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© Pixabay / Tom’s Guide
UNE SÉRIE SUR L'IA / 06 En collège, certains élèves ont déjà recours à ChatGPT : un outil comme un autre ? Avec le témoignage de Sophie Galtié, enseignante de français au collège Balzac à Albi, Paul Gaborit et Guillaume Martin, enseignants-chercheurs à l’École des Mines d’Albi, évoquent certaines des “interfaces” entre enseignement et intelligence artificielle.
« Est-ce que l'IA a une meilleure capacité à enseigner qu'un être humain ? » C’est sans détour que les élèves de 3ème du collège Balzac, à Albi, posent la question à Paul Gaborit, enseignant-chercheur à l’École des Mines d’Albi : « Sans même parler de l'intelligence artificielle, il y a beaucoup de choses qu'on peut apprendre maintenant par soi-même en allant sur Internet, là où auparavant on allait chercher dans des livres. La qualité des enseignants, c'est d'être capables de s'adapter aux personnes à qui ils enseigne. Ils n'expliquent pas toujours de la même manière, parce qu'ils s'adaptent aux questions qu'on leur pose. Actuellement, les outils disponibles sur Internet n’ont pas cette capacité. Une IA pourrait sans doute s'adapter beaucoup plus facilement à celui qui apprend, à l'élève, pour mieux lui enseigner. Donc oui, il est possible qu'une partie des enseignements puisse se faire un jour via des IA. Pourquoi pas ? Mais il faudrait que les élèves apprennent à s’en servir et que les enseignants apprennent à les programmer pour que tout le monde s’y retrouve. »
Pour Guillaume Martin, lui aussi enseignant-chercheur à l’École des Mines d’Albi : « L'apprentissage, c'est 50 / 50. Pour qu'un élève réussisse, il faut que l'enseignant fasse 50 % des efforts et que l'élève fasse les 50 % restants. En général, en tant qu'enseignant, on essaie de faire des efforts pour créer des cours qui soient sympas, interactifs, etc. Mais si les étudiants ou les élèves ne veulent pas travailler, ça ne sert pas à grand-chose. En tant qu’enseignant, il m'arrive de me servir d'intelligence artificielle dans deux contextes. Le premier, c'est pour créer du matériel que je ne peux pas créer moi-même, comme des vidéos ou des images pour illustrer mon cours. Cela m'arrive aussi de l'utiliser pour créer ce qu'on appelle des questionnaires en forme d'arbre. L'idée, c'est de créer une banque de questions pour valider des connaissances acquises. En fait, c’est une sorte d’examen, qui peut permettre d’évaluer des élèves, mais aussi de se former. L’enseignant crée les questions, et l’IA les organise de façon arborescente. C’est une autre façon d’apprendre. Je ne sais pas si elle est meilleure, mais elle est différente de ce qu’on pratique habituellement. En fait cela dépend beaucoup des étudiants : certains n'aiment pas être en classe et ont besoin d'être autonomes. Il y a plein de profils différents. »
L’IA commence aussi à s’infiltrer au collège, comme en témoigne Sophie Galtié, professeur de français au collège Balzac, en réponse aux questions de ses élèves : « Lorsque j’ai commencé à enseigner, il y a une vingtaine d’années, les outils étaient bien moins performants qu'aujourd'hui. On n’avait pas internet, et encore très peu d'outils informatiques. En français, on ouvrait un livre, on prenait les pages qui nous intéressaient, et que l’on photocopiait pour les élèves. Aujourd'hui, je vais directement chercher sur Google les supports dont j’ai besoin, les textes ont déjà été numérisés. L'IA est un outil que je n'ai encore pas du tout encore employé. Cela pourrait peut-être m’aider à trouver des textes qui parlent de tel ou tel sujet ».
Certains élèves confient, pour leur part, avoir déjà commencé à utiliser ChatGPT. Déjà, dans le recours qu’ils pouvaient faire à des articles de Wikipédia, Sophie Galtié a attiré leur attention sur la nécessité de vérifier les informations qu’on peut y trouver, pas exemptes d’erreurs possibles. Cela devient encore plus impératif avec ChatGPT, qui ne donne pas ses sources. Quant à confier à l’IA la rédaction d’un devoir : « Vous aurez sans doute une belle formulation et une belle enveloppe. Mais au final, dans le texte que vous allez obtenir, y a-t-il des idées intéressantes et riches ? J'ai vu régulièrement des copies qui avaient été faites avec ChatGPT. Je m’en aperçois, parce que ça ne correspond pas au niveau d'un élève de collège. Mais surtout, c’est une écriture impersonnelle. Ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Or, le plaisir qu’il y a à lire des rédactions, c’est que chacun a écrit différemment. On a tous les mêmes mots, mais pas dans le même ordre, pas de la même façon, pas avec le même assemblage. Et ça, c'est personnel à chacun. »
J-M.A
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Jean-Marc ADOLPHE, rédacteur en chef des humanités, et la photographe Louise ALLAVOINE ont été les deux invités de la 6ème résidence journalistique FLUX, portée par l'association Média-Tarn (sous la responsabilité de Myriam BOTTO) qui s’est déroulée d’octobre 2023 à octobre 2024 sur le territoire tarnais, entre Albi, Vielmur-sur-Agout, Castres, Graulhet et Gaillac.
Une centaine de collégiens ont été parties prenantes, dans ce cadre, d’une enquête participative visant à questionner les enjeux et les limites des outils de l’intelligence artificielle : une classe de 3e du collège René Cassin à Vielmur-sur-Agout, une autre du collège Honoré de Balzac à Albi et une classe de 4e du collège Jean Jaurès à Albi. Ont aussi été impliqués dans l’ouvrage leurs enseignants bien sûr mais aussi des enfants et adolescents accueillis au sein d’un ALAE (Amicale laïque à Graulhet) et d’une MJC (Técou), des adultes fréquentant des lieux de culture, de partage et de convivialité du territoire comme des médiathèques (Castres, Gaillac, Graulhet), un Tiers-Lieu (M à Graulhet), un Fablab (Association ACNE, Albi), des cinémas (Cinéma Arcé à Albi, cinéma Vertigo à Graulhet) …
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De ce processus au long court, sont nés deux objets :
MIROIR AUX ALGORITHMES, une série de 21 photographies : avec Louise ALLAVOINE à la prise de vue, la centaine de collégiens impliquée dans l’enquête a cheminé dans un processus de mise en scène photographique, pensé en écho aux interviews réalisées avec l’accompagnement du journaliste Jean-Marc Adolphe. Regarder en face le procédé logique et automatisé qu’est l’intelligence artificielle pour le mettre en réflexion, le faire rimer avec humanité, le contextualiser et en nuancer la portée, tels ont été les fils à tisser de la série MIROIR AUX ALGORITHMES.
la REVUE FLUX 23-24, un magazine de 64 pages qui donne à lire une diversité de points de vue et de sujets ayant trait à la façon dont les intelligences artificielles s’expriment dans nos quotidiens. La rédaction des articles qui y sont compilés a été confiée à Jean-Marc Adolphe. Ce dernier a engagé le travail rédactionnel à l’issue d’une étape préparatoire qu’il a menée en classe avec les collégiens impliqués. Cette étape a consisté en un travail de dérushage et de hiérarchisation des informations recueillies au cours des entretiens organisés par Média-Tarn et conduits par les élèves. La revue comporte également un portfolio permettant de découvrir l’intégralité de la série MIROIR AUX ALGORITHMES.
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Et pour clôturer la résidence, Jean-Marc ADOLPHE a livré cinq chroniques issues des réflexions construites autour des intelligences artificielles au cours de son séjour dans le Tarn, enregistrées et diffusées du lundi 14 au vendredi 18 octobre par Radio Albigés.
A écouter en podcast ici : https://hearthis.at/radio.albiges/set/ia-co/
La résidence journalistique FLUX a été possible grâce à l’implication de nombreux acteurs sur le territoire et de celles de professionnels, chercheurs, experts, concernés de très près par les intelligences artificielles ou non.
L’action a bénéficié du soutien du Conseil départemental du Tarn et de la DRAC Occitanie dans le cadre de son appel à projet Éducation aux médias et à l’Information.
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