Photo L'Union
En cassant sa tirelire pour donner aux réfugiés d'Ukraine, le petit Esteban (8 ans) est, sans le savoir, un disciple d'un prix Nobel de la Paix français totalement oublié qui avait inventé le "solidarisme". A l'heure où grossit le flot de l'exode ukrainien, peut-être n'est-il pas inutile de hisser à nouveau les couleurs de l'altruisme, sans distinction d'origine.
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« Les hommes sont reliés entre eux par des cordes, et cela va déjà mal quand les cordes se relâchent
autour de quelqu'un et qu'il tombe un peu plus bas que les autres dans le vide,
mais quand les cordes cassent et qu'il tombe tout à fait, c'est horrible.
C'est pourquoi nous devons nous tenir les uns aux autres. »
(Franz Kafka, lettre, 1903, in Œuvres complètes, Cercle du livre précieux 1964-1965).
L’histoire est narrée ce matin dans les pages du quotidien L’Union : « À seulement 8 ans, Esteban fait preuve de solidarité en offrant sa tirelire aux Ukrainiens ».
« Esteban Dessaint est un petit garçon comme les autres », poursuit l’article. « Âgé de 8 ans, il est scolarisé en classe de CE2, il aime le football et joue dans l’équipe U9 à Vic-sur-Aisne (1.700 habitants), commune où il réside avec ses parents. Comme beaucoup d’enfants, il a été touché par les images de la guerre en Ukraine, il a donc décidé, lui aussi, de soutenir à sa façon le peuple ukrainien. Il a choisi d’offrir sa tirelire à l’équipe de Fausi (France aide urgence secours international) en charge de la collecte pour l’Ukraine. Son père, Romain Dessaint, se montre encore très touché par le geste de son petit garçon. Lui-même a mis en place une collecte auprès de l’école de sa commune. « Je me suis dit qu’avec les parents, ça pouvait marcher. » Alors que les colis commençaient à affluer à son domicile, il a eu la surprise de découvrir un matin, au milieu des dons, une tirelire ronde accompagnée de ce petit mot. « Donne-la à Rudy qu’il en fasse bon usage. » Rudy est un ami de son père, il fait partie de Fausi, l’association se charge de réunir et de convoyer les dons pour l’Ukraine. La tirelire, Romain Dessaint la connaît bien, elle appartient à son fils. Elle renferme ses petites économies glanées au gré des Noël, anniversaires et dons divers. « Mes mamies me donnent de l’argent parfois pour les vacances », en tout une trentaine d’euros qu’il a offerts de bon cœur. »
Des histoires comme celle-là, la presse, notamment régionale, en regorge. Pour poursuivre avec le quotidien L’Union, diffusé sur les départements de l’Aisne, de la Marne et des Ardennes :
Ils ouvrent leurs bras et leur maison aux réfugiés
Bouleversés par les images de familles ukrainiennes jetées sur les routes, des particuliers proposent d’en accueillir chez eux. C’est le cas par exemple à Charleville-Mézières, où des habitants se mobilisent pour héberger des réfugiés. Parmi eux, l’entrepreneur Pascal Urano : « J ’ai été effrayé, effondré, par les images de ces familles et de ces enfants dans la rue, dans la neige. J’ai des petits-enfants et les imaginer dans ces conditions, cela m’est insupportable. On ne peut pas rester les bras croisés sans rien faire, en voyant ces enfants dans le froid, qui n’ont plus rien et qui risquent leur vie. C’est juste pas possible. »
En fin de semaine dernière, il a saisi l’occasion offerte par la Ville de Charleville-Mézières. Dans un premier temps, celle-ci avait identifié quatre logements qui lui appartiennent, pouvant accueillir plusieurs familles, et elle avait ouvert un local pour stocker les dons matériels, qui a rapidement été pris d’assaut.
Puis la mairie a mis en place, mercredi dernier, une plateforme téléphonique destinée à ceux qui veulent apporter leur aide. Gérée par le CCAS, cette plateforme s’adresse en particulier à ceux qui proposent d’accueillir des réfugiés chez eux, en leur demandant combien de personnes ils peuvent loger, à quelle adresse et pendant combien de temps. Vendredi soir, une vingtaine de personnes avait déjà proposé leurs services, dans la ville et ses alentours, indique Boris Ravignon, le maire de Charleville. (…)
La possibilité d’affréter des cars pour aller les chercher est examinée. Comme nombre d’habitants dans le département, Pascal Urano fait référence à l’accueil des Ardennais en Vendée, pendant la Seconde Guerre mondiale : « On doit s’inspirer de ça, suggère-t-il, en regroupant des Ukrainiens qui viennent de la même région pour qu’ils ne soient pas isolés ici. » Admiratif devant le « courage » des hommes qui restent en Ukraine pour se battre, Pascal Urano souligne l’importance d’accueillir leurs proches. « En apportant un toit et du réconfort à des gens dans un tel dénuement, on soulage aussi ceux qui risquent leur vie pour défendre leur pays. Ils savent au moins que leur famille sera en sécurité. »
En Haute-Marne, l’accueil des réfugiés ukrainiens commence à s’organiser
Ioulia Osaulenko-Houllé, Tatiana Lacour et Natalia Smirnova devant l'hôtel de ville de Saint-Dizier.
En Haute-Marne, les premiers réfugiés ukrainiens – surtout des femmes et des enfants – commencent à arriver. Par leurs propres moyens ou recueillis par des membres de leurs familles vivant en France et venus les chercher à la frontière de l’Ukraine avec la Pologne. Natalia Smirnova a quitté Kiev le 27 février au deuxième jour de la guerre avec son mari et sa mère, âgée de 90 ans. Au terme d’un périple à travers la Pologne et l’Allemagne, elle est arrivée le 6 mars à Saint-Dizier où l’attendait son amie Tatiana Lacour, la restauratrice qui tient depuis des années le restaurant ukrainien L’Auberge du Lac à Braucourt. « La Pologne est déjà saturée », constate Natalia Smirnova. À sa suite, l’une de ses amies en provenance d’Irpin, une ville à l’Ouest de Kiev durement bombardée par les Russes, vient de parvenir à Varsovie. Elle est accompagnée de son fils, âgé de 15 ans et, ne sachant où aller, compte la rejoindre à Saint-Dizier.
Natalia Smirnova et sa famille logent pour l’instant à L’Auberge du Lac. « Seulement » explique la restauratrice, très mobilisée dans l’aide humanitaire à ses compatriotes, « il va bien falloir que je rouvre mon restaurant ». Elle a appelé la Préfecture de la Haute-Marne qui l’a renvoyée sur le 115, le numéro de l’Urgence sociale, qui l’a orientée vers l’Association haut-marnaise pour les immigrés (AHMI). Tatiana Smirnova, elle, ne souhaite qu’une seule chose : rentrer dans son pays. Quand on lui objecte que la guerre pourrait durer longtemps, des larmes coulent silencieusement le long de ses joues.
Les dons affluent pour aider l’Ukraine
On peut s’occuper du sort des animaux et ne pas oublier celui de leurs maîtres et maîtresses. Ce postulat, Virginie Bisiaux, présidente de l’association « Au bonheur des Mastins », sise à Chéry-Charteuve (Aisne) en a fait sien cette semaine. Cette présidente d’une association qui fait lien entre les sociétés protectrices des animaux et les demandeurs d’adoption, travaille en réseau avec des associations en France mais aussi en Espagne et en Roumanie où les chiens sont bien moins considérés qu’en France. « Ils sont comparés à de gros rats », glisse-t-elle sans détour.
En contact régulier avec l’association protectrice de Pascani (nord-ouest de la Roumanie, à 60 km de la frontière avec l’Ukraine), elle a eu l’idée de jumeler les envois de nourriture et autres besoins pour les animaux, à ceux criants, de leurs maîtres et des réfugiés qui arrivent en nombre dans cette ville de 34.000 habitants.
« Les derniers échanges avec les bénévoles de cette association, laissent présager des jours noirs, explique cette jeune présidente, car les réfugiés qui arrivent ont parfois leurs animaux. Or, en Ukraine, toutes les cliniques vétérinaires sont fermées, les animaux blessés ne peuvent être soignés. »
D’où son idée de grouper les produits nécessaires aux réfugiés avec ceux pour les animaux pour celles et ceux ont pu passer avec leurs animaux. « Les secours locaux vont commencer à manquer de tout, que ce soit des médicaments pour enfants comme les « basiques » comme le Doliprane, Smecta et autre Spasfon mais également des couvertures de survie, bandes, les compresses tout pour soigner les blessures de guerre. » Sans oublier également les produits du quotidien, comme les couches et lingettes pour les bébés, les serviettes hygiéniques pour les femmes, les conserves, les produits non périssables…
« Pour le premier voyage, nous allons privilégier les produits pour les enfants en bas âge. Nous avons un camion de 20 m 3 qui est presque plein de produits de ce style. Nous avons encore de la place. Nous avons aussi besoin d’un coup de pouce pour les frais de route, la distance aller et retour, soit plus de 5 000 km ». Si tout se passe bien, ce sont 9 autres voyages qui devraient suivre ce premier convoi, car la présidente « ne veut pas travailler sur un seul convoi. Les besoins vont être énormes. »
Un point de collecte va être mis en place à l’Intermarché de Fismes, à partir de jeudi 10 mars, dès 10 heures.
A Sézanne, des bénévoles s’organisent pour assurer la réception des dons.
Répondant à l’appel lancé par l’Association des maires de France, de nombreuses communes se sont mobilisées pour apporter leur soutien à la population ukrainienne. Parmi elles, Sézanne (4.800 habitants, dans la Marne), qui collecte des dons depuis vendredi dernier. « Il y a un élan de solidarité extraordinaire, ça fait du bien », se réjouit Florence Martin, responsable des services techniques de la ville et chargée d’organiser le point de collecte.
En effet, depuis l’ouverture de cette collecte dans les locaux des services techniques municipaux, situés route de Fère-Champenoise, les voitures affluent, leurs coffres chargés de produits de première nécessité, pour la population obligée de fuir l’Ukraine. « Nous avons déjà collecté plus d’une trentaine de cartons, qui seront envoyés aux frontières », poursuit Florence Martin. Sur place, le bâtiment du fond a été réquisitionné et aménagé. Une vraie petite usine de bénévoles. « Nous recevons vraiment de tout mais en priorité des produits d’hygiène, de la nourriture non-périssable et beaucoup de couches, lait maternisé et petits pots pour les enfants. Nous collectons également ce qu’il faut pour mettre en place des abris, et quatre tentes nous ont déjà été apportées. » Le centre de collecte recherche également des piles, bougies et lampe-torches… Des produits qui, pour l’heure, font défaut. Les cartons de denrées sont triés en fonction des catégories de produit. « Il y a des jours de forte affluence, avec plein de voitures dans la cour. Mais aussi des moments de calme, qui permettent aux bénévoles de ranger. »
Quand l’appel a été lancé, plusieurs associations locales, telles que la Croix-Rouge, le Secours populaire, la paroisse, ainsi que des élus et bien d’autres bénévoles sont venus prêter main-forte pour permettre d’assurer la réception des denrées.
Au poste frontière de Shehyni entre l'Ukraine et la Pologne, mardi, alors que le nombre de réfugiés fuyant la guerre en Ukraine dépassait les deux millions, selon les Nations unies. Photo Ivor Prickett / The New York Times
« L’altruisme, le meilleur des remèdes »
Voici peu, toujours dans les pages de L’Union, était interrogé le professeur Antoine Pelissolo, psychiatre et chef de service à l’hôpital Henri-Mondor (AP-HP), spécialiste de l’anxiété et des phobies, qui vient de publier avec le Dr Célie Massini, Les émotions du dérèglement climatique (éditions Flammarion) :
« Cette guerre surgit alors que l’état psychique général est altéré par une pandémie mondiale qui n’est d’ailleurs pas terminée. Pour beaucoup cela s’ajoute aussi à l’anxiété - l’éco-anxiété - entretenue par la progression du réchauffement climatique. À l’arrivée, nous sommes usés, mentalement épuisés, et vraiment pas prêts - si tant est qu’on puisse l’être - à affronter la survenue d’une guerre près de chez nous. Différents facteurs aggravent ensuite cette fatigue psychique généralisée.
Il y a d’abord un facteur de proximité, autant en termes de distance géographique que de modes de vie, nous nous sentons proches des Ukrainiens, citoyens d’un pays démocratique aux frontières de l’Union Européenne. L’identification aux familles que l’on voit fuir facilite une contagion de la peur.
Puis il y a la brutalité. En quelques jours à peine, nous avons assisté aux bombardements, exodes, colonnes de chars en route vers Kiev et Vladimir Poutine qui annonce qu’il met « sa force de dissuasion nucléaire en alerte » ! Nous avons beau savoir que nous sommes à l’abri, cette succession d’événements violents forge une sensation de vulnérabilité. »
Selon le professeur Pelissolo, « la meilleure arme contre les malheurs de la guerre, mais aussi contre la culpabilité et l’impuissance, c’est l’altruisme. Spontanément, de nombreux Français se sont d’ailleurs déjà tournés vers les associations et les mairies pour donner des vêtements, un peu d’argent. Même si les illuminations des villes aux couleurs ukrainiennes semblent dérisoires, elles aident à canaliser les émotions négatives. Et surtout, tous ces gestes, même symboliques, nous rattachent les uns aux autres, ce qui est essentiel en périodes de crise. »
« Notre esprit humain exige sans délai
la solidarité et l’union entre les peuples et les nations
au-delà des différences qui pourraient les séparer » (Augusto Roa Bastos, 1917-2005)
Sarajevo, en 1993. Photo Gilles Peress / Magnum Photos
Jamais, dans l’histoire récente, le mot de « solidarité » ne s’était imposé avec une telle vigueur. A contre-courant des relents nationalistes, que l’extrême-droite, de Marine Le Pen à Zemmour, a insufflé au sein de l’espace politique français. Sauf erreur ou omission, la dernière fois qu’un tel élan populaire de solidarité s’est levé en France, c’était au début des années 1990, lors du siège de Sarajevo. Cela fait trente ans, plus personne ne s’en souvient. C’est comme si l’esprit de générosité, le sens de l’empathie, en un mot l’altruisme, sortaient d’une longue hibernation.
Certes, ce magnifique élan de solidarité ne doit pas faire oublier les aveuglements ou indifférences d’il y a peu, dont ont fait les frais les réfugiés syriens, irakiens, africains, soudanais, afghans… (Lire ICI) Comme le disait aujourd’hui le philosophe Slavoj Žižek au micro de La Grande Table, sur France Culture, qui dénonce un « double standard » en matière d‘accueil des migrants : « les horreurs se produisent là-bas, nous on les regarde bien assis devant nos télés, mais le danger c’est que ça vienne ici. Ou est-ce qu’on devrait en tirer la leçon exactement inverse ? Ce qui s'est produit là-bas, eh bien ça vient ici, ça vient chez nous. Comment dois-je clarifier ma position ? il faut repenser notre approche, par exemple avec les pays arabes d’où viennent beaucoup de réfugiés. Il est temps de réfléchir à ce que nous avons fait de mal ; nous, l’Occident : sans notre intervention en Libye, sans l’intervention américaine en Irak, sans les interventions des grandes puissances en Syrie il n'y aurait pas eu de réfugiés. Le modèle, c'est l'Afghanistan. Avant que les communistes n’interviennent là-bas, c’était un pays tolérant. En soi, l’Afghanistan n’était pas un pays fondamentaliste ; ce pays est devenu fondamentaliste comme résultat final de la façon dont nous sommes intervenus là-bas. (…) Je n’aime pas cette reformulation des crises comme réduction des crises à la question de savoir ce qu’on faire des réfugiés. Il faut agir à l’avance : pourquoi les réfugiés viennent ici ? Qu'avons-nous fait de mal dans ces pays-là. Nous avons besoin d'une façon de penser plus radicale. »
Le retour du "solidarisme"
Ce que dit Slavoj Žižek, au fond, c’est que la véritable solidarité devrait s’exercer en amont des crises, entre peuples ; là où les « nations » se construisent précisément contre les peuples. Le changement climatique, principale menace pesant aujourd’hui sur l’humanité tout entière, devrait de toute évidence susciter un tel réveil des consciences. Ce serait, au demeurant, revenir à l’étymologie même du mot « solidarité ». Dérivé du latin solidus (dense, solide, compact), le mot signifie "dépendance mutuelle entre les êtres humains, existant à l'état naturel et due au besoin qu'ils ont les uns des autres". Il renvoie aussi au devoir moral qui en résulte et "incite les hommes à s'unir, à se porter entraide et à coopérer entre eux" et à l'"acte concret qui met en application ce devoir moral".
Sans le savoir, du haut de ses 8 ans, le petit Esteban est un disciple de Léon Bourgeois.
Mais qui diable est donc Léon Bourgeois ? Oh, quelqu’un de pas très important : il est l’un des dix seuls Français à avoir obtenu, depuis 100, le prix Nobel de la Paix. Que lui a valu un tel honneur ? Des broutilles : avoir contribué à la création du Conseil des Nations, dont il fut le premier Président, en 1919, et y avoir milité pour le Principe de l'égalité des races proposé par l’Empire du Japon au sortir de la Première Guerre mondiale. En France, ce radical, issu d'une famille modeste et républicaine, joua un rôle important dans le vote de la loi sur les Retraites ouvrières et paysannes en 1910. Auteur d'un Essai d'une philosophie de la solidarité (1902), Léon Bourgeois avait donné à sa philosophie politique le nom de « solidarisme », qui se voulait une « synthèse » entre le libéralisme et le socialisme.
Dans son ouvrage Solidarité, publié pour la première fois en 1896, il présente la solidarité comme le principe central de sa doctrine ; une solidarité aussi bien entre les hommes qu'entre les générations. Pour lui, « l'individu isolé n'existe pas ». Les hommes sont interdépendants et ont tous une dette envers la société, qui leur a permis de s'épanouir. Le solidarisme qu’il prône se montre ainsi favorable au mutualisme et à la prévoyance sociale, que l’État doit encourager. C’est au nom de la solidarité que Léon Bourgeois défendit le principe de l’impôt sur les successions, sur les revenus et la mise en place d'une retraite pour les travailleurs.
Certains historiens considèrent que le « solidarisme » fut le précurseur de l’État providence après la Seconde Guerre mondiale ; mais dans quel livre d’histoire apprend-on aujourd’hui le nom de Léon Bourgeois (5 lignes dans le Petit Larousse) et l’existence du « solidarisme » ?
Jean-Marc Adolphe
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