par Jennifer Mella (Frente Amplio, photo de gauche) et Adolfo Nonato Millabu (photo de droite). Parmi les questions qui seront débattues dans les semaines à venir figurent la structure organisationnelle et décentralisée de l'État, les gouvernements locaux, le statut des Chiliens vivant à l'étranger, l'autonomie territoriale et autochtone et la ruralité.
Ce sera l'espace où sera discutée, par exemple, la possibilité d'établir une nouvelle division politico-administrative qui divise le pays en trois macro-régions et non en 16 régions, comme c'est le cas actuellement. L’une des propositions déjà approuvées stipule que le Chili est « un État régional plurinational et interculturel, décentralisé et doté d'autonomies territoriales et indigènes ».
A la tête de cette commission :
Jennifer Mella, 32 ans, avocate, lesbienne et féministe, a été élue dans la région de Coquimbo, comme candidate indépendante soutenue par la coalition Apruebo dignidad (Gabriel Boric).
Adolfo Nonato Millabu, 55 ans, leader social d'origine Mapuche-Lafkenche, originaire de Tirúa, où il a été maire pendant cinq mandats. Il a été le premier maire d'origine Mapuche de l'histoire du Chili.
4. Droits fondamentaux
L’ordre du jour de cette commission est le plus chargé d’entre toutes et ses auditions publiques en sont le reflet : la commission des droits fondamentaux a reçu plus de mille demandes d'organisations et de particuliers pour faire des présentations.
Cettee commission est composée 33 membres, et la coordination en revient à Damaris Abarca (photo de gauche) et Matías Orellana (Parti socialiste, photo de droite). Le vaste programme comprend des questions telles que la santé, le logement, les droits de propriété, l'éducation et la sécurité sociale.
On s'attend à ce qu'il s'agisse de l'un des comités qui suscitera le plus d'attention de la part des citoyens dans les semaines à venir. Cela se traduit par le fait que ce comité a reçu le plus grand nombre d'initiatives populaires sur les normes, comme celles qui visent à consacrer le "droit à l'avortement sans interférence de tiers", le "droit à la vie", la "liberté d'enseignement", la "défense de l'épargne retraite", entre autres.
A la tête de cette commission :
Damaris Abarca, 32 ans. Quadruple championne nationale et présidente de la Fédération chilienne des échecs depuis 2018, elle a étudié la philosophie et le droit à l'Université du Chili.
Matías Orellana, avocat, 33 ans, membre du Parti socialiste. Il a été chef de cabinet du gouvernement régional d'O'Higgins entre 2017 et 2018. Il a également été chef du département juridique de l'Intendance de O'Higgins et avocat de la municipalité de Doñihue.
5. Environnement et modèle économique
Cette commission a parfois été appelée "le tribunal des écoconstituants". Son objectif principal est la création d'une constitution écologique. En fait, les coordinateurs de cette commission, Camila Zárate (Pueblo Constituyente, photo de gauche) et Juan José Martin (Indépendants, photo de droite), se qualifient eux-mêmes d'éco-constituants.
Dans les semaines à venir, ils devront se prononcer sur des initiatives qui abordent des questions telles que les droits de la nature et de la vie non humaine ; le droit à l'eau et de la nature ; la souveraineté alimentaire et la sauvegarde des semences ancestrales ; le développement durable, le bien vivre et le modèle économique, entre autres.
La question de l'environnement est l'une des principales préoccupations du public. Cela a été démontré par les plus de 1 700 demandes d'audition que la commission a reçues.
Ce sera également l'un des domaines les plus innovants en termes de propositions pour la nouvelle Constitution. C'est ce qui ressort de certaines des normes constitutionnelles proposées, qui visent à « garantir le droit d'accès à la montagne, ainsi que le droit d'utiliser les sentiers ancestraux » ; ou encore à "protéger l'atmosphère comme un bien commun".
A la tête de cette commission :
Camila Zárate, 29 ans, écoféministe. Elle est diplômée en droit de l'université du Chili, avec une spécialisation en droit de l'environnement et des animaux. Pendant ses années d'université, elle a été vice-présidente du centre des étudiants de l'école secondaire. Depuis 2013, elle est engagée dans le "Movimiento por el agua y los territorios" (Mouvement pour l'eau et les territoires). Elle est actuellement porte-parole du "Red Parque Cabritería".
Juan José Martin, 25 ans, est un activiste social et environnemental. Il est président et cofondateur de Cverde, l'organisation de jeunesse chilienne pour le développement durable. Il a été prix national de l'environnement avec « Operaciones Cverde. »
6. Systèmes de justice, organes de contrôle autonomes et réforme constitutionnelle
Caractérisée par son ton plus "technique", la Commission des systèmes de justice sera chargée d'examiner des questions telles que le pouvoir judiciaire, le système de justice, le ministère public et le système de poursuites pénales.
Cette commission, coordonnée par Christian Viera (Frente Amplio, photo de gauche) et Vanessa Hoppe (Mouvements sociaux constituants, photo de droite), est composée de 19 membres, dont 17 avocats. Cette commission devra résoudre des questions telles que les réformes constitutionnelles, les normes de transition et l'autonomie de la Banque centrale, entre autres. Si la discussion sur la réforme du système judiciaire et du ministère public pourrait progresser rapidement, il existe d'autres domaines où des nœuds pourraient se former. L'une d'entre elles est la Cour constitutionnelle. Certains proposent de le garder telle quelle. D'autres ont proposé de modifier sa structure et ses compétences dans la nouvelle Constitution. Il y a même ceux qui vont plus loin et cherchent à l'éliminer purement et simplement, ce pour quoi ils ont déjà présenté des initiatives pour une norme constitutionnelle.
A la tête de cette commission :
Christian Viera, 48 ans, a étudié le droit à l’Université de Valparaiso. Il est l'auteur de plusieurs livres et articles académiques sur la problématique constitutionnelle, notamment "Libre iniciativa económica y Estado social" (2013) ; "La Constitución chilena" (2015) et "La Constitución que queremos" (2019). Ses principaux axes de recherche portent sur la constitution économique et une réflexion critique sur l'État subsidiaire et le principe qui le justifie : la subsidiarité.
Vanessa Hoppe, 41 ans, est avocate et titulaire d'une maîtrise en droit pénal. Elle travaille comme directrice de la liaison territoriale de l'Association des avocates féministes (Abofem) dans la région du Biobío. Elle a exercé dans le domaine du droit civil indigène et a dirigé des ateliers gratuits ouverts à la communauté sur des questions constitutionnelles.
7. Systèmes de connaissance, science et technologie, culture, art et patrimoine.
Il s'agit de la dernière commission à avoir été intégrée au règlement et elle est composée de 15 membres. La principale promotrice de la Commission des systèmes de connaissance est Cristina Dorador (photo de gauche), qui la coordonne avec Ignacio Achurra (Frente Amplio, photo de droite).
Son programme comprend des domaines tels que les droits et les garanties des systèmes de connaissance, des cultures, des sciences, des technologies, des communications, des arts, du patrimoine et des humanités, le rôle de l'État dans ces questions ainsi que la démocratisation et l'accès à la connaissance, ainsi que des questions plus spécifiques telles que la télévision publique et la réglementation du cinéma seront abordées dans les semaines à venir.
A la tête de cette commission :
Cristina Dorador, scientifique de renom, professeure associée du département de biotechnologie de la faculté de sciences de la mer et ressources naturelles de l'Université d'Antofagasta. Lire ICI.
Ignacio Achurra, 43 ans, est acteur, fondateur de la compagnie théâtrale La Patriótico Interesante, avec laquelle il mène depuis 2002 un intense travail de création et de recherche dans le domaine du théâtre de rue. Il est actuellement codirecteur artistique du FITKA (Festival international de théâtre de rue, Santiago du Chili), membre du Réseau des festivals et universitaire de l'Université Finis Terrae.
Source principale : Pauta
Pauta est un média en ligne : https://www.pauta.cl/
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