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Photo du rédacteurJean-Marc Adolphe

Avec Irina, bouleversé


Dans La Russie de Poutine, il y a pas mal d’ordures. Il y a aussi quelques Justes. Un reportage d’Arte, qui suit une famille déportée de Marioupol, montre pour la première fois des Russes qui viennent en aide aux "réfugiés" d’Ukraine. Parmi eux, il y a Irina, à son tour persécutée par les services de renseignement russes. Le propre d’un État fasciste.


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Irina est russe. Une douceur phénoménale.

Jusqu’à il y a peu, Irina vivait à Penza, une ville de 500.000 habitants, à environ 600 kilomètres au sud-est de Moscou. C’est la ville natale, entre autres, du poète Mikhail Lermontov et du grand dramaturge Vsevolod Meyerhold.

Anna Kouznetsva, vice-présidente de la Douma, déléguée aux droits des enfants... Elle se mobilise actuellement pour remplacer

les livres et manuels scolaires dans les villes d'Ukraine occupées par les Russes.


C’est aussi la ville natale de Anna Kouznetsva, vice-Présidente de la Douma Russe, à qui Poutine a confié la délégation aux droits des enfants, instance dont elle a chassé les représentants d’associations de défense de droits de l’homme pour les remplacer par des membres de l’Eglise orthodoxe (elle-même est mariée à un prêtre orthodoxe). Là elle s’active pour envoyer à Marioupol et autres villes du Donbass des livres et des manuels scolaires en russe parce que, dit-elle, « les bibliothèques locales sont inondées de littérature glorifiant des traîtres et des nazis », beaucoup de ces livres ayant « été publiés en Norvège, en Suède et au Canada » !!! Sur la dernière photo d’elle, prise le 28 juin lors d’une conférence de presse, Anna Kouznetsva arbore un gros écusson russe tagué de lettre Z, en noir. Bref, c’est une ordure…

Dans La Russie de Poutine, il y a pas mal d’ordures.


Mais il y a aussi quelques Justes, comme on disait de ceux qui ont sauvé la vie de Juifs sous l’occupation nazie. Et Irina est une Juste. C’est un tout récent reportage d’ARTE qui me l’a fait connaître. Ce reportage, mis en ligne hier sur YouTube, porte sur des réfugiés ukrainiens en Russie (à voir en fin d'article). Pour ma part, je ne parle pas de réfugiés mais de déportés. Le reportage suit le trajet d’une famille de Marioupol, dont la seule échappatoire possible a été d’être dirigée vers la Russie, avec halte à Rostov-sur-le Don, puis destination inconnue, «enfermés dans un wagon comme du bétail». Ils sont finalement arrivés à Penza, la ville d’Irina, parqués dans un "centre d’hébergement temporaire", sans rien, et sans même le droit de sortir. Fliqués en permanence.

Au risque de me répéter, et sans me vanter (ou alors, juste un peu), j’ai été parmi les tout premiers, dès le 10 avril, ici-même, à alerter sur les "camps de filtration" mis en place par les Russes dans le Donbass, et la déportation de civils ukrainiens vers la Russie, vers des destinations très éloignées. A plusieurs reprises, je suis revenu sur le sujet, avec de nouvelles informations à chaque fois. Le 10 juin, sur ma page Facebook, j’ai partagé un reportage vidéo du New York Times qui recueillait, à ma connaissance pour la première fois, des témoignages filmés de "survivants" des camps de filtration. Au prix d’un invraisemblable périple, les personnes interrogées dans ce reportage ont pu rejoindre l’Estonie.

C’est en Estonie, aussi, qu’a pu fuir la famille de Marioupol suivie par Arte. Un nouveau témoignage, bouleversant en soi, ainsi lorsque la grande fille de la famille rappelle à sa petite sœur de 7 ans qu’elle avait peint une télé sur le mur de la cave où ils étaient terrés à Marioupol, ou encore qu’elle lui avait lu un livre à la lueur d’une bougie ; mais encore lorsque leurs parents disent avoir été « traités comme des chiens » tout au long de leur voyage forcé.


Mais il y a eu plus bouleversant ensuite. A Penza, où ils ont atterri contraints et forcés, quelques personnes se mobilisent pour venir en aide aux "réfugiés", leur apporter un peu de réconfort, les aider à acheter des vêtements, un portable…, et les aider, aussi, à quitter la Russie. Le reportage montre un chauffeur, qui dit faire partie de l’opposition locale, un avocat, et Irina, donc, une bénévole. Une femme de bien, juste une femme de bien.

A ma connaissance, c’est la première fois qu’un reportage évoque (et ici, montre), ces Russes qui viennent en aide. J’en avais déjà fait mention dans un précédent article. Centre vents et marées, intimidations et condamnations, il reste en Russie une "société civile" qui n’est pas inféodée à la propagande de Poutine. Ce que montre ce reportage, pour la première fois, c’est que ces "militants humanitaires" sont harcelés par les services de renseignements russes. Pneus crevés (pour le chauffeur), tags devant les domiciles de ces personnes les dénonçant comme « défenseurs des ukrano-nazis ». Pour Irina, c’est allé plus loin : elle a été enlevée par des agents du FSB, emmenée en forêt, cagoulée, menacée. Elle dit : « c’était plus qu’une menace, c’était un dernier avertissement ». Elle a fui précipitamment de Penza, a trouvé refuge à Moscou. Elle a tout laissé derrière elle. Après ceux qu’elle a aidé à s’enfuir, elle-même cherche à quitter la Russie. Quel pays européen saura faire d’elle une citoyenne d’honneur ? Il y a sans doute en Russie, comme elle, des milliers de « petites mains » qui résistent autant que possible à la fabrique d’ordures du fascisme poutinien.


Jean-Marc Adolphe


Reportage d'Arte :







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